Au cœur de l'Aubrac
- Ginette Flora Amouma
- 20 avr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 avr.

© artquid.com- chemin de pierres dans l'Aubrac
Quelques châteaux imposants dont la stature dévore un pan du ciel. Des genévriers et des chênes s’ébrouent autour des murs. Des hêtres s’ils sont rassemblés en groupes étagés sur les versants, c'est qu'il y a des hêtres rabougris et secs que l’on ne voit que si on s’agenouille. Ce sont des hêtres qui ont pu vaille que vaille résister à la chaleur et puiser dans leurs racines des sucs généreux et des eaux enrichis de nutriments pour se tenir sur le sol et se retenir aux genêts voisins.
Les combes sont vertes au printemps, d’un beau vert foncé puisant dans le feuillage des pins et des chênes leur nuance émeraude, d’un vert brunâtre en automne mais gardant leurs couleurs en hiver.
La terre est percluse de feuilles épineuses, de végétation piquante.
Desséchée, hérissée très souvent de piquants et d’épines, la plante s’en va chercher les sucs dont elle a besoin pour se nourrir. Pour pouvoir prendre l’essentiel qui la fait vivre elle et son tronc principal, elle sacrifie ses feuilles. Elle lâche du lest, les feuilles se retrouvent à terre, mordues par un vent sec, l’eau que la plante arrive à remonter depuis ses racines lui permettra de survivre. Les plantes aromatiques usent ainsi de leur arôme naturel pour repousser l’aridité des sols.
La moindre bâtisse laissée par les temps médiévaux est fortifiée pour la cause guerrière. Des camisards, des refugiés, des résistants ont laissé leurs pas dans la garrigue.

© Art majeur - rochers en Aubrac
Qu’y-a-t-il dans le vent qui ravine les visages ? Les ermitages étonnent encore les pèlerins et puis le temps passe encore, des chemins ont disparu recouverts de chaume, de cistre, de lave, d’asphodèles.
Les genêts cachent la vue de certaines anciennes constructions, capitelles, refuges, autels dont personne ne saura rien parce que montés par des visiteurs anonymes, tertres ou tombes où hâtivement des morts ont été portés en terre.
Mais il y a les châteaux et s’il y a château, qui a vécu entre ces murs de pierre ? Et qu’a-t-il vécu ce peuple pour que je pense aux femmes qui filaient devant leur fenêtre attendant le retour de leurs guerriers ou simplement qui observaient la garrigue se rider aux souffles chauds d’un vent solitaire ?
L’appel de la garrigue, comme le désert des Tartares, c’est comme les claquements des esprits torturés attendant l’aurore et ensemençant de leurs grains de vie le grain qui viendra redorer les broussailles.
Au printemps, tout refleurit. Le sol se couvre de pistachiers et de cistres. Les combes reprennent leurs couleurs, la terre est verte de plantes vivaces, de silènes rupestres. Chênes, érables, pins sylvestres. Le sol est fissuré et meurt de soif. La voûte plantaire craquèle mais chaque espace mort est vite comblé par les plantes piquantes et marcher sur des fragons, c’est comme se perdre dans les éboulements des cavités et des tombes.
De lave et d’asphodèles ensevelis, certains sentiers ont disparu. Qui pour les libérer ? Qui pour en parler sinon un rayon de lumière plus ambitieux qui cherche à sortir des croûtes pour rouvrir une piste plus accueillante.
Et l’eau qu’on aimerait retenir mais l’eau coule, s’en va et glisse et lentement rattrape d’autres cours d’eau, refait les pistes creusées par son parcours, rejoint les autres espaces humides, contourne les roches et les cailloutis et continue sa randonnée tranquille et solitaire dans la garrigue.

© Peinture de Babeth Louisa -vestige de pont / février 2025
Un crocus mauve point effarouché mais vaillant surgit de terre. Il est venu bousculer l’ordre rustique voué aux coquelicots et aux orchis. Il y avait des violettes et des pensées sur les herbes dans le jardin sauvage gardé par les schistes et le granit.
Parfois, un grain oublié apporte d’autres fruits, se présente à d’autres regards, il attend qu’on l’aborde, qu’on le cultive, qu’on le désigne. Il passera une saison à vivre avec les bruyères rouges et les colchiques.

© Etsy.com - Aubrac
Au loin les monts granitiques sont parsemés de crêtes comme des guets, des tours où longtemps en des temps reculés, des êtres se sont penchés et ont lorgné les infinis de landes bruyantes de solitude. Les pins sylvestres comme des ruines retiennent le passage des saisons, imperturbables, ne laissant aucune autre vie s’interposer entre la leur. De tourments, les sols rudes en ont connu et survécu aux détresses longues, enfouies dans les gorges où roulent des ruisseaux qui se demandent quelle est la nature de la tristesse qu’ils emportent.
Non pas la tristesse familière que les oiseaux évitent à tire d’aile
Mais celle qui s’installe lentement comme la rivière,
S’écoule longuement, qui ne connaît ni le repos ni l’usure
Une tristesse discrète, ineffable pour que le temps qui passe
Et s’enfonce dans la nuit inhospitalière
Pour que ce temps demeure
Avril 2025
Ginette Flora
Je me suis évadée au coeur de l'Aubrac grâce à vous deux, Ginette et Babeth : merci !
Quelle belle présentarion de l'Aubrac, la terre, les végétaux et les rochers... tout change au fil des saisons. Les paysages s'offrent à nous sans détour...
Bon dimanche Pascal, à vous chères amies.
Une nouvelle fois, l'Aubrac nous est servi sur un plateau. Un haut plateau, même ! ^^ Quelle délicieuse manière de partir ainsi à sa découverte. Très bon week-end de Pâques, Chères Amies ! ^^