Le jongleur de Notre Dame de Massenet

Massenet a écrit une vingtaine d'opéras . Certains sont très connus .

On parle moins de beaucoup d'autres. Le sacré et le profane se mélangent subtilement dans son oeuvre ainsi que le surnaturel et la féerie.

En traversant les deux espaces de la conscience humaine, Massenet ne cesse de nous inviter à nous laisser prendre par la spiritualité de son univers .

Anatole France écrit un conte "Le jongleur de Notre Dame". Massenet se nourrira de cette histoire pour écrire son opéra.

L'histoire narrée par Anatole France met en scène un jongleur qui ne sait que jongler sur les places de son village pour gagner sa vie. Un hiver où il n'y a pas âme qui vive dans les rues, il rencontre un moine qui lui propose d'intégrer le couvent et ne plus connaître ainsi les privations d'une vie sans ordre. Le jongleur accepte et s'aperçoit que c'est un couvent qui déploie des trésors de créativité pour rendre grâce à leur Sainte Marie. Le jongleur n'a rien pour perpétuer le culte de Marie. Il décide un jour de se recueillir une fois par jour dans la chapelle pour offrir une prière. Les moines intrigués, le surprennent un jour dans son adoration : la prière du jongleur est une danse et des tours de jonglerie exécutés devant la statue de Marie.

Les moines le rabrouent et le menacent mais à ce moment, la statue s'anime, Marie se penche et caresse le visage en sueur du jongleur qui, terrassé par la joie, meurt.

De ce conte qui dit avec sensibilité que le plus simple d'entre nous porte en lui le geste le plus riche d'amour, Jules Massenet en fait un opéra.

"Le jongleur de Notre-Dame " est un opéra qui est representé à l'opéra comique en 1904. En trois actes, Massenet dirige un drame humain venu du coeur et reparti s'enchâsser dans le coeur :

Jean le jongleur entre dans les ordres .

Les moines chantent et travaillent pour la gloire de leur Sainte Marie. Tous savent le faire sauf Jean qui ne sait rien faire ni dessiner ni chanter ni écrire ni sculpter .

Un jour,le moine cuisinier lui dit que selon la légende de la sauge, Jésus fut sauvé par une simple sauge alors que la rose refusait d'ouvrir son calice pour l'enfant.

Jean comprend qu'il peut offrir à Marie ce qu'il sait c'est à dire sa danse et ses tours de jonglerie . Tous les jours, il prend un moment pour le faire.

Les moines le surprennent et le menacent mais il est sauvé par la statue qui s'illumine et le couvre de sa protection divine. Jean en est frappé de stupeur et meurt.

" Heureux les simples car ils verront Dieu " , comprennent enfin les moines .

Le thème de l'adoration à Marie par un moine qui cherche à lui plaire est chantée dans cette oeuvre de manière discrète et intuitive.

C'est un véritable tremblement de l'âme.

Massenet a tiré d'une légende un acte humain d'une simplicité délicate .

Frappé par la richesse des offrandes données à la personne de Marie, Jean se croit d'une pauvreté absolue et pour exprimer son adoration, il ne donne que ce qu'il sait faire : jongler et danser.

La statue s'anime et vient le remercier.

La grâce de ce moment de gratitude divine envers la candeur d'un être humain a touché plus d'un public.

Massenet réalise une oeuvre d'une grande humanité.

De cette oeuvre, j'en sors bouleversée. Le sentiment de cette offrande absolue ne se livre pas sans une certaine mélancolie.