Le liquidambar
- Ginette Flora Amouma

- 24 nov.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 nov.

© Les liquidambars en automne à Gif - photo de Daniele Rousseau du groupe facebook-tu sais que tu viens de Chevry.
Quand le liquidambar s’empourpre, c’est que l’automne est bien passé dans les allées de la résidence pavillonnaire. Par ici, nous recevons nos présents bien avant Noël. Nos fêtes commencent quand les liquidambars parsèment les pelouses et les trottoirs de leurs feuilles rouges, se laissent longtemps admirer devant les haies de lauriers. Ce sont nos premières gracieusetés. Certains par ici disent que ce sont les étrennes d’automne. Ils se précipitent pour les ramasser. Trouverait-on ailleurs cette couleur que les peintres passent des heures à essayer de rendre sur leur palette ?

Le liquidambar est un arbre aux feuilles caduques qui vient d’Amérique où il est appelé le copalme. Les feuilles prennent des teintes différentes à mesure que l’automne s’installe, de vert émeraude, elles deviennent ocre puis beige et rose cendré avant de se métamorphoser en un lacis de mailles de couleur pourpre qui ravissent les yeux. Ses feuilles sont palmées comme celles des érables. On la confond ainsi avec l’érable mais le liquidambar n’est pas un érable. Il est d’une toute autre famille. Avec sa haute stature, sa croissance pyramidale, sa présence d’une grâce et d’une élégance déployée avec assurance, avec son maintien imposant, l’arbre venu d’ailleurs a su capter l’attention de moult photographes et d’artistes désireux de peindre sur leurs toiles l’incomparable nuancier que le feuillage d’un liquidambar peut montrer.

Le peintre Douglas E. Welch a composé un tableau qui a retenu l’attention des médias. Le thème des feuilles rouges piquetées des larmes d’automne a été décliné en plusieurs objets de décoration .Devenu un motif pour vêtement, pour divers produits du quotidien, les textiles ont repris le motif et il existe des couvertures et des couvre-lits, des rideaux qui arborent ce motif à la fois inspirant et apaisant.

© Redbubble.com – red leaves of liquidambar in autumn by Douglas E Welch
Ses qualités esthétiques font que les jardiniers n’hésitent pas à planter un liquidambar aux côtés d’un érable du Japon, d’un chêne rouge et d’un tilleul et de laisser l’automne se mettre à voltiger dans des couleurs graduées. Le liquidambar est très populaire chez les paysagistes. Tout son charme vient de ses couleurs automnales.
Quand il revêt ses habits d’automne, nous sommes invités au défilé de sa collection.
Du rose cendré au rouge pourpré avec un jeu de camaïeu de rouge orangé, une sauvage offrande s’intensifie et se présente à nous. C’est la nature ardente qui se révèle, celle de la déesse Artémis sous les traits desquels la nymphe Syrinx se cache pour échapper à la poursuite du dieu Pan. Elle y parvient en se changeant en bouquet de roseaux que le dieu Pan serre dans ses bras en disant :
" C’est comme si j’entends ta voix à travers les roseaux. Pour moi, ces plantes seront le moyen de te parler toujours. »
Il fabrique donc un instrument en reliant les roseaux et en les faisant tenir ensemble avec de la cire d’abeille. Même s’il existe d’autres versions, Claude Debussy retient du mythe la douleur de Pan qui en s’exhalant fait vibrer les tiges de roseaux. Le dieu Pan voit ainsi le moyen de communiquer avec celle qui s’est transformée en roseau. Les feuilles d’automne en tombant portent cette douleur mélancolique.
Le syrinx est un instrument de musique, une flûte de pan pour lequel Debussy compose son morceau : le syrinx.
Debussy était fasciné par la mythologie grecque. Il se souvient qu’Ovide raconte dans « Les métamorphoses », l’histoire de la nymphe Syrinx aux prises avec le dieu Pan.
Debussy s’échappe des codes habituels de la composition musicale pour nous faire partager les bruissements d’une légende mythique et la richesse des sonorités que peut contenir une flûte seule.
La mélodie dégage un mystère sylvestre, des pépiements, des râles de branches, une nature en pleine métamorphose, un appel continu avec des silences, des temps lents comme de brusques phrases longues et fluides (ce qui requiert du souffle pour celui qui interprète le morceau.) La maîtrise des crescendos et des reprises de certaines notes dégagent de fortes émotions comme si on entendait une conversation intime.
La musique qui ne dure que quelques minutes est pourtant riche en signes subliminaux. On croit entendre un dialogue bref mais intense entre deux personnes qui s’expliquent avec peine.
C’est l’automne, mon âme, où pourrais-je fuir ?

