Les seigneurs de Balazuc

Toile du peintre Guyle Rayne

Balazuc est un village qui surplombe la rivière Ardèche, située dans le département de l’Ardèche et dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

 Il est accroché à des falaises qui bordent la rivière de l’Ardèche dont la rive droite est formée de terrains arides avec de rares végétations : ce sont les Gras.

Son paysage est essentiellement minéral. C’est la roche dure, calcaire, qu’on ne sculpte pas avec le gouge. La nature, seule, avec l’érosion parvient à craqueler sa carapace.

C’est sur la rive gauche de la rivière  qu’est bâti le village qui prospère avec des champs, des arbres comme les chênes et divers autres feuillus. La vigne brode sa pampre et les céréales contribuent à remplumer le paysage avec de la végétation, ce qui ne lui est pas coutumier car ce village qui ne jurerait que par la pierre, laisse mûrir les grappes de raisin et ondoyer les épis de blé.

 La plage est au pied du village.

Le terrain initial est rocailleux, formé de gradins percés de cavités et de failles  comblées ou utilisées comme caves ou étables.

Le paysage très minéral déconcerte d’abord car il renvoie aux premiers berceaux de l’humanité. C'est du calcaire blanc-jaune ou blanc-gris avec disséminés çà et là, des dolmens cachés qui ont arrêté le regard de cinéastes désireux de montrer la dorsale de la pierre.

A Balazuc, c’est la terre que l'on visite où abondent les ouvrages laissés par les hommes depuis le  Paléolithique. On vient y décliner la vie de l’homme du temps de la cueillette et de la chasse. Ensuite, avant que n'arrivent les temps modernes, le néolithique laisse place à l’agriculture et à l’élevage qui occupaient les hommes jusqu’à la fabrication des outils et des armes à la fin de la Préhistoire.

 Des objets de chaque période ont été retrouvés, intacts, n’ayant pas souffert de la marche du temps, métaux, haches, sépultures  et jusqu’à la découverte d’un sarcophage à l’époque de l’Antiquité.

C'est dans ce décor austère mais propre à endurcir les caractères qu'une lignée d'hommes et de femmes va laisser son nom à la postérité.

Les seigneurs de Balazuc

Ainsi le patrimoine de Balazuc est riche non seulement de  paysages empierrés mais aussi de l’histoire événementielle taillée par les seigneurs de Balazuc.

C’est une histoire de famille qui commence au XIème siècle et s’étale jusqu’au XVIème siècle. Les invasions barbares ont martelé les terres ardéchoises. Le roi Charles Martel freine leur avancée par un coup décisif qui met fin aux guerres sarrasines. Il récompense ses chefs de guerre en leur distribuant des gratifications. Les mines d’argent de Largentière auraient été données à Guillaume "Lance brisée", un général Franc qui serait à l’origine de la famille des seigneurs de Balazuc dont les aînés recevaient les prénoms de Guillaume pour perpétuer le souvenir.

La féodalité se met en place dans la société française.

Le Moyen-Age

 Le seigneur Géraud de Balazuc jette son dévolu sur  les terres de Larnas et y réside en installant sa famille.

 Son fils Pons de Balazuc est plus connu car il  participe à la première croisade où sa rencontre avec un chapelain provençal Raymond d'Agiles aboutit à une narration des aventures qu’ils ont vécu ensemble :

  « L’histoire des Français qui prirent Jérusalem » est un ouvrage qui donne un éclairage vivant de cette période.

 Pons  meurt à Arcos ( l’actuelle Tripoli au Liban) en 1099, frappé par une grosse pierre.  Un vitrail le représente dans l’une des églises du village.

 Si les seigneurs s’installent à Balazuc, c’est pour veiller  sur leurs richesses minières argentifères et pour repousser les envahisseurs qu’ils soient romains ou voisins.

 Pour résister aux guerres entre les albigeois et les rois de France, des remparts sont construits. Une tour carrée ou donjon contribuent à la solidité de la  ligne défensive.

Les 12ème et 13ème siècles sont une période de constructions. Le  village n’était qu’une zone  laissée en retrait, de peu d’intérêt vivant d’un peu de blé, d’un peu de vignes, d’un peu d’élevage de vers à soie. Pierre de Balazuc, le fils de Pons, édifie l’église romane. Avec les nouvelles constructions entièrement montées par le calcaire qui abonde en cette région, les seigneurs enrichissent le patrimoine culturel du village  qui prospère.

Des maisons nobles aux portes en arc ogival et aux fenêtres trilobées sont construites par les familles désireuses de s’installer dans un sud éloigné de la capitale.

 Guillaume le Troubadour est le seigneur qui vint jouer les trouble–fête en s’attachant à conquérir  les faveurs  de la Dame  de Joviac. Il en néglige ses affaires courantes et perd  ses droits sur ses mines qu’il est contraint de vendre.

