Marie de Sormiou, femme de lettres
- Ginette Flora Amouma

- 13 août 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 janv.

C'est une poétesse française, née en 1865 à Paris et décédée en novembre 1956 à Marseille, à l'âge de 91 ans.
Son père Charles Buret achète en 1876 la calanque de Sormiou pour en doter sa fille Marie lorsque celle-ci épouse en 1885 l'écrivain Alfred de Ferry, un provençal. Les deux époux s'installent dans leur résidence marseillaise, une bastide nommée " La Magalone" où ils aiment recevoir les grands esprits de l'effervescence culturelle de ce temps : Frédéric Mistral, Anna de Noailles...
Alfred de Ferry fait construire une résidence secondaire dans la calanque de Sormiou. C'est une bâtisse nommée " Le château" où Marie aime s'y rendre à cheval pour écrire et peindre.

Il est dramaturge, elle est poète et se voit nommée Marie de Sormiou pour ses activités artistiques et linguistiques. Elle participe aux travaux du Félibrige, une association dont le but est de sauvegarder et de promouvoir la langue d'oc.
Son œuvre se distingue par deux inspirations :
- La première est tout entière tournée vers la contemplation des beautés de la nature, celle des calanques, de la flore environnante et des sentiers de la côte méditerranéenne.
La tonalité est lyrique, un panthéisme fougueux anime ses vers dans ses premiers recueils de poésie considérés comme des oeuvres païennes :
"L'offrande aux dieux"
"Les chants de soleil"
"Ode à la Provence"
Quelques extraits :
Marie de Sormiou (1865-1956)
« Ô Terre du Midi dont mon cœur s'éblouit ! Ô Terre où ma tendresse enfin s'épanouit ! »
Je suis de race de faunesse
La terre m'eut d'un demi-dieu
J'ai dans mon cour la robustesse
Du sol tenace et vigoureux
dans mon âme sont les essences
Des résines et des lauriers
J'ai dans ma force les silences
Et les songes des hauts palmiers
L'Inconsumable
Flamme qui brûle au cœur tant qu'on vit, nuit et jour,
Sans jamais changer en de la cendre incolore
Un seul rouge tison ! Un seul supplice! Amour
Qui ne consume rien du bûcher qu'il dévore!
LE PIN DE PROVENCE
D'un mouvement doux l'arbre mélodique
Murmure, murmure aux calanques d'or.
Au ciel, à l'été ce rythme lyrique
Que sa branche sait !... Et même quand dort
La terre à midi va cette cadence...
Eventement d'aile au parfum d'azur !...
Il semble qu'il berce un rêve très pur,
Le pin de Provence !
et un autre poème qui exprime l'exaltation qui l'habite. C'est une fusion avec la nature qu'elle déclame :
J’ai même sang que vos ramures
Vous me portâtes en vos flancs
Sylvains aux douces chevelures,
Pins qui chantez sur les rocs blancs
Les vieux chênes sont mes ancêtres
Leurs troncs renferment mon passé
J’y vois dormir d’agrestes êtres
Dont, branche neuve, j’ai poussé
Dans mes veines n’est qu’une sève
Celle qui rend les printemps verts
Elle ruisselle de mon rêve
Pour revenir à l’univers
Je vis de ce divin échange
Que nous faisons, la terre et moi,
Je meurs quand la cité de fange
Ô Nature ! M’enlève à toi.
Mi-végétale, mi-dryade,
Sur les mousses qui boivent l’eau
Je deviens l’herbe et la cascade
La source vive et le roseau
Pour l’homme, je suis l’étrangère
Je l’ignore ou ris de ses pleurs
Je ne sens que par la bruyère
La colline rude ou les fleurs
Je suis sauvage et dans ma bouche
J’ai le goût de la liberté
Quand je donne sur votre couche
Ô Pan, le baiser de l’été.
Ce baiser mord, dieu de la terre
A votre chair comme en un fruit
Mes tendresses ont la colère
de la famine qui détruit
Je suis de race de faunesse
Mes pieds agiles et grimpants
Savent vos danses à l’ivresse
Ô bonds légers des Egypans !
Marie de Sormiou
- La deuxième inspiration est nettement plus mystique. Marie découvre le message de St François d'Assise lors d'un voyage en Italie. Ce fut pour elle une révélation. Elle s'éloigne des mondanités et partage sa vie entre Paris et sa résidence de Magalone.
Elle écrit :
" La joie aux pieds nus " , les chants du voile, le chant du miroir, c'est la trinité d'une poésie d'élévation spirituelle.
et "le Cantique "
où elle célèbre l'humble parure des émerveillés de Dieu.
" Croix qu'on porte avec soi sur les chemins perdus
Et qui monte où l'on monte et s'arrête où l'on tombe
Où l'on râle, écrasé sous tes bras étendus
Sous les bras de gibet aux pesanteurs de tombe. "
En 1927, elle devient veuve et se remarie avec Gustave Bonnegrâce de Canolles.
Elle consacre sa vie aux diverses activités artistiques comme la peinture, la musique et les joies champêtres.
Elle meurt le 6 novembre 1956 à l'âge de 91 ans. Certains lieux de Marseille portent son nom ( rue, avenue, impasse...)

