Le "Lamento della Ninfa " de Monteverdi
- Ginette Flora Amouma
- 13 oct. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 avr.

Les œuvres de Claudio Monteverdi se situent à la charnière de la Renaissance et du baroque. Il a apporté d'importants changements au style de son époque.
Il est considéré comme l'un des créateurs de l'opéra avec l' Orfeo.
Naissance des prémices d'un nouveau genre : l'opéra
Il est le représentant de l'école italienne du madrigal pour lequel il a consacré neuf livres.
Il adopte un style nouveau avec le madrigal où il fait une synthèse du style ancien avec une dynamique nouvelle. C'est la première voie qui chemine vers l'opéra. Monteverdi exprime le drame par la musique.
Il a contribué avec ses madrigaux à la naissance d'un nouveau genre qui est le récit chanté.
Les madrigaux reflètent la transition entre la Renaissance et l'époque baroque, à mi-chemin entre l'ancien style et un nouveau, aux limites de la synthèse et des innovations.
Les madrigaux deviennent de petites scènes très proches de l'opéra, une voix exprimant la douleur et d'autres participant et comprenant la douleur .
Le Lamento della Ninfa ( 1638- Livre VIII)
Le livre 8 est le plus connu des madrigaux de Monteverdi. Il est divisé en deux parties, celle des madrigaux guerriers et celle des madrigaux amoureux, chacune des deux parties est présentée par une composition phare. Si pour les madrigaux guerriers, c'est le Combattimento" , pour les madrigaux amoureux , c'est " le Lamento della Ninfa."
Monteverdi remarque une canzonetta en lisant " Les poèmes d ' Ottavio Rinuccini - 1614 "
Pour lui , c'est une découverte, lui qui voulait adapter la mélodie au sentiment pour
" faire entendre ce qu'on laissait au silence " .
Il voulait fournir une voix " au déchirement d'êtres qui habitent entre deux mondes en ne faisant pas tout à fait partie d'aucun d'eux "
En 1638, il compose le lamento della ninfa.
L'intrigue du madrigal
1/ La nymphe quitte sa maison et pleure son amour perdu : les trois voix masculines présentent et commentent l'intrigue. Le trio fait songer au chœur grec.
Phébus ne s’était pas encore
manifesté par le jour,
qu’une jeune fille sortit
de sa maison.
Sur son visage pâli,
son chagrin était visible.
Un grand soupir souvent
s'exhalait de son cœur.
Piétinant les fleurs,
elle errait ici et là,
pleurant ainsi
son amour perdu.
On entend le chœur plaindre la jeune fille :
" Ah miserella..."
Malheureuse, elle ne peut plus
supporter une telle indifférence glacée.
2/ La plainte de la nymphe est tout entier contenue dans le cri déchirant qu'elle adresse au ciel :
" Amor , Amor, Amor
Où est la foi que ce traître m'avait jurée ?
Fais qu'il soit de nouveau mien
Amour, comme autrefois
Ou bien tue-moi
pour que je cesse de me tourmenter.
Je ne veux plus qu'il soupire
sinon loin de moi
non, non car les victimes
ne peuvent plus dire leur fidélité. Le chœur compatit en disant "Ah miserella....; ( Oh, pauvre petite )
De m’avoir fait souffrir
Il est très fier,
alors, si je montre de l’indifférence
peut-être me suppliera-t-il encore ?
Si le regard de cette femme
est plus serein que le mien,
elle ne renferme pas dans son cœur
Amour, une foi aussi belle. Le chœur compatit : Oh, miserella ...
Et jamais de cette bouche
Il ne recevra d'aussi doux baisers
ni d'aussi tendres.
Ah tais-toi !
Tais-toi ! Car il ne le sait que trop bien.
3/ Le chœur commente la douleur de la jeune nymphe :
" Ainsi entrecoupée de sanglots furieux
Sa voix s'élevait jusqu'au ciel
C'est ainsi que dans les cœurs amoureux
Amour mélange flamme et glace "
La musique est ainsi au service de la parole.
La nymphe chante "le temps de l'âme" c'est à dire avec la spontanéité et la liberté qui dicte l'urgence de ses sentiments.
Les voix masculines chantent sur mesure "le temps de la main".
Les interprétations sont nombreuses
Entre autres, il y a celle orchestrée par l'ensemble musical français " Les arts florissants", fondé en 1979 par William Christie, spécialisé dans la musique baroque française.
Cet ensemble tire son nom de l'opéra "Les Arts Florissants" du compositeur français Charpentier ( 1643-1704).
Paul Agnew qui est ténor, a été nommé codirecteur musical de l'ensemble en Mars 2020 .
Paul Agnew est un chanteur classique britannique. Il est spécialiste de la musique du XVIIème et du XVIII -ème siècle.
De 2011 à 2015, il a dirigé l'intégrale des madrigaux de Monteverdi .
et il y a l'interprétation du groupe Aesthésis Quatuor.
C'est un jeune quatuor vocal réunissant une soprano, une alto, un ténor et un baryton.
C'est une interprétation qui relève de la création expérimentale, résultat d'une recherche de nouvelles manières d'où l'introduction d'une guitare électrique.
Dans l'album " O do not move ", le quatuor chante le Lamento della Ninfa de Monteverdi.
C'est purement un arrachement des sens et c'est justement en cela que le groupe se distingue en voulant s'adresser à l'organe des sens qui, âprement sollicités, vibrent autant que des cordes d'un instrument.
Ginette Flora
Octobre 2022
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