 Malgré cette amputation, ses successeurs, Guillaume de Sanas, Guillaume des Eperviers  continuent de vivre  à Balazuc dans leur château  «  Le Chastel-Vieilh », entourés de leurs pages, écuyers, notaires, juges… L’écusson de Guillaume des Eperviers, orné d’un épervier, décore la porte de la chapelle de St Jean–Baptiste.

L’influence des seigneurs de Balazuc s’étendait loin dans la région car elle était suzeraine de nombreux seigneurs en Vivarais.

 Au 14ème siècle,   

En 1345, Albert de Balazuc agrandit son territoire par son mariage avec Pelette de Montréal.

 La guerre de Cent ans ouvre une époque de luttes contre les brigands qui dévastent le pays. Les remparts de Balazuc sécurisent le village qui vit calfeutré sur lui-même dans ses passages couverts, ses escaliers, ses dédales où marcher sur les calades étroites est un saisissant témoignage de la vie médiévale. Les ruelles sont entièrement ajustées avec des pierres sans ajout de mortier, le calcaire faisant office de solide armature.

Au 15ème siècle, le village connaît de graves difficultés financières. Les maîtres d’alors cèdent quelques terres et leurs droits sur Rochecolombe, le berceau de leur famille.

 Est-ce d’avoir perdu ce qui les maintenait en étroite fusion avec leurs terres qui fit décroître leur attachement à leurs racines ?

 Les seigneurs de Balazuc déjà semblent se détacher et quitter leur ancien domaine.

 Le XVIème siècle voit vraiment le déclin des seigneurs de Balazuc et leur départ définitif. Ils ne sont déjà plus les descendants directs de Pons de Balazuc et ne résident plus au village.

 L’abside de l’église romane, l'église Notre-Dame, est surélevée en tour de défense vers 1566.

 Le château est restauré.

 Et le XVIIème siècle passe doucement sans événement notoire si ce n'est le règne de Jean de Balazuc, le brave de Montréal.

 Ainsi s’achève l’épopée des seigneurs de Balazuc.

  18ème - 19ème - 20ème siècles

Avec le 18ème siècle, le patrimoine familial est vendu à un banquier qui le cède ensuite au Comte de Vogüé dont les ancêtres furent les vassaux des sires de Balazuc.

 Le château est vendu en 1793.

La révolution de 1789 érige le village en commune et le dote ensuite autour du XIXème siècle d’un maire Alexandre Tastevin. D’autres épreuves ont écorné le village. Les maladies des vers à soie et celles des vignobles dévastent les cultures.

 Pour repeupler le village qui se vide, on conforte son accès par la construction d’une voie ferrée inaugurée avec une gare à Balazuc.

 Puis un pont en 1884 permet de relier la rive droite de la rive gauche de l’Ardèche.

 Une route est percée à travers le village par dynamitage de la roche, ce qui fait surgir les gradins de calcaire qui révèlent des grottes, premiers refuges des hommes de la préhistoire.

Le XXème siècle s’occupe d’ouvrir le village aux amateurs d’art et de tranquillité.

 On découvre les plages, les ruelles médiévales, les remparts, on restaure les maisons, on en construit d’autres  pour que l’ancien et le nouveau se rejoignent.

 L'exode vers les villes après la grande guerre avait vidé le village de ses habitants. On ne dénombre plus que 350 âmes pour une population qui avoisinait les 900 avant la guerre.

En 1960, des amateurs de vieilles pierres en venant reparler de la période médiévale et en relevant de leurs ruines des pierres millénaires, firent renaître le village.

Si  les âmes des seigneurs de Balazuc  voyagent au dessus des pierres, elles verraient que  rien de leur tâche n’a été spolié.

 Le château perché au-dessus de l’Ardèche reste un bastion inexpugnable, devenu maison d’hôtes où l’on aime évoquer l’histoire de ceux qui ont formé un noyau dynamique attaché à faire prospérer une terre qui d’aride, s’est vue s’étendre en vergers et en vignobles de qualité.

Sur les falaises, sont visibles de loin, le vieux château et l'église Notre-Dame de style roman avec son clocheton-peigne roman et son mur avec trois arcades.  

La nouvelle église Sainte Madeleine est construite de 1892 à 1895.

Le Muséum de l'Ardèche, installé à Balazuc en 2016, expose les fossiles géologiques. Il montre également les habitats préhistoriques tels qu'il furent creusés dans les falaises jurassiques.

Depuis 2020, une galerie aux dinosaures par moulages de spécimens fossiles rappelle cette partie impressionnante de notre histoire et comment après l'extension de ce groupe de dinosaures, est apparu un autre groupe, celui des oiseaux.  

Eglise romane Notre-Dame de Balazuc Eglise Sainte Madeleine du village

Notre ami Frédéric revient d'un séjour passé dans le vieux village de Balazuc. Il nous ramène quelques photos, le site est imposant, tout en rocaille et falaises abruptes, de véritables tours où sont encastrées des maisons, des églises, des ruelles, des remparts.

© Photos de Frédéric (Avril 2024 avec son aimable autorisation )

Texte de Ginette Flora, Mai 2024