top of page

Laure de Noves et François Pétrarque

Dernière mise à jour : 26 mars


ree
ree

"Tantôt elle s'élance en nymphe vaporeuse

Sur les flots argentés de la Sorgue écumeuse,

Et s'assied près de moi sur ses bords enchanteurs.

Tantôt, d'un pied léger,

Son image chérie agite doucement les fleurs de la prairie,

Et semble à mon aspect prendre part à mes pleurs."

(extrait d'un sonnet à Laure par Pétrarque )


Laure de Noves,

née en 1310 à Avignon et décédée en 1348, n'a rien à voir avec Laure de Noves, une dame de la bourgeoisie locale qui porte le même nom d'où la confusion qui pourrait s'ensuivre.

Laure de Noves dont nous parlons a épousé Hugues II de Sade ( un ancêtre du Marquis) et elle est poétesse à ses heures quand elle anime dans son salon des discussions sur l'amour courtois.

Un jour de l'An 1327, elle sort de la messe en l'Eglise Sainte-Claire à Avignon.

Un homme François Pétrarque l'aperçoit et son destin bascule. De cette unique vision est né un si grand amour platonique qu'il traverse les siècles et que d'en parler fait trembler encore les cœurs les plus endurcis.

C'est que Pétrarque, de ce jour de l'an 1327 jusqu'à la mort de Laure en 1348, ne cessera d'écrire des poèmes pour celle qu'il n'a fait qu'entrevoir.

Laure épouse Hugues II de Sade, mène une vie maritale et parentale ordinaire, une vie émaillée de grossesses. Après onze enfantements, elle meurt d'avoir accompli un travail qui a laissé des séquelles sur sa santé.

A sa mort, Pétrarque n'en est plus que jamais affecté. Il continue de la chanter et de la versifier par delà la mort. Le "Canzoniere" est un recueil de 366 poèmes et de chansons.

C'est un hommage qu'il rend à la beauté qui selon lui est l'idéal du poète.


La tombe de Laure de Noves est visitée par de hauts dignitaires comme François 1er qui lors de son passage à Avignon, laisse sur la tombe de Laure ces quelque vers célèbres :

" En petit lieu comprend vous pouvez voir

Ce qui comprend beaucoup par renommée.

Plume, labeur, la langue et le savoir

Furent vaincus par l'amant de l'aimée

O gentille âme ! Etant tant estimée,

Qui te pourra louer qu'en se taisant,

Car la parole est toujours réprimée,

Quand le sujet surmonte le disant."



L'hommage de Victor Hugo est tout aussi mémorable. Il l'a écrit en exergue sur la page de garde d'un des sonnets de Pétrarque :


" Quand d'une aube d'amour mon âme se colore,

Quand je sens ma pensée, ô chaste amant de Laure,

Loin du souffle glacé d'un vulgaire moqueur,

Éclore feuille à feuille au plus profond du cœur,

Je prends ton livre saint qu'un feu céleste embrase,

Où si souvent murmure à côté de l'extase. »



Il y eut Tristan et Yseut, il y eut Dante et Béatrice.

Laure et Pétrarque se situent en droite ligne de ces amours que l'âme conserve en ses plus vertueux confins.


François Pétrarque

né en 1304 à Arezzo et décédé en 1374 à Arqua en Italie.

Sa famille vient du village d'Incisa in Val d'Arno en Italie et après un bannissement, vient s'installer à Marseille puis Avignon puis Carpentras.

Il fait des études qui l'orientent vers les Belles-Lettres, se découvre un goût pour la poésie et poursuit son cursus universitaire qui le conduit aussi à faire quelques années de droit à Montpellier et Bologne.

Il prend conscience que la poésie écrite dans sa langue maternelle, le toscan, ouvre une voie vers l'éclosion d'une culture italienne.

A Avignon, il abandonne le droit pour des études littéraires. Il entre dans les ordres mineurs pour percevoir des revenus réguliers et malgré sa difficulté d'adhérer aux textes théologiques, il poursuit son cursus.

Sa rencontre avec Laure de Noves sublime ses pensées. Il la chante en respectant les codes de l'amour courtois de sorte que, de Laure, on n'en a qu'une vision sublimée.

L'idéal et l'absolu le poursuivent toute sa vie et en invoquant la beauté de Laure, c'est la beauté elle-même qu'il aime à travers sa poésie : " Je m'enflammais tout à coup. "

Jamais poète ne célébra un amour comme il le fit.


Pour échapper à ses crises de conscience, il voyage beaucoup dans les villes et les régions de France. Il randonne dans le Mont Ventoux, il en décrit les beautés sauvages, le milieu montagneux est propice à libérer ses élans spirituels.

