" Les Hauts de Hurlevent " , opéra de Bernard Hermann
- Ginette Flora Amouma
- 8 oct. 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 oct. 2023

Bernard Hermann ( 1911-1975) est connu pour ses musiques de films d'Alfred Hitchcock, d'Orson Welles et d'autres réalisateurs. Il compose aussi pour des séries télévisées. Il s'essaye également à tous les genres de la musique "savante".
De 1943 à 1951, il compose un opéra :
Les Hauts de Hurlevent
et c'est seulement en 1966 qu'il présente une version de concert à Londres.
En 1982, une version mise en scène est présentée à Portland.
En France, il est donné en concert en l'an 2000.
En 2019, l' Opéra National de Lorraine réalise à Nancy une version scénique.
Les Hauts de Hurlevent est un opéra présenté en Mai 2019.
L'opéra est travaillé uniquement sur la première partie du roman d'Emily Brontë et finit sur la mort de Catherine Earnshaw (comme le fit le film réalisé en 1970 avec Timothy Dalton dans le rôle d'Heathcliff )
C'est un récit enchâssé, une mise en abîme qui dure plus de deux heures avec un prologue sombre.
La critique est mitigée, aurait souhaité une touche de ce "je ne sais quoi" que le roman d'Emily Brontë apporte dans la violence exacerbée de ses personnages et les fulgurances qui broient les dialogues.
Le décor résume tout : l'enfance des enfants dans la lande, la pureté des esprits livrés seulement à la rigueur d'une nature laissée à l'imaginaire, les mots rares qui dénudent les âmes et ne restituent que leur étrange beauté intérieure.
Le décor des lattes de bois ondulées, bombées qui gondolent au gré des situations nous offre le lieu, le temps et l'atmosphère des collines et des monts de l'Ecosse, la lande à elle seule porte le lourd message de l'amour et de la mort :
" Si tout le reste périssait et que lui demeurât, je continuerais d'exister.
Mais si tout le reste demeurait et que lui fût anéanti, l'univers me deviendrait complètement étranger, je n'aurais plus l'air d'en faire partie.
Mon amour pour Heathcliff ressemble aux rochers immuables, qui sont en dessous : source de peu de joie apparente mais nécessaire."
Costumes et objets sont soignés et renvoient à l'époque concernée. Les meubles ont gardé la patine surannée d'un intérieur de gentilhomme des grands espaces, la chaise à bascule égrène le temps d'avant en arrière comme une horloge. Les objets portent une empreinte symbolique qui n'échappe pas à la compréhension du récit.
La présence des jeunes figurants renvoient à l'enfance des personnages. Catherine et Heathcliff enfants, jamais perdus de vue par Catherine et Heathcliff embarqués dans le monde réel. Les Hauts de Hurlevent célèbrent l'âge de l'enfance, libre encore de toute notion acquise.
Cette représentation nous montre combien le roman d'Emily Brontë foisonne d'une thématique singulièrement riche en imaginaire et en réalisme, entre réel et surnaturel, les personnages se livrant à un étrange combat avec eux-mêmes, peinant à se dégager de leur première liberté où ni codes ni conventions ni clivages ni obstacles n'entravaient l'absolue pureté de la vie au contact d'une lande de bruyères aux sortilèges qu'ils connaissaient.
C'est un opéra en un prologue et 4 actes. La musique est d'inspiration néo-romantique.
Il y a peu de récitatifs, c'est un "parlé" lyrique qui domine.

