Le cyclamen ou la grâce des altitudes

C’est une fleur d’automne. Les cyclamens se plantent en automne et elles fleurissent en automne et en hiver pour disparaître dès le premier réchauffement du printemps.

 C’est une fleur qui ne s’épanouit que dans un environnement frais et ne s’ouvre que dans les montagnes, à partir d’une certaine altitude.

Si les chrysanthèmes monopolisent l’automne par leur symbolique et leur opulente floraison aux bouquets dodus, il est une fleur plus discrète, plus distante, difficilement abordable car elle naît dans les hauteurs et ne s’apprivoise que  si on s’en approche à petits pas, un jour pour être subjugué par le port des pétales formés en entonnoir ; un autre jour, un autre pas  pour se pencher sur ses feuilles et s’apercevoir que toute la surface de la feuille est parcourue de nervures qui parvenues en son centre révèlent un dessin, un motif ressemblant à un sapin de Noël.

Ce recul vers un lieu ombragé, cette constance à vouloir se dissimuler indique une posture réservée, un fragile effacement, une pudeur mauve, un geste retenu dans ses élans que l’on devine fougueux quand on s’approche encore, un autre pas pour rester saisi par la robustesse de son feuillage et la consistance de son univers qui s’éloigne d’une gracile apparence pour montrer sa véritable nature qui est énergique, solitaire et soucieuse de se tenir à l’écart de toute démonstration physique.

Ses pétales levés vers le ciel est la seule cambrure qu’elle se permet pour affirmer son existence.

 Le cyclamen existe, vit dans les zones froides et ne craint pas de venir dire que les cœurs qui résistent, s’abritent et  se confient en silence sont ses observateurs préférés car ceux-là l’ont trouvé.

 C’est une fleur d’une beauté irréelle, déclinant ses teintes du blanc au mauve avec grande élégance. Si le bruit et l’exubérance l’indisposent, elle sait grâce à son intelligence intuitive revenir sur le même sol où elle a germé pour offrir sa timide révérence.

Ses feuilles sont damassées de gris argenté d’une couleur émeraude au fort contour prononcé pour que le fond de la feuille  dévoile son secret ornement, celui d’un sapin de Noël.

J’ai planté mon cyclamen au pied de mon rosier qui donne ses dernières roses. Le cyclamen vient à l’automne comme l’ombre et la brume. Il résiste aux sols secs et quand il manque d’eau, il va au fond de ses racines chercher la goutte qui le tient hors de toute disparition  car sa vie ne tient qu’au regard de ceux qui ont su s’arrêter pour le découvrir.

Ce sont des vivaces tubéreuses qui s’entortillent, se recroquevillent en été, se rétrécissent en ressorts et se préservent de la chaleur pour ne revenir qu’en automne.

Elles ont cette étrange capacité, selon leurs humeurs et leurs noms, de fleurir chaque mois de l’année, rouge, rose, mauve, blanche, elles se souviennent qu'elles viennent du Moyen-Orient et des îles grecques.

Introduit en Europe au 16ème siècle, délaissé au 18ème siècle, le cyclamen est revenu au 19ème siècle dans le sillage de l’esthétique romantique qui en 1905 donne lieu à une fête des cyclamens.  

On se doute bien que le cyclamen a une forte symbolique. Non seulement, il est le symbole d’un fort attachement lié à la sincérité du sentiment qu’il éprouve et qui s’étale sur la durée, il porte aussi  en lui une valeur intemporelle :

Offrir un cyclamen est un geste subtil et silencieux.

En Asie, on dit que cette fleur souligne l’aspect sublime de la personne aimée.

 Au Japon, c’est la fleur sacrée de l’amour.

"Aucun dessin ne sublimera ton visage,

Ô cyclamen

Mais le mien fait un grand voyage

Jusqu'à ce jour où un naufrage

Lui laissera l'éternité comme rivage "

Ginette Flora

Octobre 2024