"Otello"de l'opéra de Verdi d'après la pièce "Othello" de Shakespeare
- Ginette Flora Amouma
- 24 sept. 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 févr.

Créé en 1887 par Giuseppe Verdi, d'après le livret d'Arrigo Boito et d'après la pièce de Shakespeare " Othello ou le Maure de Venise", c'est un opéra sur la jalousie.
En 1816, Rossini avait composé un Otello à Naples.
Verdi, pour éviter de marcher sur les plates-bandes de Rossini et de semer la confusion, appelle d'abord son opéra " Iago" . C'est en 1886, après la finalisation de l'œuvre que Verdi baptise son opéra du nom d'Otello.
Le genre lyrique
L'œuvre obéit aux paramètres du genre lyrique.
Les personnages sont typés, particulièrement taillés comme des pièces uniques pour présenter les rôles tragiques :
- Le ténor héroïque, Otello qui n'accepte pas d'être floué.
- La soprano, Desdémone pure et sacrifiée et qui cherche à défendre l'honneur de son époux.
- Le baryton maléfique, Iago qui instille la perversion.
L'intrigue se concentre en un seul lieu, Chypre et en un seul temps, le retour du héros sur la terre conquise.
Les thèmes principaux sur lesquels le récit est formé sont les éléments de la nature que les instruments de l'orchestre font résonner dès l'ouverture. Puis le contexte politique est évoqué par les manœuvres des intrigants pour s'assurer des rangs importants dans la hiérarchie des responsabilités : place de capitaine, place de gouverneur ... Ensuite les amours exaltés et contrariés des principaux personnages compliquent une atmosphère déjà tendue, le tout bouillonnant dans un climat malveillant de complots et de manigances perfides.
La musique atteint un sommet dans les duos passionnés des deux époux. L'aria du baiser est le thème qui ouvre le récit et le ferme quand le rideau tombe. Le " Gia nella notte, déjà dans la nuit dense " recouvre les deux époux des douceurs de l'évocation de leur passé et de leur première rencontre. Un hautbois en éprouve la fragile intensité.
Le credo machiavélique de Iago élève le drame vers son paroxysme. On atteint le climax d'une trahison qui se joue intra muros.
Le philtre de la jalousie est versé goutte à goutte dans l'esprit d'Otello à partir de l'Acte 2
L'intrigue et ses plus célèbres chants
ACTE 1: Le Love duet
Le rideau s'ouvre sur le port de Chypre où un bateau est annoncé dans la tempête qui fait craindre le pire. Iago, le bras droit d'Otello, ne lui pardonne pas d'avoir nommé Cassio comme capitaine, rang que briguait Iago. Les germes de la vengeance se lisent dans son âme. Roderigo, le soupirant de Desdémone, la femme d'Otello, se berce d'espoir en désirant la mort d'Otello.
Iago enivre Cassio au cours de la fête qui est donnée pour le retour triomphant d'Otello. Un duel entre Cassio et Montano, le prédécesseur d'Otello dans la gouvernance de Chypre, provoque un désordre qu'Otello réprime violemment.
Otello dégrade Cassio pour incitation à l'émeute qui s'ensuit. C'est le premier round de la machination que met en œuvre Iago pour détruire Otello.
Dans la chambre du palais, Desdémone et Otello chantent leur amour dans un Love duet de toute beauté, chant dont les mesures reviendront dans la finale au moment de la fin de la tragédie.
ACTE 2 : Le Credo
Iago insuffle lentement mais sûrement le soupçon, le doute puis les brûlures de la jalousie dans le coeur d'Otello en utilisant les services de Cassio, le capitaine dégradé. Il pousse Cassio à s'assurer les bonnes grâces de Desdémone pour que celle-ci intercède auprès d'Otello et plaide la réintégration du capitaine déchu.
Iago déclame son Credo blasphématoire : "Credo in un dio crudel". C'est la confession, l'analyse psychanalytique de son état mental comme s'il avait besoin d'expliquer au public les raisons de la machination qu'il ourdit.
Cassio et Desdémone s'entretiennent et Iago rapporte l'entrevue à Otello en la transformant à sa guise afin de faire passer une ombre dans l'esprit d'Otello qui sent l'inquiétude le mordre.
Desdémone console Otello et sort son mouchoir brodé qu'Otello jette dans un accès d'humeur.
Emilia, la femme de Iago ramasse le mouchoir et le ramène à son époux qui s'en empare et s'en sert comme d'une pièce à perversion.
Otello demande une preuve de l'infidélité de Desdémone et Iago invente une histoire diabolique qui accable l'infortuné Cassio.