"Le chemin qui mène au bien ", il le parcours dans la combe fiole, au pied de la Foliole.


Dans le même temps, il se consacre à son projet humaniste.

Il en dessine les contours en prolongeant la recherche humaniste engagée par les auteurs classiques.

Il crée des réseaux culturels.

Il retrouve des textes tombés dans l'oubli, Cicéron, Properce, Quintilien.


En 1338, il se réfugie à Fontaine de Vaucluse pour écrire dans le silence.

Il y reste une quinzaine d'années.

Entouré de paysages reposants, de vignes, de jardins et de soleil, Pétrarque essaie de juguler sa passion pour Laure qu'il ne parvient pas à oublier.

Sa notoriété grandit, il reçoit la couronne de laurier à la Sorbonne pour avoir permis la renaissance des Lettres et la redécouverte des Anciens. Sa passion pour la Rome antique lui fait écrire "Africa", un poème qui narre les exploits de Scipion l'Africain contre Carthage durant la seconde guerre punique. C'est une œuvre magistrale plus importante aux yeux de Pétrarque que son "Canzionere" et qui lui valut une grande notoriété dans toute l'Europe.


En 1348, Laure, déjà très affaiblie par sa vie familiale, meurt de la peste noire.

Très affecté, Pétrarque écrit un poème sur l'idéal : c'est le recueil des Triomphes, une épopée amoureuse qui narre l'ambivalence des sentiments quand l'humain et le divin se mêlent, l'âme et l'esprit, l'apparence et l'essence, des idées que laissent Pétrarque, des idées qui imprègnent toujours notre vie intellectuelle.

Il organise des sonnets pour publier ses poèmes dans "Le Canzoniere" qui est composé d'une première partie décrivant la phase tourmentée de la passion et dans la seconde, il décrit l'apaisement. Son amour platonique pour Laure en sort transfiguré. Dans le même temps, il versifie en usant du sonnet, une forme poétique qui gagne ainsi ses lettres de noblesse grâce à Pétrarque.

Dans l'imaginaire amoureux où règnent déjà Tristan et Yseult, Dante et Béatrice, il y eut ainsi un autre duo, celui de Laure et Pétrarque.

En magnifiant un amour impossible, il en pérennise l'essence absolue.

Il meurt à Arqua en Italie. On lui élève un mausolée devant l'église d'Arqua, village qui est rebaptisé Arqua Petrarca en hommage à l'écrivain italien.


Mai 2023

Ginette Flora


10 commentaires


Fournier Viviane
Fournier Viviane
24 mai 2023

j'adore cette histoire et tu me l'offres à nouveau avec tes mots à toi ... Merci merciici😍

J'aime
En réponse à

Dans le passé et dans d'autres dimensions d'un temps que nous ne connaissons pas, il y a des êtres humains qui comme nous ont aimé, souffert, rêvé de la même façon que nous.

Le coeur est le même, lire nous le montre à chaque page . le coeur livre des émotions.

Je me dis que quelqu'un devrait le dire, en parler ... et chaque fois que quelqu'un le fait, cela devient impressionnant de vérité . Nous avons connu d'autres cieux.

J'aime

Colette Kahn
Colette Kahn
19 mai 2023

Ton récit nous conduit avec sensibilité vers cet amour magnifié de Laure et Pétrarque...

J'aime
En réponse à

Merci beaucoup, Alice d'y avoir été sensible.

J'aime

nicole.loth
nicole.loth
19 mai 2023

Quelle belle poésie pour illustrer l'amour courtois. J'ai envie de m'y plonger et de prolonger cette amour de Pétraque pour Laure de Noves au delà des siècles... Merci Ginette

J'aime
En réponse à

Merci beaucoup, Nicole. Je suis très heureuse d'avoir suscité ce bel élan vers la poésie de Pétrarque.

J'aime

Une belle et heureuse présentation, Ginette. Comme le parfum de Pétrarque est apaisant, et les vers de Victor Hugo émouvants ! Pétrarque qui a aimé la Provence, le mont Ventoux, défi au promeneur ou plutôt au randonneur , Avignon et ses murs de pierre éblouissants au soleil.


J'aime
En réponse à

Ah ! Je savais que cette évocation te plairait !

J'aime

Membre inconnu
18 mai 2023

Je ne connaissais que le Pétrarque faisant redécouvrir les anciens, pour l'avoir ui il y a près de 30 ans, mais pour ses poésies, je ne le connaissais que de réputation... merci Ginette pour cette porte ouverte...

J'aime
En réponse à

J'aime bien relire les anciens textes. On les aborde différemment .. en les comprenant mieux , avec un peu plus d'objectivité .

Merci pour votre lecture.

J'aime
bottom of page