The Return ou le retour d'Ulysse

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Ulysse est l’histoire la plus enracinée de la civilisation occidentale. C’est aussi l’histoire d’un homme retournant à ses terres, la ténacité avec laquelle il veut reprendre ce qu’on lui a enlevé et qui s'avère être son identité. Roi d’Ithaque, époux de Pénélope et père de Télémaque, il ne se laisse pas arrêter par les épreuves qui jalonnent sa route.

Le film commence  au moment où il atteint enfin le rivage de son île. Pour Homère, l’auteur de l’histoire, les fondements de la civilisation méditerranéenne passent par les grands thèmes du voyage et de la rencontre avec les autres contrées qui sont situées sur l’espace méditerranéen. L’arrivée à Ithaque devient d’autant plus spectaculaire que  20 ans ont passé  depuis le départ d’Ulysse enrôlé dans la guerre de Troie.

Ralph Fiennes et Juliette Binoche jouent les rôles principaux, se retrouvant une nouvelle fois après avoir incarné les deux protagonistes des Hauts de Hurlevent en 1992 et le Patient anglais en 1996.

C’est un film international sorti en 2024 et  réalisé par Ubero Pasolini.

Le film est  sorti en France le 18 juin 2025.

https://youtu.be/gLScpZt29bM

 L’intrigue du film

 Ulysse arrive dans son royaume, est jeté sur le rivage. Il est dépouillé de tout. Il doit tout reconquérir, femme, enfant, terre, pouvoir.

C’est à une relecture du texte d’Homère que le film propose de sorte que les aspects mythologiques du récit n’y sont pas évoqués.

Le film est centré sur les deux rôles principaux d’Ulysse et de Pénélope, de la reconquête de l’amour et du pouvoir.

Le film revisite ainsi la figure féminine qui n’est plus la femme passive, traditionnelle mais une femme de caractère déterminée à prendre son destin en main. Elle résiste en se cherchant une place dans la situation qui la fige,  elle  se fait un devoir  de redonner à son rôle une dimension plus forte et plus combative. Pénélope se trouve ainsi une identité.

C’est elle qui domine le film par son aura, son approche analytique et sa résistance à choisir son action. Elle aborde son destin avec détermination, se rapproche de l’homme qui s’est éloigné et redonne à son fils la raison de vivre.

Elle impose sa façon de voir la situation comme un stratège et comprend que tout, histoire, racines, mémoire tourne autour d’elle.

«  S’adapter à la situation périlleuse, se transformer est la qualité de l’humain », dit Juliette Binoche.  

Argos , le chien d’Ulysse

https://youtu.be/4LY2LJyd9aU?si=pPdyReJ_LzUPUgnU

Argos reconnaît son maître Ulysse dès qu’il le voit malgré les 20 ans d’absence qui les séparent, malgré le déguisement de mendiant derrière lequel Ulysse se dissimule et malgré son visage altéré.  Argos sent son maître et cette reconnaissance par les sens, intuitive, sensorielle, conduit tout le film. Elle vient du plus profond de l’âme et guide les deux êtres principaux du film.

Argos voit son maître, le lui fait savoir en remuant sa queue et en baissant ses oreilles puis il expire à ses pieds. Ulysse ne peut s’empêcher de retenir une larme, lui qui mourait d’envie de prendre son chien dans ses bras, geste qui l’aurait démasqué.

Chant VII de l’Odyssée

« Lorsqu'il aperçoit Ulysse, il agite sa queue en signe de caresses et baisse ses deux oreilles ; mais la faiblesse l'empêche d'aller à son maître. Ulysse, en le voyant, essuie une larme qu'il cache au pasteur.

Mais le fidèle Argos est enveloppé dans les ombres de la mort. Il expire dès qu'il a revu son maître après vingt années d'absence ! »

Un seul lieu, un seul temps, une seule action

On pourrait résumer le film en disant qu’il répond aux exigences de l’art dramatique classique quand une pièce  de théâtre  devait obéir aux exigences de la triple unité, de lieu, de temps et d’action.

1/ Le lieu, c’est l’île  d’Ithaque rendue à la rapacité des malfrats et des indignes prétendants qui ne cherchent qu’à prendre le pouvoir.  Les habitants vivent apeurés, laissés à l’abandon, de pauvres hères vivant  dans une société gangrenée par des gens sans foi ni loi.

La demeure royale où se terre Pénélope est un lieu d’enfermement où l’attente ronge le cœur de la reine qui élève seule  Télémaque son fils qui grandit dans  la révolte, la colère et l’impuissance.

2/ Le temps,   20 ans sont passés.

C’est le temps de la stagnation, immobile, pesante.  Les dialogues s’accrochent à ce temps à la fois du souvenir et de la réflexion. Silences, regards, visages révélés, tout va permettre de remplir ce temps et d’en évacuer le vide. 

3/ L’action commence avec l’arrivée d’Ulysse  qui se cache. Pas de souffle épique, le  roi doit se cacher pour évaluer la situation et se concentrer sur deux actions dramatiques, celle où il doit se faire reconnaître par  sa famille et celle où il doit se confronter aux prétendants.

La scène finale spectaculaire clôt l’action qui avait débuté dans la lenteur, l’oppression, le huis clos  pour s’achever dans un bain de sang, une violence offensive qui signe le message du film. La violence et la vengeance  ont été patiemment ourdies et calculées pour venir à bout des avanies vécues.

 4/ Les critiques 

 Elles ont été bluffées par les deux tableaux contrastés du film. Un avant et un après.

Certains critiques ont observé que le film manque de souffle, qu’il est  ennuyeux et à la limite du ridicule ; que la mise en scène est pauvre, paresseuse et sans intérêt, frisant le grotesque à vouloir faire apparaître des acteurs en vêtements dépouillées et austères, à la limite du dénuement.  

Il n’y a ni magie ni passion, aucun lyrisme ; aucun dieu n’est invoqué ni évoqué.  

Ces critiques injustes ont oublié que Le Retour est un film où tout est à reconstruire et que les personnages ont tout à refaire sur des braises brûlantes d’où les regards intenses, la montée de l’amour dans l’infinie patience de deux êtres qui doivent aussi se reconstruire.  Tout est à reconstruire, l’île, les âmes, le peuple et tout est entre les mains d’Ulysse. Ce rôle est d’autant plus subtil à jouer que le réalisateur a choisi de faire d’Ulysse, le sujet d’un retour à l’humanité.

Le film récupère l’épisode du retour d’Ulysse pour parler du voyage de l’invisible des choses laissées en veille et qu’on affronte avec ténacité pour remonter le cours d’un temps qui est le temps de l’absence.

Les scènes intimes contrastent avec les scènes violentes. C’est un voyage initiatique  où Ulysse doit faire ses preuves, où Pénélope est déterminée à s’imposer pour retrouver  sa famille, où les insulaires reprennent confiance en eux pour croire en un avenir meilleur.

Et pour cela, au milieu de toute la reconstruction, les protagonistes rouvrent un chemin où l’action  se vérifie et ensanglante la scène finale.

 Ginette Flora

 Juin 2025