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Le symposium des sorcières

Dernière mise à jour : 30 oct. 2024


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La fleur de Pongapong, coiffée de son chapeau de grande prêtresse de la nuit des sorcières attendait que les retardataires rentrent dans les rangs pour commencer son laïus qu’elle voulait différent de ceux qui avaient longtemps hanté les souvenirs des malheureux qui avaient franchi la forêt des morts vivants.

 Elle biffait de son limbe très divisé les arrivants munis de leur invitation nominative.

 Tous venaient de contrées si éloignées qu’il avait fallu entreprendre des traversées pénibles, longues et épuisantes pour rallier la forêt où se préparait la nuit des ténèbres.

 

Chacun s’était planté dans un sol étranger puis avait cherché à s’acclimater. Plantes et arbustes attendaient de faire partie de cette nuit dont ils avaient entendu parler, la nuit du 31 Octobre.

La fleur de Pongapong pensait aux îles tropicales de son pays les Philippines. Elle s’était cachée dans la forêt,  elle ne donnait qu’une fleur par périodes espacées de quelques années. Elle avait longtemps  descendu les marches des  terrains pour y développer sa tubercule, elle avait entendu maints  gémissements et assisté à des sabbats  quand l’automne rougissait et soufflait ses premiers vents froids et orageux venus du Nord.


–  Mes amis, je vous ai tous réunis ici parce que vous aimez fleurir dans l’ombre et la discrétion. Vous avez conscience que vous apportez un peu de ce qui vient de nos lointaines contrées et vous avez hâte de voir comment se déroulent les saisons qui passent et trépassent.  Entendez-vous déjà ceux qui se préparent dans la clairière pour leur étrange fête où se déguiser, se cacher devient pour eux une seconde nature ?

Nous n’avons, nous hélas qu’une seule nature.  Même quand nous sommes transplantés, même quand nous sommes défigurés.

Je vous ai réunis pour vous dire que si vous portez des noms effrayants, peu, très peu d’humains  sont parvenus jusqu’à votre tubercule pour en apprécier la véritable raison de votre voyage.


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Griffe de sorcière ! ,  appela la dame du haut de sa haute taille.

–   Présentes ! dirent d’une seule voix les fleurs qui couvraient les sols et rampaient lentement jusqu’à la pongapong .

Ce sont des petites fleurs roses au pistil jaune qui fleurissent en automne. Leur fruit est comestible et leurs propriétés thérapeutiques leur ont valu d’être estampillées du nom de sorcière.

– Vos dons de guérison vous ont assimilées à ce personnage qui touille les plantes dans un chaudron pour en composer un élixir. Savent-ils que derrière votre nom si peu avenant, ils passent à côté d’un cœur d’or, un cœur d‘automne ?  Je vous tire mon chapeau de sorcière !

–   On t’a aussi affublé d’un sobriquet, dirent les invités

–   Celui-là me va plutôt bien. Cela me permet du haut de  mes deux mètres  de suivre les mouvements des agités de cette nuit  de fantômes, de zombies et de monstres.

 La plante fantôme, le zombie et l’orchidée Dracula noire répondirent d’une seule voix :

–  Présentes !

Dame Pongapong les repéra au milieu des autres plantes bruissant  autour d’elle.

–   Présentez-vous  l’une après l’autre.



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La plante fantôme est si pâle qu’elle eut de la peine à lever la tête.

-Je ne produis pas de chlorophylle d’où ma pâleur. Ma vie n’est possible que dans le noir car je crains la lumière. Mes tiges, mes feuilles et moi-même sommes d’un blanc translucide. Je viens d’Alaska et parfois, tentée par de nouveaux paysages, je me fais transplanter en Asie. Pour vivre, je me faufile entre les sucres des arbres et les sels minéraux des champignons pour ma survie. Ma nourriture, je la prends chez les autres plants.  J’ai besoin d’elles pour assurer ma croissance. Je n’ai pas  besoin de soleil pour vivre, je vis dans l’ombre.


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L’orchidée Dracula noire répondit :

–  Moi je suis ton contraire. Je suis noire de sépale. Mes trois sépales font penser à la cape du comte Dracula. Je vis dans les forêts d'Amérique du Sud et je suis une espèce rare. On me compare aussi à des ailes d’une chauve-souris.


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– Non, la fleur chauve-souris, c’est moi ! La fleur Tacca Chantrieri, la fleur tropicale venant d’Asie et ne fleurissant qu’en Octobre.

Je suis exigeante et j'ai besoin s'obscurité, de sols humides pour me développer.


