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Marie Rouanet ou la luxueuse austérité


C’est une femme de lettres françaises, écrivaine et ethnologue, née en 1936 à Béziers dans l’Hérault.

Elle écrit en français et en occitan, compose des chansons en occitan et les interprète dans cette langue qui lui fait atteindre la musique du silence.

Après avoir passé le concours de l’école normale des institutrices, elle enseigne les lettres classiques  puis elle travaille à la mairie de Béziers au service du patrimoine.

Elle s’installe dans l’Aveyron au milieu des roches. On est loin du Golfe de Lion  et tout le paysage qu’elle découvre est vallonné, au teint de blé moissonné. Des villages bâtis sur des pentes rocailleuses, endurcies par les érosions, découpant en blocs pointus leur lave originelle. Elle rencontre l’austérité et  elle entre dans  le luxe, dans la luxueuse austérité.


Pour cela, elle parle dans une quarantaine de romans et de nouvelles, de la vie dans un hameau de l’Aveyron, elle suit les pas d’une femme Louise, trop tôt  acculée aux pénibles travaux des champs et des jours.


 « Les travaux et les jours » est un opus écrit par le poète Hésiode dans l’Antiquité, au VIIIème siècle avant JC. Hésiode disait  «  Ajoute sans cesse le travail au travail ».


C’est une sorte d’almanach rustique qui égrène la façon de vivre dans la campagne et de gérer le temps des travaux. La vie dans les champs ne connaît pas  de repos, le travail en appelle un autre et les mains s’activent sans cesse, s’usent et craquèlent, ces détails témoignent du labeur qui n’a jamais cessé depuis la nuit des temps, labourages et pâturages mais aussi ménage et jardinage, abattage et cuisine, lessive et corvées d’eau et de ravaudage.


Marie Rouanet s’attarde sur cette partie d’un vécu féminin.  Elle raconte la vie d’une femme  mariée à dix-huit ans à un homme de trente-six ans et qui doit vivre les travaux et les jours avec la messe du dimanche pour repère, un confort limité, des pièces d’eau inexistantes, quand les parfums ne viennent que des fleurs, quand le vent peine à détendre les nerfs, quand la femme parvenue à la retraite, préfère prendre les jours de repos qu’elle aspirait durant toute une vie de gestes donnés pour les autres dans la quiétude d’une faune qui était la seule à l’admirer et l’aimer pour son intègre valeur.

A son veuvage, Louise, le personnage central de « la luxueuse austérité »  choisit une retraite loin des champs et suit attentivement la renaissance de ses mains qui de râpeuses retrouvent lentement leur surface  lisse et un grain plus doux.  

Où est le luxe ? Où est l’austérité ?  Dans un alliage des deux extrêmes, semble dire l’auteure qui croit à la fidélité d’une terre qui se renouvelle sans jamais perdre ses premiers tâtonnements.   

Elle se coltine à ce lourd pliage de séduction qui va des mains calleuses à force d’obéissance aux exigences aux mains qui se veulent libérées de toute entrave. Elle parle aussi de la brusque présence d’un silence apaisant qu’elle croyait menaçant jusqu’à ce qu’elle comprenne que le silence peut être un vecteur vers la compréhension des richesses naturelles.   

L’auteure  va de genêt en bruyère, elle croise des visages burinés mais empreints de gravité. Elle  parle dans le langage ancien qui lui permet de s’approcher de ceux qu’elle isolait pour ne pas voir sa propre essence faite d’origine du monde et de  luzerne engrangé.


 « On ne vit qu'alourdi du bonheur saisi, puis enfui.»


 Son œuvre

©- Babelio - Marie Rouanet

 C’est un vivier où romans, nouvelles et chroniques sont publiés d’année en année, c’est une vasque où un thème resurgit avec insistance et faconde : celui de la vie de la femme dans les rudes terres occitanes, celui de la femme confrontée au monde paysan.

