L'autre citadelle
- Ginette Flora Amouma
- 28 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 avr.

© Peinture de Babeth Louisa - A Camélas, la chapelle Sant Marti de la Roca
Camélas est une commune située dans l’Est des Pyrénées Orientales en région Occitanie. Le village est situé entre 200 m et 350 m d’altitude et se resserre entre son café et son église pour former le centre-ville. Tout autour de cette place posée comme une niche, des ruelles tortueuses partent où le veut le paysage tantôt vers la plaine du Roussillon tantôt vers la ligne dentelée des massifs du Canigou ou vers les épaules de la mer.
Le village est entouré de collines et repose sur des schistes. Malgré la présence d’un gaz naturel chimique radioactif appelé le radon, 450 habitants restent pour le meilleur et pour le pire.
Dans ces régions reculées et isolées, des chapelles relient entre eux les mas et les villages par des réunions appelées des « aplecs » en langue catalane. Ce sont des rassemblements à dates fixes qui cimentent la vie religieuse des populations des hameaux dispersés.
La montée du piton
La chapelle San Marti de la Roca ( St Martin de la Roche ) est située à 516 m d’altitude à partir du village de Camélas, une heure de marche pour l’atteindre à travers sentiers sinueux, garrigue aride, rochers imposants dotés d’une vie millénaire écrasante de leur totale posture naturelle.
A mesure que l’on grimpe, on se remémore ce que l’on nous dit de son histoire.
Abandonné au Moyen-âge, l’abbé Honorat Ciuro, au 17ème siècle, le transforme en ermitage pour offrir un lieu de vie aux quelques ermites qui veulent se retirer. Ce sont les premières maisons de retraite spirituelle. Il s’occupe de lever des fonds pour restaurer la chapelle.
Mais à la fin du 18ème siècle, l’ermitage est fermé puis ré-ouvert au 19ème siècle.
En 1967, la chapelle est restaurée. La cloche fait retentir l’appel à la visitation et les randonneurs ou autres pénitents en passant, laissent un mot sur le livre d’or.
Le vent se fait entendre non pas plus fort mais plus insistant mais il faut continuer sur les pistes rocailleuses. Les roches révèlent leur figure rude et âpre au toucher. Est-ce la nature et son érosion perpétuelle qui a composé les temples de roches ressemblant à des stupas tibétains ? Certaines ressemblent à des bories et attendent. Un ou deux arbres surgissent de la garrigue. Leurs troncs inflexibles ne se redressent pas mais s’inclinent dans une génuflexion qui sidère les bruyères, les genévriers et les ajoncs.
L’ermitage

© images baladesromanes66.net
On a quitté les terres d’en bas et l’on s’élève en même temps jusqu’à l’enclos du végétal et du minéral où l’on est invité à participer à la survivance de ce côté de l’Occitanie.
Peut-on parler de morts dans cet endroit ? La mort a-t-elle ce visage de sillons creusés de drames ? Ce visage où stagnent les résidus des peines retenues et qui semble dépeuplé mais qui respire et soupire ? Une heure de marche et pendant cette heure, la montée d’une méditation. Ici les trilles d’une flûte viennent des branches du chêne liège. Les violons des arbrisseaux ramènent la voix d’une personne. Un coup d’archet, ils retirent le regret et placent sur les cordes les balises non pas d’une complainte mais d’un murmure. S’il faut se préparer à écouter le concert des altitudes, c’est maintenant qu’il faut entrer dans l’ermitage.
A l’intérieur de la nef, des croix observent le visage de l’humanité qui suit son long cours. Le gisant St Martin restera ainsi dans sa bure jusqu’à quand ? Le temps ne semble pas exister. « Tachez d’être heureux. » Les mots sont gravés dans le mur sur un support qui tiendra la route du temps.
Des poésies défilent, ceux qui sont venus, ont voulu parler de la voix qui leur est parvenue. Une fenêtre aide à voir l’infini vers le dernier voyage. Nul n’est préparé à cette fusion. Le Massif du Canigou s’étire dans son écrin nacré. Les forêts de conifères dans leur somptueuse et impassible majesté ne nous livrent rien d’elles-mêmes sinon leur longévité et les toits des maisons dans de petits villages presqu’enfouis dans les collines sont prêts à suivre le cours de ce qui reste à venir. Plus loin, comme pour montrer les vastes horizons, la mer déploie son écharpe moirée où le bleu des fonds marins se marie au bleu ganté de blanc du ciel.
Certes la montée est rude et met à vif les mollets. Parfois l’envie de retenir son souffle donne au vent une ouverture pour siffler son aubade à nos oreilles. Le souffle à cette altitude est comme une liberté qu’on exhale. Les rochers sont des reposoirs rustiques pas encore suffisants car un impérieux appel fait qu’il faut explorer, continuer, arpenter le piton jusqu’à la moindre de ses racines sauvages pour arriver à la rencontre de cette personne que l’on ne connaît pas mais qui est présente, la solitude.
Ginette Flora
Mars 2025
À vous deux, vous boostez grandement mon envie de reprendre les routes et de découvrir maintes petits villages pittoresques ! Le printemps est là, reste encore le soleil qui doit vaincre sa timidité ! Merci, Chères Amies, pour ce joli partage ! ^^
Magnifique voyage avec vous deux et envie de fuguer alors ! merci ❤️
Très beau texte chère Ginette une randonnée dans le temps et dans l'espace à partir d'une modeste peinture
Merci mon amie