© redbubble.com-aquarelles de feuilles de liquidambar en automne
de Douglas E. Welch

Originaire d’Amérique, le liquidambar a été introduit en Europe en 1681 et a tellement séduit tout un chacun qu’il a une bonne place dans les parcs et les jardins.
Et même si on n’a qu’un petit jardin, les spécialistes de la botanique ont créé des espèces plus petites qui peuvent s’épanouir dans les jardins des pavillons.
La haute taille des liquidambars est remarquable, sa résistance au froid et à la chaleur expliquent sa longévité. C’est un arbre qui peut vivre quelques centaines d’années s’il réussit à surmonter les maladies qui rongent parfois ses racines et son bois s’il n’est pas traité avec soin.
L’arbre est également réputé pour sa résine qui dégage une forte senteur balsamique au point qu’on raconte qu’un passant n’a pas hésité à récupérer un arbre dans une décharge où il avait été jeté. Surpris qu’on ait pu l’abandonner, il le ramena chez lui. Grâce à des soins constants et des attentions particulières, ce passant a réussi à faire repartir l’arbre.
L’arbre a plusieurs noms. Copalme d’Amérique, noyer ou styrax, c’est le nom de liquidambar qui lui est resté, du latin liquidus et de l’arabe ambar.

« L’ambre liquide » est une sève à l’odeur de cannelle, utilisée dans les parfums.
La résine a longtemps été utilisée comme remède thérapeutique pour diverses affections.
Les propriétés médicinales de la résine, le styrax, ont été remarquées par les tribus indigènes qui le mastiquaient comme du chewing gum. Le styrax est une sève épaisse et rougeâtre appelée baume du liquidambar.
En 1786, un savant anglais distille la résine et en retire un extrait qui est utilisé en infusion mais il est vrai que l’arbre et ses vertus n’ont pas été suffisamment rappelées, les remèdes issus de sa sève ne sont pas connus. Cependant, chaque arbre a aussi ses bienfaits dans tous les sens du terme et le liquidambar le montre aisément.
Au XIXème siècle, des chimistes français isolent la molécule du baume et la synthétise en laboratoire.
C’est en 1925 qu’un chimiste allemand réussit l’assemblage de plusieurs molécules styrènes et le baptise polystyrène.
Le liquidambar porte un symbolisme très fort de longévité et de renaissance.
Le port de son feuillage, les rouges carminés, les cuivres sauvages, les orangés chauds et brûlants viennent sans faillir se placer auprès des violets intenses.
Leur symphonie annonce la fin d’une saison mais elle joue une autre rhapsodie, celle qui fait revenir d’autres jours nouveaux qu’il ne tient qu’à nous de remplir.
Ginette Flora
Novembre 2025




Tout savoir pour tout aimer du Liquidambar... Merci, chère Ginette, pour ce voyage magnifique aux couleurs de l'automne 🍁🍂🍁🍂 et bonne soirée.
"Certains par ici disent que ce sont les étrennes d’automne." Comme c'ets beau, tout est beau Ginette, j'adore ... merci de cette découverte ❤️
Que de découvertes grâce à toi chère Ginette. Voilà des couleurs magnifiques pour un peintre.
Merci beaucoup Ginette à bientôt !
Ce post sur le liquidambar, c'est de l'or en barre, Chère Ginette ! Quel plaisir, toujours renouvelé, de découvrir tant de choses par le biais de tes mots ! Belle journée à toi ! 😀🍁