Nabucco, un opéra de Giuseppe Verdi

© Nabucco- aréna opéra festival Vérona 2025

Nabuchodonosor est un nom ramené à Nabucco dans cet opéra en 4 actes créé en 1842 par Giuseppe Verdi. C’est sa première œuvre, c’est aussi son premier chef d’œuvre. L’opéra soutient une voix exaltée, l’opéra exulte, c’est la musique de Verdi qui porte le genre épique à son climax. Une musique puissante libère un souffle fédérateur de plusieurs aspirations, c’est tout un peuple qui se réclame de cette histoire à multiples résonances.

C’est un récit inspiré du psaume 137 de la Bible, durant la période où, au VIème siècle av JC,  les hébreux furent contraints à l’exil et  réduits à l’esclavage par le roi de Babylone. Les hébreux chantent la nostalgie du pays perdu, l’espoir de le revoir et le serment qu’ils font qu’une vengeance pèsera lourd sur les oppresseurs.

A partir de cette trame historique, Verdi en fait un opéra où guerre, amour et paix  se frayent un passage dans le destin des personnages.

Nabucco est aussi un modèle de réflexion. Il représente un temple religieux, symbole du sacré dans la foi et la résistance, symbole de la violence dans les guerres qui reprennent d’anciennes blessures  et c’est aussi le temple de la nostalgie avec l’air élégiaque de « Va pensiero » . Il reste intemporel parce qu’il est un cheminement spirituel. Chaque personnage porte un fragment d’un destin qui veut être accompli d’où sa musique qui frappe les esprits. On entre dans une cathédrale symbolique de l’histoire de chacun.

Verdi ne croyait plus en son travail de musicien, il enchaînait les désillusions.  On lui demanda de faire quelque chose à partir de ce récit. Il en fit un opéra où les voix des chœurs  firent vibrer les murs des salles d’opéras.         

Le nœud de l’histoire

Deux camps, deux destins.

Chez les babyloniens, le roi de Babylone, Nabucco a deux filles, Fenena et Abigaëlle.  Le prêtre de leur temple est un fidèle de leur dieu Belos, protecteur de Babylone. Son armée est commandée par le vieil Abdallo, un officier valeureux et fidèle.

Chez les Hébreux, c’est Ismaël qui, neveu du roi des hébreux, tient les rênes du pouvoir mais sa position s’aggrave quand il se sait épris de Fenena. Zaccaria est le prêtre de Jérusalem, il est secondé par sa sœur Anna.

En toile de fond, s’agitent les soldats babyloniens, les soldats hébreux, le peuple juif, le peuple babylonien.

 Deux cultures s’opposent, deux sensibilités attachées à leurs racines.  

ACTE I 

A Jérusalem, les hébreux prient dans leur temple, remplis de frayeur car les troupes babyloniennes s’approchent. Zaccaria, le prêtre des hébreux a pris en otage Fenena, la fille de Nabucco, le roi de Babylone.

https://youtu.be/Sl7OJjVK0mE

Zaccaria confie Fenena à Ismaël, neveu du roi des hébreux et s’éloigne pour exhorter son peuple à se défendre et à résister. Fenena et Ismaël se redisent leur amour réciproque et veulent organiser leur fuite. Un élément nouveau obscurcit l’affaire. Abigaëlle, la fille de Nabucco, éprise d’Ismaïl vient proposer son aide pour aider les hébreux à rentrer chez eux.  En échange, elle demande à Ismaël d’oublier Fenena. 

Nabucco qu’on croyait mort à l’issue de la bataille, fait irruption à la tête de son armée. Zaccaria prend en otage Fenena et menace de la tuer. Mais Ismaël délivre Fenena.  Nabucco donne l’ordre d’emprisonner les hébreux. Ismaël est maudit par son peuple, considéré comme traître et placé sous la garde des prêtres, dans l’attente d’un jugement.

ACTE II

L’action se passe dans le palais de Babylone. Abigaëlle a découvert un parchemin qui révèle ses véritables origines : c’est une esclave. Elle se révolte contre Fenena qui a donné l’ordre de délivrer les hébreux. Abigaëlle décide de s’emparer du trône de Babylone.