Le terrifiant Credo de Iago dans Otello .
" Je crois en un dieu cruel
Qui m'a crée à son image
Et que dans la haine je nomme
D'un germe vil ou d'un atome
Vil je suis né
Je suis scélérat parce que je suis homme
Et je sens en moi la fange originelle
Oui, telle est ma foi
Je crois d'un coeur ferme
Autant que la petite veuve au temple
Que le mal que je pense
Et qui de moi procède
Est mon destin et qu'il faut que je l'accomplisse
Je crois que le juste est un pasquin,
Je crois que sur le visage et dans le coeur
Tout en lui est masque ,
Larmes, baiser, œillades
Sacrifice et honneur
Et je crois l'homme jouet du sort inique
Du germe du berceau
Au ver du tombeau
Apres une telle dérision vient la mort
Et ensuite la mort est le néant
Et le ciel une vieille fable . "
ACTE 3 : Le doute
Dans un dialogue éprouvant où Desdémone réalise l'état d'esprit de son époux qui s'abaisse à lui demander un mouchoir qu'elle réalise elle-même qu'elle ne retrouve plus, Otello et Desdémone entrent dans la phase du déchirement et du malentendu qui fait de cette scène le clou du piège machiavélique tendu par Iago.
Otello est furieux quand Cassio lui brandit le mouchoir qu'il a trouvé dans sa chambre. Otello est convaincu dès lors que Desdémone l'a trahi.
Les événements se précipitent quand le Conseil de Venise rappelle Otello en son siège et nomme Cassio pour le remplacer à Chypre.
Otello entre dans une violence extrême .
Le ténor Jon Vickers et la soprano Renata Scotto jouent le terrible crescendo de la suspicion dans un duo de l'Acte 3, Scène 2 où le premier doute, le soupçon, les affres de la jalousie sont inoculés à l'infortuné Maure de Venise, Othello pour Shakespeare mais Otello pour Verdi qui l'orthographie à la manière italienne.
Le dialogue de la scène 2 de l'Acte 3, le "dio ti giocondi, o esposo" plante les premiers crocs de la jalousie. Desdémone ne voit rien venir et s'exprime avec des frémissements d'étonnement.
ACTE 4 : l'Ave Maria et l'air du saule
Desdémone, seule dans sa chambre, sent son destin basculer et chante les plus admirables arias que Verdi ait composés et qui viennent atténuer le sordide cynisme de la déclamation de Iago.
Otello entre dans la chambre de Desdémone et l'étrangle.
La vérité explose quand Emilia annonce que Cassio a tué Roderigo et voyant la tournure que prennent les intrigues, elle avoue à Otello tout le complot ourdi par Iago.
Accablé, Otello se suicide sur le corps de son épouse.
Le rideau tombe doucement sur les mesures des trois baisers de l'Acte 1 "Un bacio... un bacio ancora... un altro bacio " , les mesures jouées sur un hautbois et qui dans les premiers temps de l'amour les avaient comblés.
"L'air du saule" chanté par Desdémone, est un air mélancolique qui raconte la douleur d'une servante abandonnée par l'homme qu'elle aimait.
L'opéra tient parfaitement les normes exigées. Il y a une unité de temps et de lieu, une harmonie musicale, une intrigue circulaire qui contribue à rappeler et à maintenir jusqu'à la conclusion, l'émotion dégagée par un récit aussi tempétueux que les éléments d'une nature déchaînée. L'intrigue est conduite dans la fièvre d'une métaphore filée, les tempêtes de la nature imageant les tempêtes du coeur et les noirceurs de l'âme humaine.
Le public, à la représentation, en a reçu l'impact jusqu'au plus profond de son coeur tant il est transporté par le puissant lyrisme des dialogues.
Septembre 2023
Ginette Flora
Comme d'habitude, une présentation claire de l’œuvre et des personnages, des points de vue judicieux sur quelques éléments particuliers et des extraits merveilleux. Je ne peux que te remercier, chère Ginette.
Je découvre peu à peu grâce à toi... je n'ai pas encore accès à tout mais la Callas me bouleverse malgré que je ne possède tous les codes...
❤️Magnifique de force et de puissance ...j'aime beaucoup Othello ...le sublime des tragédies ....et la musique en renforce l'étonnante gravité ! Merci, Ginette ....je découvre encore et suis si peu connaisseuse en Opéra que je dois toujours m'habituer et apprendre ...j'avoue que je n'aime pas tout mais là, j'ai trouvé la puissance du sentiment "jalousie" superbement superbe !