" Elektra ", un opéra de Richard Strauss
- Ginette Flora Amouma
- 25 avr. 2024
- 4 min de lecture
C'est un opéra en un seul acte de Richard Strauss, créé en 1909 au théâtre de Dresde en Allemagne.
Strauss est un grand compositeur de la première moitié du XXème siècle.
La pièce est représentée en France à l'Opéra de Paris en 1932.
Image d'Electre à la tombe d'Agamemnon ( peinture de Frédéric Leighton, 1869)
L’intrigue est une réécriture de la pièce de Sophocle pour un public contemporain.
« Electre » est un sujet dramatique dont se sont servis Sophocle et Euripide, chacun écrivant son texte avec plus ou moins de détails que Richard Strauss ne reprend pas. Peu lui importent les signes de reconnaissance, les marques de naissance, les tatouages sur la peau pour qu'Electre reconnaisse son frère Oreste. Cette scène où le frère et la sœur se retrouvent se fait sans qu’interviennent d’autres éléments que ceux qui leur viennent du cœur.
Ces divers points ont dû être étudiés lorsque Richard Strauss décide de composer la musique d’Elektra à partir du livret de Hofmannsthal qui tient à ce que le déroulé de l’action et de la mise en scène soient sobres et tout entier concentrés sur un décor dépouillé.
« L’exiguïté, l’absence de possibilité de s’enfuir, l’impression d’enfermement. »
Pour lui, cet huis clos correspond au destin d’Elektra qui par la mort de son père Agamemnon, refuse d’oublier le crime commis par sa mère Clytemnestre et voue sa vie à se venger. L’obstination d’Elektra pousse Clytemnestre dans ses retranchements, elle cantonne sa fille dans les obscurs couloirs du palais de Mycènes.
A partir de ces indications et de cette étroite collaboration, Strauss compose sa musique. Pour lui, seule l’action tragique, violente, haineuse et marquée par l’obsession de la vengeance et du châtiment à rendre l’interpelle.
Mycènes, c’est le décor qu’on ne voit pas mais qu’on devine, c’est le palais où règnent désormais Clytemnestre et Egisthe son amant pour lequel elle a tué son époux Agamemnon qui revenait de la guerre de Troie. Il trépasse sous les coups portés par les deux traîtres. Sous les yeux des trois enfants, Oreste, Elektre et Chrysothémis. L’opéra de Strauss se situe 7 ans après ce drame.
Un seul acte
1/ L’insoutenable action tragique
Elektra est la fille du roi Agamemnon, mort depuis sept ans, assassiné par sa femme Clytemnestre qui règne sur la ville avec son complice Egisthe qui lui sert d’homme de main et de prince consort. Elektra a juré de venger la mort de son père, elle se confie sur ses intentions à sa sœur Chrysothémis lui confiant qu’elle attend le retour d’Oreste, leur frère pour qu’il les venge.
Sa sœur Chrysothémis préfère vivre sa vie de femme et de mère et ne veut plus ressasser le passé.
Ce que refuse Elektra qui ne vit que pour se venger. Elle erre dans le palais comme une bête sauvage.
Ce sont des femmes épouvantées, hantées, dépressives et folles qui ne se remettent pas de l’absence des hommes que la mort, l’exil et la trahison a éloignés.
Et les femmes monologuent, s’opposent, exigent justice, vengeance et s’accusent.
Devant l’obstination de sa fille Elektra, Clytemnestre l’a isolée depuis de longues années dans les bas fonds du palais où Elektra crie vengeance. Elle clame à cor et à cris qu’Oreste viendra les venger et châtier tous les impunis du royaume.
Oreste apparaît et Elektra lui demande de les venger, ce que fait Oreste en assassinant Clytemnestre et Égisthe.
Et une fois la vengeance assouvie, Elektra entame une danse hypnotisante et tombe morte. Elle a perdu la raison qui la faisait exister et qui était de se venger. N’ayant pas trouvé la raison d’aller au-delà de ce qui lui pesait dans l’esprit et que Strauss fait retentir par le grand orchestre qui se charge de la tessiture vocale, le destin d’Elektra se consume dans la mort.
Elektra trouve dans la mort l’acte ultime de la vie.
La pièce de Strauss s’achève néanmoins sur une lueur d’espoir, un motif qui se fait entendre par des mélodies plus claires vers la fin de l’opéra tandis qu’un souffle grandiose vient donner à l’opéra ce sentiment de l’idée antique d’un destin ineffable qui plane sur chaque individu.
2/ La musique
Les critiques s’accordent pour dire que la musique d’Elektra comporte des similitudes avec celle du Ring de Wagner parce que Strauss s’appuie beaucoup sur les cuivres, les tubas wagnériens, les cors et sur les percussions en tous genres, grosse caisse, tambourins, timbales, tam tam. Les cordes comme les harpes, les violons, les altos et les violoncelles font partie de l’effectif orchestral colossal dont s’est entouré Strauss. Il travaille avec pas moins de cent vingt musiciens.
D’autre part, Strauss utilise des instruments rares comme le heckelphone (famille du bois) et le contrebasson, les cors de basset, la petite clarinette. Il reprend certaines techniques musicales de Wagner comme le leitmotiv évoquant Agamemnon, absent de l’opéra mais présent grâce au rappel épisodique de la figure emblématique qu’il fut.
Car il s’agit de rendre l’atmosphère de haine et de violence qui pèse sur toute la pièce. La musique devient ainsi sombre, agressive, brutale et féroce. Les percussions ravivent l’hostilité, la rancune et l’aversion. Le crime est commis dans la plus totale monstruosité dans le cri bestial d’une répulsion refoulée depuis longtemps. Il fallait toute la puissance d’un orchestre et de plusieurs familles d’instruments pour que le chant de cet opéra ne soit plus qu’un horrible cri de détresse et de folie.
Les mises en scène qui sont restées dans la mémoire sont celles de :
- Patrice Chéreau, présente Elektra en 2013 au festival d’Aix en Provence.
- Robert Carsen fait une présentation également en 2013 en plaçant l’action au bord d’une tombe d’où des vestales feront sortir un Agamemnon symbolique.
Elektra est considérée comme l’œuvre la plus violente, la plus forcenée et la plus sombre de tout le répertoire lyrique.
L’orchestre est un déchaînement. C’est un « tsunami musical » qui s’abat sur l’auditoire.
Le palais de Mycènes est réduit à sa plus simple expression. C’est un sombre recoin de la cour du palais où vit la reine.
La solitude de l’individu atteint ici des sommets tragiques et la violence sous-jacente intime fait éclater les vaisseaux du cœur. La folie d’Elektra devient un cri :
« Seule, hélas , toujours seule !
Mon père est loin dans les abysses glacées.
Agamemnon !
Où es-tu, mon père ?
N’as-tu pas la force de me montrer ton visage ? »
C’est la violence des sombres heures des Atrides que Strauss restitue dans son opéra expressionniste.
Les premières tragédies d'Electre, écrites par Sophocle et Euripide, sont les sources d'inspiration des librettistes et compositeurs d'opéra.
Electra d'Euripide
Electra de Sophocle
Ginette Flora
Avril 2024
"L’orchestre est un déchaînement. C’est un « tsunami musical » qui s’abat sur l’auditoire." ... c'est vrai, Ginette ..Merci, Ginette de ce voyage dans les gouffres de la tragédie ... je n'aime pas tout mais la découverte est belle ...❤️