Les peintres des montagnes
- Ginette Flora Amouma

- 21 août
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 août

www.gazette drouot.com – Waldemar Fink-les alpes suisses -1908
Le bleu glacier, c’est la nuance qui frappe au premier abord quand on s’approche des montagnes et que le ciel devient de plus en plus vivant. Les peintres y sont particulièrement sensibles et ne se privent pas d’en rendre la nature pour faire émerger cette sensation de solitude extrême et dépouillée qui nous désarme, pressure le sang de notre ossature et nous laisse dénudé comme au premier jour.
Cette sensation est unique, le pinceau s’affole quand il s’aperçoit que l’instant glaçant risque de s’embusquer.
L’écriture renonce. Les mots ne suffisent plus. Le Christ en croix au premier plan sur le tableau « Que la lumière soit -1908 » de Waldemar Théophile Fink transpose la crucifixion dans les alpes suisses. Waldo comme on le surnomme dans son canton natal de Berne est un peintre des montagnes et des paysages suisses, de style postimpressionniste et qui est connu pour ses toiles embuées des larmes neigeuses des hauteurs.
La merveille c’est d’avoir la vue pour s’extasier sur un paysage de montagne quand l’imposante masse des crêtes de granit forme une sorte de forteresse imprenable.
On n’escalade pas les versants abrupts par bravade, on est porté par un désir, le plus fou, celui de connaître l’autre partie du monde que les altitudes occultent.
Le carnet des altitudes

C’est sous ce pseudonyme que Salomé Auberger, peintre des altitudes se présente. Elle y consigne ses créations graphiques, ses dessins, ses illustrations, ses peintures car elle est passionnée de montagnes, des sommets enneigés, les monts alpins ne sont pas pour elle un défi inaccessible. Elle en connaît les parois vertigineuses, s’est agrippée au grain de la roche des hauteurs et dans le vide qui ne l’effarouche pas, elle ne craint pas de se mesurer au gouffre pour mieux comprendre le désir d’atteindre la glace farouche des hauteurs.
Elle en restitue la voilure bleu de Prusse dans des aquarelles vernies.

pinterest.com carnets d’altitude
Dora Fraissinet
Les grands espaces attirent l’artiste peintre qui capte au bout de son pinceau le rayonnement lumineux sur les crêtes des montagnes, les alpes suisses sont un sujet dont on la sait dévorée par la dévotion quand on s’arrête devant ses aquarelles vernies qui sont de véritables joyaux.

Les Becs de Bosson (sommet double en Suisse )

L’arête sommitale du Weisshorn en Suisse
La montagne, la marche sont des éléments incubateurs de création. Elle utilise l’encre de chine et l’aquarelle, cette fusion diluée dans l’eau et des pigments qui étalent le dessin esquissé pour lui donner sa forme définitive.
Caspar Wolf ¨( 1735-1783) est l’un des premiers artistes à peindre les alpes suisses.
Après des études de peinture et des formations connexes spécialisées dans le travail de la peinture sur faïence et sur bois, il séjourne à Paris où le thème du paysage alpin est en vogue. Il est de bon ton de parler de la froidure des sommets. Il rentre chez lui redécouvrir son pays et se consacrer à la peinture des montagnes de son pays.
Il restitue les paysages des montagnes suisses. Ses tableaux sont relégués dans une pièce, oubliés dans un château en Hollande à la fin du 18ème siècle.
C’est au milieu du XXème siècle qu’un historien des arts les découvre et les expose. Le nom de Caspar Wolf revient ramoner les esprits et l’on repart gravir les pentes des différents étages des imposantes chaînes de montagnes qui s’étalent sur plusieurs pays.

wikipedia.org -glacier de Grindelwald- Caspar Wolf
Depuis l’émergence de cette nouvelle perspective, les peintres suisses introduisent l’univers alpestre dans leurs créations. Un sentiment de paix er de grandeur est exalté. Les montagnes ne véhiculent plus l’effroi, la masse rocheuse n’est plus synonyme de chaos mais une invitation à la méditation et à la jouissance d’une certaine liberté intérieure.
Albrecht von Haller (1708-1775), botaniste écrit LES ALPES, une ode à la haute montagne (1729). C’est la voie ouverte à une autre façon de regarder les sommets enneigés, lointains, inaccessibles. Un sentiment du sublime prend naissance dans les esprits embrumés par les histoires de dragons et de monstres cachés dans les crevasses.
Avec la peinture des sommets et des glaciers, la beauté de la nature prend le pas sur toute autre appréhension.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), natif de Genève, le décrit dans son roman épistolaire Julie ou la Nouvelle Héloïse -1761
Un rayonnement mystique enveloppe les cimes éternelles quand Rousseau écrit :
« Il semble qu’en s’élevant au-dessus du séjour des hommes, on y laisse tous les sentiments bas et terrestres et qu’à mesure qu’on approche des régions éthérées, l’âme contracte quelque chose de leur inaltérable pureté » ( La Nouvelle Héloïse , lettre XXIII)
Ferdinand Hodler (né à Berne en 1853 et mort à Genève en 1918)

Les Alpes
Il est davantage resté au sein de sa confédération helvétique et connu auprès de ses pairs. Il est le peintre suisse par excellence, aimant peindre les paysages, les scènes villageoises, les grandes fresques à l’antique. Sa peinture touche tous les genres. Il aura tâté de tout, du réalisme comme du romantisme et du postimpressionnisme.
S’il se singularise dans la peinture des autoportraits, ses toiles sur la montagne montre le double travail du pinceau qui renvoie dans le lac Léman les reliefs alpins.

Musée d’Orsay –Ferdinand Hodler
Bien d’autres peintres, anciens et nouveaux renouvellent l’âme picturale des hauts sommets et parlent de la solitude glacée des altitudes quand à mesure que l’on grimpe, de la partie collinéenne en remontant les étages montagnard, subalpin, alpin et nival, le corps se vide de toute passion et ne laisse flotter que le souffle persistant de la beauté du monde.

Laurent Willenegger peintre
Ginette Flora
Août 2025




Meric, chère Ginette, pour ce panorama des montagnes illustré par des peintres amoureux de cette beauté immobile... Belle journée.
Magnifique, Ginette .. la beauté est aussi sur tes mots !❤️
Une belle description des peintres des montagnes que tu nous fais découvrir ici, Ginette.
L'air pur des montagnes et l'effort consentit pour y parvenir est un pur bonheur !
En ces temps révolus point d'encombrement sur les sommets, qui sont bafoués par les déchets.
Belle journée à toi qui nous régales par tes textes.