La vallée des Saints, l'art des pierres

 A Carnoët, dans les côtes d’Armor depuis 2008, un site  a pris place autour d’une motte féodale qui surplombe la vallée d’où l’on peut contempler les monts d’Arrée et les forêts alentour.

 C’est une île de Pâques bretonne qui se dessine où les sculpteurs de l’art ancien et nouveau ont érigé des monolithes, des colosses, des blocs de roche sur lesquels sont gravés les jalons de la vie des saints de la culture bretonne durant le Haut Moyen Age breton, période qui coïncide avec l’arrivée des Saints.

 C’est un lieu  hors du temps, devenu un musée à ciel ouvert qui jouxte un monastère celtique.

C’est un parc qui raconte l’histoire des moines venus d’Irlande et des landes anglaises   comme St Gildas, St Hernin et qui rappelle les noms des  sept fondateurs  de la Bretagne : Tugdual , Brieuc, Samson, Malo, Patern, Corentin, Paul Aurélien.

Tous taillés dans du granit et mesurant entre trois mètres et sept mètres de hauteur.

 La vallée  abrite aussi une fontaine gauloise dont l’eau a le pouvoir  de guérison. Elle s’écoule en contrebas d’une chapelle.

 L’idée de ce projet associatif et collectif était  d’implanter mille sculptures à terme sur les flancs de la motte féodale.

 Pour l’heure, 180 statues entre 3 m et 7 m regardent les visiteurs.  Il y a Ste Anne, Ste Enora, Ste Brigitte … et bien d’autres,  Alan, Hélène, Maël , Conan …

" Heureux les simples d'esprit ! "

La motte féodale Sainte Bleuen

Si en Bretagne le site de la vallée  des Saints est un espace dédié à des sculptures en pierre érigée par des artistes désireux de mettre en relief les saintetés de la région celtique, il y a une autre vallée des Saints, située en Auvergne.  

A une cinquantaine de kilomètres de Clermont-Ferrand, en pays d’Issoire, se niche un village du nom de Boudes.  Il faut prendre la rue des Forts puis le sentier des cheminées de Fées,  c’est qu’il faut bien monter à six cents mètres d’altitude pour arriver à la vallée  des Saints, dans le vallon des fosses,  passer devant la fontaine de Bard, une source romaine découverte en 1882.

La vasque est taillée dans la pierre du pays, le gneiss, une variété du granit. On y découvrit aussi un trésor de pièces de monnaie aux effigies de l'empereur Domitien. Le dernier propriétaire de l’endroit avait souhaité commercialiser l’eau de source mais il décède sans avoir pu obtenir une autorisation pour finaliser son projet.  A sa mort, l’affaire est restée sans suite, laissant l’imagination des randonneurs s’emparer de sa légende.

 Il faut marcher encore, puis après avoir poussé un portillon, on arrive à la vallée des Saints  dans  l’Auvergne profonde et qui s’étend sur une surface naturelle, boisée, riche en roches mégalithiques.

 D’aucuns disent qu’on débouche sur un décor de western, le Colorado auvergnat. Au pays des terres rouges, des sources salées, des cheminées de fées, des volcans, des coteaux de calcaire, on contemple le vaste patrimoine géologique de cette contrée insolite.

 Erodés par les pluies, battus par les vents, il en est sorti des paysages de terre de couleur ocre et rouille. Paysages sculptés par de rudes climats,  les roches ont subi les ravages des érosions et du passage tumultueux des strates de l’évolution terrestre. La vallée des Saints du pays auvergnat appartient à l’histoire géologique de notre terre.

 Ces figures d’érosion font penser à une procession de Saints revêtus de leur soutane, bure et scapulaire  dont les dégradés de couleurs chaudes sont dignes d’un nuancier de soleil couchant.

 Le cirque des mottes, la falaise  des mottes, la source romaine de Bard stupéfient le visiteur novice qui vient sans vouloir savoir et juste voir ce que de telles silhouettes peuvent témoigner d'une vie terrestre dans ce qu’elle a de surnaturel, de végétal et de minéral.

 Ici, la roche au contact de l’hématite, qui est un oxyde de fer, et de l’argile donne un mélange d’ocres rouges et mauves.

 La roche devient verdâtre quand c’est un alliage dû au chlorite et à l’argile.

 Et elle vire au blanc crème quand  la kaolinite la couvre.  Parfois l’ocre jaune domine quand la limonite et l’argile se fondent dans un godet où le vent a su trouver le coloris qui le métamorphose. 

Entre ophrys et orchidacées, entre sapins et chênes, pelouses sèches et broussailles denses, on se sent  transporté pendant un moment dans un décor fabuleux où rien ne  manque pour nourrir nos rêves d’évasion.

Ginette Flora

Avril 2024