Dom Robert, peintre et moine bénédictin

Dom Robert est le nom religieux de Guy de Chaunac-Lanzac, né en 1907 à Nieuil-l'Espoir, en Aquitaine et décédé à Dourgne dans le Tarn, en 1997.

Tout au long de sa vie, il ne cesse d'assouvir sa passion du dessin, de la peinture puis des enluminures.

Il réalise ensuite des modèles pour des maisons de soieries et pour les manufactures d'Aubusson.

Ces travaux qui sont des commandes sont transformés, agrandis et tissés en carton numéroté. De dessinateur puis de peintre aquarelliste, il devient peintre cartonnier de tapisserie.

Il contribua au renouveau de la tapisserie du XXème siècle.

Le moine Dom Robert

En 1930, il entre à l'abbaye bénédictine d'En Calcat à Dourgne dans le Tarn., en région Occitanie.

Formé à l'école des Arts décoratifs, il se découvre une vocation religieuse qui ne l'éloigne pas de la peinture car il continue de peindre et c'est dans la peinture que l'on comprend les raisons de son choix religieux.

Il choisit de peindre la faune et la flore de la Montagne Noire, dans les contreforts du Massif Central. Il se laisse prendre par les joies que lui procurent les merveilles de la nature.

Ce sentiment d'émerveillement, d'enchantement, il le peint et le place au centre de ses tableaux. Il renoue avec l'exaltation vouée à une nature, celle d'avant l'homme. Ses premières peintures révèlent le regard de l'homme entrant dans un espace qui se présente à lui, comme un novice entrant au séminaire. Son style des premières toiles exprime une surprise discrète d'abord ...

Rucher en automne, 1940 Abbaye Saint Benoît d'En Calcat, 1934

Verger de La Mijoule , 1936 Paysage de Dourgne, 1936

Les premiers dessins de Dom Robert, entre 1930 et 1940 sont des paysages floraux, de jardins où dansent poules et paons, au milieu de parterres de fleurs et de l'herbe comme le tableau :

" Le jardin des œillets" ( 1940)

Entre dessins en mine de plomb et encre et aquarelles, il accepte la commande du père Abbé qui lui demande de créer des enluminures pour un évangéliaire.

Dom Robert dira lui-même :

" Je m'étais mis à faire des enluminures tel un moine médiéval passant tout naturellement du chant grégorien et des voûtes romanes à la calligraphie d'un livre d'heures . "

C'est en 1940, au cours d'une promenade, qu'il aperçoit une cour de ferme. Le paysage pastoral et bucolique lui révèle sa véritable nature et la voie vers laquelle son style prend définitivement une forme réjouie, colorée, vive et variée.

Il ne cessera dès lors de peindre le miracle de la nature.

Il accepte aussi de faire des réalisations artistiques pour les fêtes qui ponctuent l'année religieuse comme les crèches, les couronnes de fleurs, les décorations murales des églises ...

La découverte de la tapisserie

En 1941, Jean Lurçat, peintre français et céramiste, créateur de tapisserie, découvre la peinture de Dom Robert et lui dit, frappé comme par la foudre :

" Agrandissez vos aquarelles et ce sont des tapisseries !"

Ombelles du matin Plein Champ

Sa première tapisserie "L'été" est tissée à partir d'une aquarelle agrandie et transcrite en carton numéroté. Elle retient l'attention.

Puis la scène des saisons, "l'Ode à la création" remporte un succès immédiat.

Entre 1942 et 1992 , Dom Robert travaille pour les manufactures Aubusson chez les ateliers Tabard et Goubely .

150 cartons sont tissés puis une chaîne de produits dérivés s'attache à faire parler du style pictural de dom Robert :

Carterie, livres, posters, carnets, calendriers, ouvrages brodés ...

L'ODE à la CREATION

L'été L'automne

Le printemps La belle saison

L'œuvre poétique de Dom Robert

L'artiste peint des animaux, chèvres, poules, paons, cerfs en liberté dans un espace végétal forestier ou bucolique représenté avec tant de foisonnement que l'on se met à penser à un jardin féerique.

S'il s'inspire des enluminures religieuses, Dom Robert ne met en scène aucune histoire religieuse.

Le luxe des détails, la foi va tout droit à la faune et à la flore.

Papillons et oiseaux participent à une grande peuplade, celle de la nature, une fantaisie très libre fait fi des frontières du réel et nous ne voyons que des parcelles de vie se juxtaposer. Un monde désintégré, tout en fleurs et en buissons s'ouvre ...

" Dans une tapisserie, on se promène, on flâne, un détail nous conduit à un autre, un rouge mène au bleu. La peinture est un art d'espace tandis que la tapisserie est un art du temps. "

Il nous renvoie au paradis perdu, à l'aube du monde. Les couleurs riches et éclatantes dégagent une pensée positive, chaude et réconfortante. La vie alentour au contact de la nature est ainsi magnifiée.

Il aiguise son style, le maîtrise à mesure qu'il entre dans la discipline qu'il découvre et perfectionne.

Il est un des grands noms de la tapisserie du XXème siècle.

Il faut s'approcher de ces immenses tableaux comme si on marchait sur des sentiers et s'enivrer à relever des détails. Une plume volète par ici, un regard derrière un fourré observe le promeneur, quelque chose encore qui bouge ... ce n'est pas seulement notre regard qui interroge, c'est notre regard émerveillé, enchanté de suivre les frises s'élançant en arceaux guidés par le galop des chevaux, les ailes des papillons amorcent leur danse ...Des pas soulèvent l'herbe...

C'est à une randonnée que nous convient les tapisseries de Dom Robert. C'est le chant mystérieux mais réel de la vie simple et joyeuse.

En 1994, une chute dans les escaliers l'empêche de continuer à un rythme aussi prolifique. Il cesse de dessiner.

En 1997, il meurt à l'abbaye entouré de ses frères moines.

En 2015, dans le Tarn, au sein de l'abbaye-école de Sorèze, s'est ouvert un musée qui lui est entièrement dédié.

Il nous laisse la clé du paradis perdu.

Septembre 2023

Ginette Flora