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Jean Lavoué, le poète de l'ineffable

Dernière mise à jour : 21 avr.


Décédé ce matin, dans la quiétude d'une âme qui a su libérer une parole entière, cousue par les feuilles de ses arbres d'enfance, marquée par l'or de ses autels intérieurs, le poète breton né en 1955 à La Fresnais, près de St Malo nous laisse ses poèmes :


Le poème qui te comble

Est le poème silencieux

Celui que tu n’as pas écrit

Et qui ne le sera jamais

Toujours en avant des mots

Et de toi-même,

Familier du Souffle

Mêlé à ta respiration qui est le chant.

(Jean Lavoué)

C’est la mission de l’artiste, du poète en particulier, de "nous rapprocher de la beauté, du silence et du divin."


C’est la mission de Jean Lavoué qui, à la suite de poètes comme François Cheng ou Christian Bobin très présents dans son œuvre, nous invite à suivre les sentiers de l’inutilité et de la poésie.

 

Les mots et le verbe, la méditation et la contemplation - particulièrement celle des arbres, la prière et la marche sont les moyens que pratique Jean Lavoué.

 


Poésies, récits, nouvelles, essais, il écrit pour témoigner d'une spiritualité que son écriture poétique lance dans le tremblement de l'air.

Il a créé une maison d'édition en 2017 " L'enfance des arbres "qui est aussi le nom de son blog poétique :www.enfancedesarbres.com

« Il faut reboiser l'âme humaine » : cette citation du poète et conteur belge Julos Beaucarne est en exergue de L'Enfance des Arbres, le blog du poète Jean Lavoué,





Il a également une page Facebook : Jean Lavoué

Il a obtenu des prix pour l'ensemble de son œuvre aux confins du poétique et du social, l'auteur aimait marcher sur tous les sentiers pour rencontrer ceux qui avaient besoin d'entendre des mots purifiés, des mots ressoudés à leur essence naturelle.

En 2021, il écrit un ouvrage qui rassemble les voix bretonnes. Il va ainsi au-devant de l'écriture bretonne porteuse de son histoire et de sa thématique favorite. C'est " Voix de Bretagne, le chant des pauvres."

Beaucoup de noms, certains connus, d'autres plus discrets s'y défilent. Notre salon espère bien pouvoir prendre le temps de fouler leurs sentiers et de ramener la splendeur de leur âme.




Ce qui m'a tenu en arrêt, c'est que Jean Lavoué a pris le temps de suivre et d'apprécier la démarche des femmes qui trouvent dans la poésie non pas la réponse mais le sens qu'elles veulent donner à leur féminité.

Le fait féminin, il fallait l'éclair d'un beau regard, la contemplation de l'autre citadelle, l'écoute d'un être sensible, solitaire mais fraternel pour poser sa bienveillance sur des fleurs qui en ne vivant qu'un jour, libèrent un cri qui s'en va tenir compagnie aux clameurs des montagnes.

Je dirais, comme je l'ai écrit dans un de mes poèmes :


" Où mène la trace affleurant au pied des sapins ?

Connaît-elle sa vocation ? Je l'ai tourmentée

Avant qu'elle ne disparaisse un jour de randonnée

Les fleurs quand elles pleurent, mangent dans votre main. "

( Les promesses des sous-bois - Janvier 2023)


Sa région : un fleuve qui passe par Lorient avant de se jeter dans la mer.

Lorient, c'est de ce port construit pour répondre à l'appel des aventures lointaines que sont partis les plus curieux matelots du commerce maritime. Il y a aussi des pages d'écriture qui sont composées en respirant l'iode qui balbutie dans les sursauts de l'aube. Je me suis sentie convoquée au dernier jour de Jean Lavoué !


Son œuvre est littéraire et philosophique sans compter que nombre de ses essais ont une portée sociologique.

Sa prose véhicule une musique spiritualiste. Le chant comme une litanie accompagne ses mots. C'est un allegro spirituel quand c'est une ode à la joie, c'est " Un Christ blues" quand l'heure est au souvenir.

Ses essais traitent de l'éducation, de la nécessaire hauteur de langue et de maintien sans lesquels y aura-t-il jamais un soupçon de cette promenade en poésie ?

"Avant les mots" , dit-il ...

Ses recueils de poésies sont des randonnées dans les allées du silence, à la lisière des joies et des peines quand l'eau vive des sources ramène du ciel sous l'écorce, quand le pèlerin livre l'offrande de sa méditation après avoir fait un voyage vers ses racines car jamais les jours anciens ne font naufrage. " Croire encore aux racines, au feu qui les nourrit "


Il écrit également les préfaces des livres que publient ses amis. ..et je me suis mise à rêver. Je n'ai pas vu exister le grand nomade, je suis passée à côté sans rien voir et sans que rien ne me sollicite encore comme si mon heure de le voir n'était pas encore venue.


