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La tradition des cèpes cévenols !

Dernière mise à jour : 18 sept.


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© Cèpes et châtaignes – peinture de Babeth Louisa – Septembre 2025


Ils avaient un rituel, les paysans des Cévennes. Leurs paniers, ils les cachaient d’abord loin des regards indiscrets et puis ils s’en allaient,  l’air de rien, ils prenaient  le chemin de leur balade coutumière pour dérouter l’ennemi.

Un cri d’oiseau, c’était le signal  « Les refrains gris des bassons des sous-bois », le premier vers d’une comptine  auquel répondait  un sifflement du courlis et c’était le signal pour avancer sans crainte  «   Sont aussi moroses que les vents froids.  »


C’est ainsi que commence la tradition de la cueillette des cèpes dans cette région cévenole où les habitants possèdent un coin des Cévennes où se cachent leur trésor : les cèpes. Ce n’est écrit nulle part dans les registres de la mairie.

De génération en génération, les cèpes ont leur arbre généalogique. On se transmet le secret des lieux où sont enfouies les fragiles racines qui un jour de septembre,  se développent généreusement au pied d’arbres ou de rochers. Les cèpes, ronds, joufflus,  qui n’émergent que si la nuit leur a été clémente.

Si les hommes gardent jalousement l’adresse de leurs cèpes, c’est qu’ils craignent qu’une main leste ne les arrache férocement au lieu de prendre le temps de ne les cueillir qu’au ras de la tige. Toucher aux racines, c’est risquer de ne plus les voir revenir les années  suivantes.

Cette tradition qui consiste à se rendre auprès des cèpes après avoir reniflé la teneur en froidure de la nuit,  vient de l’instinct des paysans habitués à entendre la vie des végétaux.

Après avoir fait croire qu’ils partaient en balade, les premiers arrivés constataient que l’endroit était comble, les gradins des souches envahies de mousse fiévreuse se hérissaient de petits et grands cèpes attendant l’heure où les pèlerins du bois arrivaient avec leurs  coupelles, vases et cierges.   

Certains partaient chercher les paniers dissimulés et le rituel de la cueillette commençait dans un silence quasi religieux. On ne déroge pas au sacrement de la vie.

Ainsi, les sous-bois se peuplaient de petits groupes de bonshommes empressés, les sens aux aguets, très peu enclins de rencontrer un prédateur. Ils savaient qu’ils avaient en main un magot d’une espèce rare.

Le cèpe ne reste qu’un mois puis avec l’arrivée des  froids plus mordants, il retourne chercher refuge en terre.


Le cèpe ne pousse que dans les Cévennes, du moins l’emblématique cèpe des Cévennes. C’est l’ingrédient convoité et très attendu des paysans qui aiment enrichir leur nourriture en mariant le cèpe avec la pomme de terre  grenaille.  

Sa voisine, la girolle des Causses ne bénéficie pas d’un tel folklore. Le jour des cèpes est comme le jour de la galette des rois. C’est un jour marqué sur le calendrier des cévenols et que les enfants, piqués au jeu de qui va chercher les cèpes, n’oublient pas en courant dans les champs relever le défi de cueillir les cèpes, le tour de main étant religieusement enseigné par les patriarches.

On tourne le  pied, doucement, sans toucher aux racines et si possible sans se servir d’un quelconque couteau ou objet coupant.   Le cèpe se cueille à la main.

Cette tradition est particulière à un village dans les hautes Cévennes, à St Jean du Gard. La cueillette ne dure que peu de temps car il faut faire vite avant que n’arrivent les froids givrants qui font fuir les cèpes.

Le vent marin des Cévennes est un vent pégueux, froid, collant qui effarouche les cèpes ramassés autour des arbres. Blottis entre les troncs, ils se soutiennent vaillamment. Entre l’arbre et le champignon, une relation souterraine permet à eux deux de s’auto exister. L’arbre capture l’eau et les minéraux grâce aux champignons qui sous forme de filaments lui tendent la main.


Le champignon est un être secret qui fait courir la littérature en développant contes et légendes.

Jean-Pierre Chabrol raconte avec gouaille et un grand sens du goût attaché au terroir, des récits de vie, ceux qui courent dans les Cévennes, d’une chaumière à l’autre, comment une soupe est faite par une main habitée d’enfance et de mémoire et qui peut devenir une soupe impossible à refaire. La madeleine de Proust resurgit ici mais cette fois il s’agit d’un cèpe.