Chez les hébreux, Ismaël est convoqué pour être jugé pour trahison envers sa patrie. Anna la sœur de Zaccaria défend Ismaël en disant que Fénela, récemment convertie au judaïsme, est une des leurs.

https://youtu.be/ofvXOD5Wqt4?si=8ooQ7S8m7eyQcDSa

 Les événements se précipitent :

-          Abigaëlle décide de renverser la situation en s’emparant de la couronne mais Nabucco intervient et reprend ses droits.

-          Il exige des hébreux qu’ils le vénèrent lui seul comme le seul et unique dieu. Un épisode de sorcellerie intervient dans le récit, un souffle de dieu qui par un éclair  fait tomber la couronne du roi  en lui brouillant l’esprit. Abigaëlle s’empare de la couronne.

ACTE III

Cet acte reprend deux grands passages de la bible celui des jardins de Babylone et celui  des rives de l’Euphrate.

 Abigaëlle est la reine de Babylone. Elle s’interroge sur la façon dont elle va condamner les hébreux. Nabucco apparaît, l’air égaré et vêtu humblement. Il cède à ses injonctions de signer l’arrêt de mort mais devant la tournure que prennent les événements, il révèle à Abigaëlle qu’elle n’est pas sa fille mais une esclave. Ivre de rage, Abigaëlle donne l’ordre d’arrêter Nabucco et décrète la sentence de mort pour les hébreux.

 Pendant ce temps, sur les bords de l’Euphrate, les hébreux se rappellent avec nostalgie leur pays : « Va pensiero »

Va, pensée, sur tes ailes dorées ;

Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,

Où embaument, tièdes et suaves,

Les douces brises du sol natal !

Le grand prêtre Zaccharia exhorte son peuple à croire en dieu et au jour où la vengeance du lion de Juda  terrassera les babyloniens.

Le chant des esclaves hébreux

ACTE IV

Dans le palais de Babylone, Nabucco voit sa fille enchaînée. Il invoque le dieu des hébreux pour lui venir en aide. Son officier Abdallo vient le délivrer, lui restituer les armes et le convaincre de reconquérir son royaume.

Dans les jardins suspendus de Babylone, les hébreux sont conduits à la mort. Nabucco survient à la tête de ses troupes. La statue du dieu Belos tombe à terre et se brise.

C’est un prodige que Nabucco interprète comme une injonction divine pour redonner la liberté aux hébreux. Il annonce qu’Abigaëlle s’est donné la mort.

Zaccaria adresse à Nabucco la dernière prophétie de dieu : « En servant Jehovah, tu seras le roi des rois ! » 

 L’œuvre

C’est une pièce qui rencontre sur le champ  un triomphe populaire important. Verdi inaugure un registre puissant et fédérateur. Il y a un souffle épique qui traverse le récit comme un présage de grands événements historiques. Le sujet, ses divinations historiques et prophétiques marquent les esprits.

L’orchestre donne toute la mesure du drame qui oppose les deux camps, hébreux et babylonien. En filigrane, c’est aussi l’occasion pour le peuple italien occupé par l’Autriche  de se convaincre que l’Italie peut s’unifier et retrouver la paix.  En quête de patrie, le célèbre « Va pensiero » porte en lui une résonance universelle.

Il est un peu le 2^ème hymne national de l’Italie. C’est un chant qui s’élève sur un rythme incantatoire comme une marche qui exulte, qui mène les cœurs et les esprits vers une espérance de liberté en même temps qu’elle offre un beau chant élégiaque du pays perdu. Durant la 2ème guerre mondiale, un autre chant porte les mêmes accents, « Le Bella Ciao  » des partisans italiens.

La  musique offre un contraste entre un rythme entraînant et énergique avec le lyrisme de moments d’une expressivité absolue comme le « Vieni o levita »( Viens , ô lévite le Saint Code est là).  Au cours de cette aria, six violoncelles soutiennent la prière du grand prêtre Zaccaria dans l’Acte 2.  

https://youtu.be/xdpZMWXzgT0

La présence d’un chœur est une manière nouvelle de présenter une œuvre dramatique. Le jeune Verdi ouvre une voie nouvelle qui le propulsera dans une  création dynamique et puissante.

L’opéra couvre plusieurs significations, la première étant le combat d’un peuple pour sa liberté avec pour chant de résistance   le « Va pensiero ».

Nabucco par la puissance du drame évoqué et la délivrance d’un message, se charge d’un sens collatéral où les notions d'amplitude et de gigantisme sont repris par des enseignes commerciales pour désigner soit un format géant soit une pensée de confiance en l'avenir.  

Ginette Flora

Octobre 2025