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Le petit palmier zombie  originaire d’Haïti frétilla et darda ses épines. Son tronc en est couvert et personne n’ose l’approcher  d’où son isolement.

Dame Pongapong compatit :

–  Certaines plantes sauront s’adapter et trouver un chemin qui ne sera pas facile à trouver car arriver jusqu’au cœur d’une espèce humaine ou végétale demande du temps,  du soin et de la patience.

 Les anciens de leur monde des ténèbres vont devoir faire le même parcours. Ils doivent chercher l’endroit qu’ils ont quitté, revoir les visages qu’ils aimaient  et suivre pour cela les indices laissés par ceux qui les attendent : lumières, quelques faisceaux  accrochés dans les branches, quelques étoiles  et des traces,  des empreintes, des noisettes, des coques,  des bogues qui indiquent une piste.


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 Le navet du diable 

C’est une plante qui présente des propriétés toxiques, c’est la mauvaise part de nous mêmes, nous avons un monstre en nous que nous combattons. Il y a des arbres, des plantes, des fleurs qui ne plaisent pas et qu’on repousse. Pour eux, pour elles,  ayons un moment de silence.

 On repousse souvent des êtres qu’on ne comprend pas. Il en sera toujours ainsi. Croyez-vous que toutes les âmes qui viennent frapper à leur porte seront reçues ? Certaines se cachent et regardent de loin le pays qu’ils ont quitté.


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Et comme la sanguinaire, cette fleur blanche à la sève rouge, leur âme  saigne, plus vite et plus chaudement, elle saigne.

Elle n'a qu'une grande feuille épaisse qui émerge avec la fleur.

Elle est très toxique et ne se singularise que par son latex rouge  Les feuillus de l'Amérique du Nord sont ses habitats usuels.

Sous des dehors d'une grande pureté, elle renferme des dangereux alcaloïdes.



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La plante aux araignées d’or de la famille des hamamélis.

Elle produit des fleurs filiformes qui évoquent des pattes d’araignée. Sa couleur d’un jaune brillant  ou d’un rouge  provoquant explose en automne. Elle fleurit d’Octobre à Novembre et résiste au froid.

 Et ses fleurs s’épanouissent sur des rameaux dénudés.


 Mais la mort, la vie, c’est un cycle et l’on va de l’une à l’autre et dans notre vie de végétaux,  on nous le rappelle sans cesse.  Nous avons nos saisons,  nos peurs, nos frayeurs, nos voyages, nos fuites éperdues et quand la mort se présente, sous quelque forme que ce soit et cela peut être sous la forme de l'arbre de la mort, on comprend mieux que  de terribles forces existent et qui nous dépassent.

 

 

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L’arbre  de la mort

 C’est un arbre toxique. Le mancenillier  pousse en Amérique Equatoriale et c’est un dangereux végétal. C’est un tueur.

 C’est l’arbre le plus dangereux que j’ai pu voir en explorant la terre. Sa sève est un poison violent, fulgurant. Son écorce, ses feuilles, ses fruits, son parfum, tout est nocif et mortel en lui.

 Il faut laisser mourir l’année vécue pour entrer dans une autre.

 Et Dame Pongapong rabaissa son chapeau pour signaler la clôture de la réunion.

La forêt retrouva ses complices et son ambiance gothique. Elle repensa à la nature et à ses créations surprenantes. D'autres manifestations de cette nature qui se grime pour accentuer ses pouvoirs de divination ou d'intimidation se préparaient sur les tréteaux des officiants.

On parlait avec curiosité de l'autre sabbat qui allait commencer et les plantes se tenaient aux aguets.  

 Ginette Flora

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30 octobre 2024


6 commentaires


Oh super, Ginette, j'ai adoré ...magnifique ! merci à toi !❤️

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Je me suis demandé ce qu'il fallait écrire sur cette nuit spectrale !

Et les fleurs m'ont aidée !!

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Colette Kahn
Colette Kahn
01 nov. 2024

Un récit passionnant et de circonstance, illustré par un herbier floral étonnant. Une belle découverte en ce temps de Toussaint... merci Ginette !

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Il y a de tout dans la nature comme dans le règne humain ! J'ai découvert tant de plantes que j'en suis étonnée moi aussi !

Bonne journée, Alice .

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Elisabeth Rolland
Elisabeth Rolland
30 oct. 2024

Bonjour Ginette, une nouvelle version des "Fleurs du Mal" étrange voyage !!

Merci pour toutes ces découvertes

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Le monde des fleurs est rempli de surprises !

Belle journée à toi, Babeth .

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