Suite des « Hauts de Hurlevent » pour soprano, baryton et orchestre
1. Je Prologue. La neige et le vent. Allegro tumultueux 6:54
2. II Acte I, scène 1. Allegretto pastorale (très calme) 8h00
(Cathy : 'J'ai erré dans les bois verts') - avec Heathcliff
3. III Acte I, scène 1. Coucher de soleil. Moderato 3:21 (Cathy : « Vous souvenez-vous du jour où vous êtes arrivé pour la première fois aux Hauts de Hurlevent ! ») - avec Heathcliff
4. Acte I, scène 1. Andante con moto (molto moderato) 5:23 (Heathcliff : « Sur les landes, sur les landes »)
5. IV Acte I, scène 1. Lento tranquillo (Cathy : « Regardez, la lune ») 2:56 avec Heathcliff
6. V Intermède (Nocturne). Très lent 3:07
7. VI Acte I, scène 2. Adagio, molto espressivo e triste 3:35 (Heathcliff : « Je suis le seul être dont aucune langue ne demanderait le destin »)
8. VII Acte II. Adagio tranquillo 2:41 (Cathy : « J'ai rêvé dans ma vie des rêves qui sont restés avec moi pour toujours »)
9. VIII Acte IV. Méditation. Andante avec mélancolie 2:21
10. Molto lento (Cathy : 'Heathcliff. Heathcliff') - avec Heathcliff 3:21
11. Acte IV. Allegro très modéré (agité et passionné) 3:41
(Cathy : « Voulez-vous le dire, Heathcliff ! ») - avec Heathcliff
12. Acte IV. Très modéré mais librement 2:31 (Cathy : 'Ouvre la fenêtre. Laisse-moi respirer le vent')
13. IX Acte IV. Mort de Cathy. Molto moderato e molto tranquillo 2:07 (Cathy : 'Je ne te quitterai pas, tu es mon âme')
14. Acte IV. Largo très (sombre) 0:51
15. X Acte IV. Allegro féroce 1:36 (Heathcliff : « Qu'elle se réveille dans le tourment ! »)
16. XI Acte IV. Lent, très soutenu et orageux 1:07
17. XIII Acte IV. Adagio (tenebroso) 0:58 (Voix soprano : « Heathcliff ! Heathcliff ! Laissez-moi entrer »)
18. XIII Acte IV. Lent, très soutenu et orageux 4h00
Très passionné (Heathcliff : 'Oh, Cathy ! Entrez, oh entrez !') - avec voix de soprano
19. XII Acte IV. Adage ténébreux 1:18
20. Echoes 20:22 pour Quatuor à cordes, adapté en 2011 pour Orchestre à cordes de Hans Sorensen
Durée totale du disque : 80:41

Longtemps laissé dans l'isolement, cette œuvre dont l'action se passe dans les landes du Yorkshire, en Ecosse au début du 19ème siècle, est approché avec crainte par les différents genres musicaux.
Le récit est apprécié de diverses manières, il tombe même dans l'effarement d'une tragédie gothique, dans les souffles glauques de l'épouvante tant l'atmosphère des trois parties du roman sont dissemblables.
1/ La première partie la plus souvent abordée par le cinéma, relate une histoire entre deux enfants élevés ensemble et dont l'imaginaire merveilleux, poétique et magique les poursuit bien au delà de leur maturité quand ils n'acceptent pas d'être séparés. Une atmosphère qui nous mène dans un drame qui ne se résout pas car la mort intervient pour mettre fin à ce regard préservé sur l'enfance.
2/ La deuxième partie décrit la solitude de l'homme seul hanté par le souvenir et le rejet d'une réalité qui pourtant le sollicite. Ce rejet du temps qui passe inexorablement et transfigure les absences, l'a-t-il compris Heathcliff quand il s'aperçoit qu'il lui faut choisir entre rester ou mourir pour rejoindre celle qui lui a dit : "Je ne te quitterai pas, tu es mon âme."
3/ La transfiguration de la fin montre à quel point le récit épouse la renaissance de la nature, de sa flore qui rejaillit, à quel point les végétaux recomposent la terre pour l'abreuver autrement.
Espérons qu'un compositeur zélé comme Bertrand Hermann, viendra aussi recomposer cette histoire qui n'est rien d'autre que celle de la nature vivante et primitive, qui, en traversant les saisons, renaît de ses cendres.
En 1958, Carlisle Floyd, compositeur d'opéra américain fait jouer sa composition en trois actes des Hauts de Hurlevent pour l'opéra de Santa Fé mais aucun enregistrement n'a été réalisé.
Il faut attendre l'année 2015 pour qu'un enregistrement soit fait au cours d'un concert. On y retient le monologue de Catherine qui résume le sentiment profond qu'elle éprouve à l'égard d'Heathcliff :
" De quoi que soient faites nos âmes, la sienne et la mienne sont les mêmes ."
Septembre 2023
Ginette Flora
je découvre, et j'aime . (L'album de Renée Fleming est déjà dans ma discothèque !)
Adolescente, j'ai lu et relu "Les hauts de Hurlevent" et j'étais amoureuse d' Heathcliff. J'ai retrouvé cet élan du cœur dans cet opéra, même si c'est un domaine musical que je connais si peu...
J'adore cette histoire, Ginette et cet opéra que je découvre (la honte, je suis nulle en opéras ! ) la transcende superbement ! merci à Toi !❤️