L'évolution de la calanque de Sormiou depuis le décès de Marie de Sormiou


Sormiou est la plus grande des calanques qui existent entre Cassis et Marseille. L'eau y est d'une transparence magique.
A son décès, la calanque est gérée par les descendants de Marie jusqu'à ce que les arrière- petits-enfants se regroupent en SCI pour continuer de gérer le Château devenu un restaurant et le centre de loisirs qui s'y est implanté. C'est évidemment pour la famille un endroit riche en souvenirs qui est devenu un lieu mythique avec son château et ses cabanons.
Les 17 premiers cabanons qu'Alfred de Ferry a fait construire en même temps que le château ont prospéré et on dénombre désormais 127 cabanons, limite fixée par les décisionnaires de la province.
Les cabanons, de par leur présence atypique, engendrent une légende. On y cultive un art de vivre au plus près de la nature. Ce sont les pêcheurs du village voisin de " Mazargues " qui les occupaient en y entreposant leurs filets et leurs affaires.
Par la suite, ce sont des retraités qui font vivre les cabanons à l'année et les transmettent de génération en génération. On y vit dans des conditions améliorées et non plus dans les conditions frustes de l'époque où les cabanons n'offraient ni eau ni électricité.
Depuis 2012, Sormiou fait partie du Parc National des Calanques et sa fréquentation est surveillée depuis que des départs de feu inquiètent la région. Les barbecues sont interdits et l'unique restaurant " Le Château " est soumis à des conditions d'exploitation draconiennes qui le privent de sa clientèle pendant les jours sensibles de l'été.
La résidence secondaire de Marie est donc devenue un restaurant et la famille Rambaldy en est le propriétaire depuis trois générations. Les chefs mettent un point d'honneur à préparer une cuisine traditionnelle du bon terroir provençal et si les vivres arrivent par transports motorisés, la famille ne se prive pas de raconter comment à l'époque, il fallait acheminer la nourriture par caravanes d'ânes sur le chemin resté célèbre des muletiers.
Le restaurant " Le Château"

Le chemin des muletiers

Août 2023
Ginette Flora




❤️Une surprise, une histoire de vie qui décalque la vie ... superbe découverte, merci Ginette
Double découverte pour moi... je me sens si "petite" mais aussi éblouie devant tant de beauté et de talent... merci Ginette !
Un véritable bonheur de retrouver Sormiou, arpentée tant de fois, avec ou sans appareil photo !
Quelle joie, mêlée de honte, de découvrir la poétesse. Rustre que je suis, je n'ai fait que randonner en ces lieux, ignorant tout de Marie. Ton iconographie est généreuse, je vérifie si l'une ou l'autre de mes photos peut apporter une touche particulière...et vous faire découvrir des passages intéressants.
Eh bien, nous voici en décembre 2015, par un jour de mistral fort et glacial. Je me protège comme je peux...et nous partons du petit port des Goudes. Nous allons passer un raidillon qui surplombe le port, marcher jusqu'à une petite plage, abandonnés pendant l'hiver. Puis revenir saluer les mouettes..
Merci Ginette, j'ai découvert le destin de Marie de Sormiou, je connaissais mieux la calanque que son histoire !
Que de romantisme dans ce récit Ginette. Marie Sormiou est une femme de lettre remarquable au destin peu commun. Je suis heureuse de connaître son histoire, ainsi que la découverte de cette belle calanque bien préservée... Merci pour cela.