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La page d'Odile - Fragment 3

Silence


© jacqueswilliet.com - le silence de la neige


Avez-vous déjà entendu le silence ?

Alors, qu’est ce que le silence ?

La nuit ?

Le noir ?

La tranquillité ?

La mort ?

Rien de tout cela, sauf peut-être la mort mais je ne peux l’affirmer aujourd’hui !

Alors disons que lorsque mes oreilles sont débarrassées de tous les bruits de la journée, quand je crois ne plus rien entendre, c’est le silence.

Mais non !!!!

Le silence EST peut-être lorsque je dors et n’entends plus les bruits extérieurs. C’est alors le silence dans ma tête… et encore !!!

Moi, je n’aime pas le  « silence ». Quand je suis couchée, quand plus rien ne fonctionne autour de moi, dans la maison (sauf la VMC donc déjà ce n’est plus le silence), je n’aime pas entendre le craquement des poutres, le moustique qui siffle au-dessus du lit, une latte de parquet qui craque, une bûche qui s’effrite dans la cheminée, un objet qui tombe parce que je ne l’ai pas rangé correctement.

Je n’aime pas entendre des bruits, même identifiés, la nuit plus que le jour.

Une autre raison, plus subjective, mais tout autant angoissante est le bruit de mon cerveau. Si le silence s’installe dans la maison (pas de radio, pas de télévision, pas de lave-vaisselle…) mon cerveau et mes pensées ne sont plus détournés.

Plus il y a de silence dehors, plus il y a de bruit dans ma tête.

Je crois être une personne sociable, sympathique, légère, parfois drôle. C’est en tout cas ce que je pense renvoyer de moi vers les autres.

Mais je sais que je cache une autre facette plus secrète, triste, douloureuse, angoissée que je n’aime pas voir surgir de mon inconscient.

Quand les bruits disparaissent, quand un « relatif » silence s’installe, quand mon esprit n’entend plus les parasites sonores, mon cerveau s’éveille sur des moments chargés émotionnellement, moments de ma petite enfance, de mon adolescence : moments retrouvés je ne sais où dans ma tête et qui enflamment mon esprit. Je n’aime pas que ces pensées ressurgissent.

En écrivant ces lignes, la radio fonctionne ; je l’entends, je ne l’écoute pas mais cela me permet de ne pas me jeter « dans la gueule du loup ».

Le silence n’est pas mon ami.




 

Si je n’entends plus rien, je risque de percevoir un bruit qui me fera peur. Poser ces mots me fait monter une angoisse que je connais, mais que je n’ai jamais su maîtriser. Trop de choses de mon passé, trop d’émotions négatives. Je les reconnais, je les identifie quand ÇA se réveille mais je n’ai jamais su les apprivoiser.

Et voilà je suis passée du silence aux angoisses. Petite fille, seule dans la chambre chez mes grands parents, couchée, j’entendais le vent hurler : les volets semblaient se gonfler dans le mince espace flottant des crochets, les fenêtres en bois laissaient passer des masses d’air qui couraient sur le lino et faisaient rouler les particules de poussière, de sable qu’on avait répandu dans la journée. Pour moi, ces petits bruits de glisse irréguliers s’associaient à des pas d’homme qui s’approchaient du lit. J’étais enfouie dans les draps, sous les couvertures, immobile, figée dans ma peur.

Guère plus âgée, j’avais le  « privilège » d’aller à la cave ou sous le hangar, à la nuit tombée pour aller chercher une bouteille ou une bûche. J’entendais le chuintement de la chouette sans savoir identifier ce bruit à cette époque et l’associais à un homme qui me soufflait dans le dos et me poursuivait…

Poser du bruit sur du silence me rassure. Je n’entends alors plus les nuisances sonores qui pourraient devenir des agressions cérébrales.

 

Il y a une seule situation où j’aime me croire au milieu du silence : quand les volets encore fermés renvoient les bruits étouffés de l’extérieur, je sais qu’il neige. Le « silence » que provoquent les flocons  qui tombent au sol, me lave de toutes mes angoisses. La neige me purifie de l’intérieur. Je cherche le lieu où plus rien n’arrivera à mes oreilles et ne dérangera pas mon cerveau. Je cherche l’atmosphère purifiante d’un environnement  blanc, serein et silencieux.

J’ai aimé me promener le soir dans des lieux isolés, avec pour seule compagnie : la neige. Si le silence n’existe pas, à ce moment, sa douceur et sa légèreté me sécurisent complètement.

 

Quinze ans plus tard…


 

N.B. Le compositeur mexicain Ernesto Cortazar a écrit la pièce Beethoven's Silence, une composition qui souvent a été attribuée par erreur à Beethoven.


Le silence me parlait et je ne l’entendais pas.

Tout ce que j’ai écrit sur le silence est émotionnellement vrai.....et  hier soir, dans un hôtel à St Maximin, sans ma petite radio qui vient toutes les nuits distraire et détourner le silence …j’ai eu un choc :

Un hôtel avec les bruits venant de la rue, quelquefois la TV de la chambre voisine un peu forte ; un autre voisin dont la voix solitaire et déformée parle à un interlocuteur, ailleurs…

Au milieu de ces éléments sonores  très habituels, venant  du couloir, surgit une voix grave, agressive, pénétrant les deux portes cloisons de la chambre.

Cette voix a immédiatement réveillé en moi la peur, la terreur peut être. Une crainte que cette voix m’atteigne.

D abord,  la raison prend le dessus et je me dis :

Je vais aller dans le couloir pour lui dire de parler moins fort… mais s’il me tuait, s’il avait un couteau…

Je vais appeler le veilleur de nuit mais …le numéro d’appel est dans le couloir.

Donc fermer les oreilles, remonter la couette sur le nez, et progressivement j’ai laissé remonter d’autres émotions…

 

Dans le silence d’un soir ou d’une nuit de la petite fille que j’étais, j’ai entendu des voix fortes, belliqueuses, agressives.

Toute petite, mon père rencontrait trop souvent un autre homme, amoureux de ma mère. Se  sont-ils déjà disputés sur le Quai à Paris où nous habitions ?

La violence de leurs voix m’aurait-elle suffisamment  traumatisée pour que j’en garde une trace sonore  indélébile ? Ai-je, petite, eu peur pour moi ?

J’ai tenté tant de fois d’en parler, la conscience raisonne mes pensées, mes ressentis viennent troubler ce besoin de rationalité, mais je garde au fond de mon cœur ces traces douloureuses qui m’ont construites. Je ne les ai pas maitrisées mais je les ai finalement apprivoisées…Enfin.

La page d’Odile

 Juillet 2025  

 

3 Comments


viviane parseghian
il y a un jour

"Donc fermer les oreilles, remonter la couette sur le nez, et progressivement j’ai laissé remonter d’autres émotions…" c'est très beau Odile ...merci ❤️

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Guest
il y a 4 heures
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Merci pour ce temps de lecture . Votre commentaire me susurre que je peux doucement continuer à partager des émotions très personnelles, comme me le suggère Ginette avec beaucoup d'élégance et de musicalité.

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Élisabeth
il y a 2 jours

Les peurs de l'enfance. Le lit sert de refuge !

Merci pour ce récit qui rappelle toutes ces émotions.

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