Le 22 janvier 2024, il écrit :

C'est le poème des heures vulnérables, qui chaque année prend une nouvelle intensité dans l'abandon des sécurités.
La grâce du silence, la confiance légère de l'oiseau, la joie féconde des amis, l'acceptation de la blessure, le rappel du sablier inexorable et la persistance du chant.

Il faut beaucoup de temps et de lecture lente et intériorisée pour marcher sur les pas d'une personne qui écrit et ne se livre pourtant pas. Si le vent et la clarté des jours possèdent la clé des énigmes poétiques, comme je ne voudrais être qu'un oiseau pour me tenir sur l'épaule de celui qui chante silencieusement !


La mort de Jean Lavoué ouvre une porte. Je viens de le découvrir.


Aucun accord ne se fera d'en haut


Aucune puissance ne descendra des cieux

C’est du très-bas que naissent les prairies

Que s’allument au printemps des bouquets de jonquille

C’est du très-bas que la terre est si belle

Qu’elle est pour nous jardin

Cette fête infinie


C’est du très-bas que nos chemins se croisent

Et que nos mains s’appellent

Que nos corps se dénouent sous l’astre des caresses

C’est du très-bas que s’annonce l’enfant

Le feu d’un jour nouveau

La merveille à nos yeux


C’est du très-bas que s’embrase le ciel

Que s’élancent les oiseaux

Que la terre est promise

C’est du très-bas que nos frontières s’ouvrent

Que nous sommes aimés

Que nous sommes bénis


C’est du très-bas que nous sommes rejoints

Que nous sommes relus

Que nous sommes compris

C’est du très-bas que nous sommes portés

Sur les flots en furie

Et c’est du fond de l’arche que nous disons merci.

 ( Extrait poésies de Jean Lavoué)



En 2017, Jean Lavoué crée une maison d’édition « L’enfance des arbres »  qui reprend le nom de son blog poétique :  www.enfancedesarbres.com 

Adresse de sa maison d’édition : Editions l’enfance des arbres, 3 place Vieille ville  56700- HENNEBONT

La maison d’édition publie non seulement des poésies mais aussi des récits attentifs à cette quête d’une voie libre de l’intériorité, ouverte au dialogue avec les autres formes d’expression spirituelle.

 Jean Lavoué confie :

L’écriture est associée à la marche. Elle lui donne un rythme, une musique, quasiment de la méditation.  

Son œuvre poétique va de la prose à la poésie. Il écrit également des essais, des livres d’artistes et des préfaces. Il participe à des ouvrages collectifs.

Son activité sociale au service de ceux  qui souffrent  est importante  et à cet égard, il publie des ouvrages qui  abordent divers sujets sociétaux.  

Un regard sur sa maison d’édition nous fait découvrir un carnet de poèmes, un fichier offert en téléchargement pour les fêtes de Noël, illustré par de superbes pastels de Nathalie Fréour

 Album Nantes, décembre 2023

Celui qui cherche un sens à sa vie Ne sait pas que la vie, dans sa profusion même, est le sens. Pas de ligne droite, pas d'horizon, pas de chemin tout tracé ! Mais partout où la nuit recule, les traits silencieux d'un amour, Dans l'éclat de chaque instant, la brèche inespérée, Le chevreuil bondissant, Dans chaque paume ouverte, le sésame oublié, Sur chaque mur qui se dresse, les graffitis de la joie !
Combien il nous faut de patience pour entendre cela qui pourtant n'exige peut-être de nous qu'une chose : renoncer à maîtriser le temps. Se tenir dans la joie de la rencontre et de l'instant. Ici même, au plus profond de nos silences aimantés, au plus vif de nos sources mêlées, accueillir cela qui ne meurt pas. N'être plus seuls, désormais, parce que si profondément enracinés dans ce présent qui demeure. Chacun aura reconnu son nom au signe qui lui fut donné et à l'indicible frémissement. Ces liens impérissables, par-delà toute affection, toute émotion, et qui jaillissent de l'être même. Cette vie bouleversée, libérée de toutes ses entraves dans la pleine fructification du don. Combien de temps faut-il pour qu'éclate enfin l'épiphanie d'un deuil ? Et nos mains s'élevant tel un parfum silencieux vers la voix qui nous appelle.
Dans l’éclat de l’instant, 2005

Ginette Flora

9 mai 2024

2 Comments


Merci pour la porte ouverte, Ginette ... Magnifique découverte ...un Monsieur qui donne envie à la vie ... et tu le racontes si bien ...❤️

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Et il avait à peu près notre âge !

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