 Comment faisait-elle cette soupe ?  raconte Chabrol dans son livre :


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Les contes à mi-voix

 

Utilisait-elle l’eau de la source, de cette eau qui cascade en dentelle et qu’on appelle  les boraldes ?  Mais à refaire la recette avec l’eau de source, le goût n’arrive pas au goût de la soupe de la grand-mère. Et rien n’y fait quand le conteur pense qu’il s’agit d’une cuisson au chaudron mijotée dans l’âtre. Que nenni ! La soupe n’a finalement qu'une seule saveur, celle de la cuisine faite par la grand-mère.

C’est un livre témoignage, Chabrol, passeur de mémoire, parle des cèpes comme on parle des personnages d’une forêt enchantée.


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© Chabrol - conteur sur l'Aubrac


Et il y a un autre livre que Babeth propose de lire après celui des Contes à mi-voix.

 C’est celui de Jean-Paul Pourade, préfacé par Jean-Pierre Chabrol :


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«  Chemins de transhumance »

© site amilo.net – livres-Pourade


Le livre est illustré par l’aquarelliste Christian Jallat qui restitue par les couleurs  ce qui stigmatise les Cévennes, les Causses et la Lozère : les cèpes, les fromages, les herbes sauvages, les vaches et leur rituel, estives, hivernes, les migrations saisonnières … et une pointe de sorcellerie attachée aux esprits rustiques.

Que d’un rituel de cèpe perpétré dans les Cévennes, on arrive au rituel de la transhumance et à un livre qu’on retrouve sur le site Amilo.net, cette page culturelle dédiée à la Lozère, est une fois encore la chiquenaude d’un hasard facétieux !

De mémoire de bête, on n'avait jamais écrit cet épisode de sorcellerie !   

J'aime ce petit bouquin, j'en suis sorti comme d'un rêve d'enfant. Je voudrais ne pas être réveillé, voir le monde qui m'entoure en cette fin de siècle avec les yeux émerveillés et les couleurs pastel du doux Christian Jallat....C'est un petit livre précieux de tendresse et d'émotion... et Jean-Paul Pourade a l'amitié savoureuse. (Préface de J.P. Chabrol)

 

Poésie : Aubrac

Ecouter les sources dans le murmure du vent

Saisir le soleil pour allumer le coeur des oustals abandonnés

Tremper ma plume dans le givre des futaies pétrifiées

Et me tailler des pages d'écriture sur cette terre

De basalte et de gentianes en fleurs

Jean -Paul Pourade

© site amilo.net –livres- Pourade

 

 

Sur une idée originale de Babeth Louisa

Avec sa peinture de Cèpes et châtaignes

 et une proposition  de livres à consulter

Chronique de Ginette Flora

 Septembre 2025

11 commentaires


Merci.

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Ce texte ne peut que me rappeler le souvenir heureux de partir aux champignons avec mon père avec en poche une petite boussole dont je prenais grand soin ! Qu'il est doux ce souvenir ! ^^ Merci à toi, Ginette et bravo à notre amie Babeth pour cette si jolie peinture ! ^^

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Invité
25 sept.
En réponse à

Nous sommes toutes contentes que ce sujet te plaise .

Merci beaucoup, Fred.

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viviane parseghian
21 sept.

Superbe rendez-vous de mots de couleurs de sensations ... tout y est gourmand, invitant et beau ...merciiiiiii !❤️

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Une omelette aux cèpes pour ce midi, Madame ?

C'est prêt !

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Alice
19 sept.

Partir à la (re)découverte des Cévennes avec un panier pour les cépes et se plonger dans la lecture pour mieux connaître cette région... merci à vous pour ce beau programme 🍁🍁🍂🍂

et belle journée.

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Elisabeth
20 sept.
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Ravie de votre ressenti

Babeth Louisa

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Nicole Loth
Nicole Loth
18 sept.

Une déliceuse cronique de Ginette avec la contribution en peinture de Babeth pour nous inviter à consulter des écrits sur les traditionnelles recettes cèpes cévenols. Il y à de quoi se lécher les babines. Merci les amies pour cette mises en appétit !

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Elisabeth
20 sept.
En réponse à

Bon appétit à vous !😀

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