 « Luxueuse austérité »  parle avec lucidité et justesse d’une connexion avec la terre, de la symphonie des mains qui passent d’un travail à un autre. On peut y voir un ballet des gestes répétés sans répit, avec une implacable précision. C’est la science des mouvements placés judicieusement pour engendrer le fruit d’un amour sous-jacent. Le cœur n’est jamais loin, le cœur bat la mesure en même temps que vivent les drames du jour  car le livre de Marie Rouanet parle des mains des femmes, des mains qui ne s’arrêtent pas, des mains qui montrent leur capacité à répéter le même amour pour des corps renaissants.

Femmes nubiles, femmes épuisées, femmes veuves, ces femmes qui par leur inlassable activité journalière ont laissé un héritage fastueux.  

L’auteure en restituant la vie d’un hameau du début du XXème siècle nous laisse un beau témoignage, vibrant, poétique et plein d’empathie pour ces mains laborieuses.


Marie est aussi une poétesse. Elle a publié un recueil de poésies  «  Des parfums et des jours ».

 Et on peut citer quelques uns de ses beaux romans comme :

©- Librairie de Paris- Marie Rouanet, 2015


 Apollinie, reine au cœur du monde  (1984)

Nous, les filles ( 1990)

et son roman phare   « Luxueuse austérité » (2006)


Quand on lui demande pourquoi elle écrit, elle répond

«  qu’elle tient le monde par l’oreille. Celui de la maison, celui du dehors, celui du village. L’oreille devient musicienne … depuis l’apprivoisement du silence, je me méfie des mots approximatifs et des paroles inutiles. »  

Voici un extrait d’un de ses livres «  Apollinie » qui permet de mieux entrer dans l’univers de Marie Rouanet.

 

« Une figure qui appartenait à une société économe, dure avec elle-même, mais riche de connaissances et soucieuse d'avenir. Ses mains, marquées par le jardin, l'eau, le feu, les outils, pétrissaient le pain, caressaient l'enfant, maniaient avec douceur et respect le maigre argent du minuscule royaume sur lequel elle régnait.
 Elle travailla chaque jour, marquant son passage de travaux innombrables : gerbiers, jambons pendus, murettes, arbres taillés, cuivres brillants, salades alignées... Elle rendit à ses morts les services nécessaires, et quitta son monde en ordre. Elle apprit à son petit-fils, orphelin, à tenir les bœufs, à faucher l'herbe, à planter droit, savoirs inutiles puisque, de la naissance d'Apollonie à sa mort, le vieux monde acheva de basculer.
 Inutiles parce qu'Henri ne put rester à la terre et "monta" à Paris pour un tout autre destin. Essentiels pourtant, car ils lui permirent de relativiser les choses et de porter un regard critique sur le monde, de s'interroger sur le devenir d'une société qui, par soumission aveugle au progrès, a détruit la civilisation millénaire qui nous constituait. » 

( © D’après l'éditeur).


©- dépêche.fr. Le silence des grands Causses


 Chronique de Ginette Flora

 Mars 2025

 

 

6件のコメント


Elisabeth
3月06日

Aujourd'hui 6 mars à travers cette femme multiple : ethnologue, compositrice, chanteuse,

je rends hommage à toutes les femmes qui n'ont pas eu sa vie mais qu'elle a su évoquer avec respect et sensibilité !

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Merci beaucoup, chère Babeth.

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viviane parseghian
3月05日

Magnifique, Ginette ....j'ai adoré rencontrer cette grande dame sur tes mots ...❤️

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Les portraits de femmes discrètes mais éminemment intéressantes me plaisent beaucoup et j'aime les révéler surtout en ce mois qui est celui de la femme !

Bonne journée, ma chère Viviane.

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nicole.loth
nicole.loth
3月05日

Avec le mois de la femme, jour du 6 mars, ces mises à l'honneur sont vraiment émouvantes.

La femme réduite aux travaux des champs et de la maison qui écris sur ce monde rural et poètique à la fois. Son oeuvre mérite d'être connue. Grand merci Ginette pour cette chronique.

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Merci beaucoup, Nicole .

Femmes de tout temps , Mars leur est particulièrement consacré.

Bonne journée, ma chère Nicole.

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