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La page du mélomane VI- Le Bayreuther Festspielhaus

Dernière mise à jour : 8 oct.

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Le Festspielhaus de Bayreuth, c’est la Mecque de l'opéra wagnérien. C’est un lieu de pèlerinage pour les wagnériens du monde entier, comme Lourdes l'est pour les chrétiens de l’Occident. Et la comparaison n’est pas outrancière.

 Les critiques ne trouvent plus leurs mots pour dire ce qu’est le Festspielhaus. Les visiteurs sont ébahis.  Romain Rolland s’écrie :

 « On visite la colline sacrée comme on visite Lourdes. Le 3ème Acte de Parsifal, c’est le 5ème évangile. (1891) » 

 Un autre, Albert Lavignac dit dans son livre «  Voyage à Bayreuth » :

 «  On va à Bayreuth comme on peut,  à pied, à vélo mais le vrai pèlerin devrait y aller à genoux. (1897- Lavignac, musicographe) »  

 

Le Festspielhaus de Bayreuth est une salle d'opéra unique en son genre, imaginée et construite par Richard Wagner au nom de l'art lyrique absolu. Wagner l’a conçu comme un lieu dédié à ses œuvres, uniquement ses œuvres.

Pour ce faire, il voulait édifier une bâtisse aux normes qui conviennent au gigantisme de ses opéras. Il lui faut de la place, les autres théâtres ne lui suffisent pas. Il demande qu’on lui permette de construire dans les grandes villes allemandes comme Zurich, Weimar, auprès des autres théâtres. Il n’obtient rien, aucune sympathie, son projet ne soulève aucune résonance auprès des institutions bien cambrées, assises sur leurs positions traditionnelles.

Wagner décide de s’éloigner du théâtre de cour et du théâtre privé pour faire venir l’art lyrique au simple habitant. Il lui faudrait un lieu où l’on viendrait à l’art comme à une fête populaire. Il se tourne vers la province où il est sûr de ne pas souffrir de concurrence.  


 La construction révolutionnaire du Palais des festivals : Le festspielhaus


Quand il visite le petit village de Bayreuth dans la Bavière des forêts et des légendes germaniques, il  sait qu’il est enfin arrivé …. dans son royaume.   

Le palais des festivals est une salle d’opéra, un théâtre lyrique situé sur la colline verte de Bayreuth en Bavière dans l’Allemagne profonde.

Wagner en conçoit les plans et en a décidé des lignes novatrices en adaptant un précédent projet d’un architecte, qui n’a pas abouti et que Wagner reprend pour le compléter et le développer.

La municipalité lui offre le terrain. Il pose la première pierre en 1872.  Il manquera toujours d’argent, toujours endetté malgré les travaux de commandes qu’il accepte pour renflouer ses caisses, malgré les prestations musicales qu’il effectue. Il voit venir l’échec d’une grande œuvre quand le roi Louis II de Bavière lui fait des dons de plus en plus importants à mesure que la construction prend forme. Bénéficiant ainsi de la protection et du mécénat de son bienfaiteur, Wagner parvient à terminer la construction en 1876.

Lors de l’inauguration, il présente ses innovations. Ainsi en mettant en pratique un projet qui n’avait pas abouti, Wagner devient l’initiateur de celui qui le propulse et le réalise.  

La salle est conçue pour l’exécution de ses œuvres. C’est le lieu du wagnérisme, principalement centré sur les quatre volets de l’anneau du Nibelung (L’or du Rhin, la Walkyrie, Siegfried, le crépuscule des dieux)


- La salle est un amphithéâtre, inspiré de la construction grecque avec une forte pente qui permet à tous les spectateurs de voir la scène. L’arrière de la salle est occupé par trois niveaux de balcons.

 

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- Le clou de la construction est d’avoir aménagé une fosse d’orchestre protégée par une bulle.

 C’est l’espace où est positionné l’orchestre invisible pour les spectateurs qui restent ainsi concentrés sur l’action qui se joue sur scène sans être distraits par les coups d’archet du chef d’orchestre.


- L’acoustique est particulière.  Le son résonne de tous les côtés. Un cadre de scène sépare la scène des spectateurs. Les sièges ont été conçus pour uniformiser l’acoustique et pour qu’aucun élément métallique ne dérange son harmonie. Les sièges sont inconfortables, sans accoudoirs, du type strapontin. C’était le sacrifice à faire pour pouvoir tout centrer sur l’acoustique  car le théâtre est construit uniquement pour faire résonner les œuvres de Wagner qui avait besoin de faire évoluer son art dans un espace consacré qu’il a entièrement paramétré. Quand  la walkyrie fait son entrée, c’est vraiment une chevauchée qui martèle les murs de la salle !


-  Le jardin du palais est un endroit magique. 500 nains à l’effigie de Wagner sont disséminés sur la pelouse, peints de différentes couleurs,  moulés en plastique bleu, rose et violet, signés de l’artiste Ottmar Hoerl.  Les nains  font partie de l’univers de Wagner très attaché aux légendes nordiques, les nains rappellent le royaume de Nibelung, le pays des nains  de la tétralogie  du Ring.

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Le pouvoir symbolique de Bayreuth


Le théâtre devient vite un modèle pour les opéras du monde entier voire un lieu de pèlerinage pour les mélomanes. La volonté et un soutien financier fortuit ont permis d’édifier cette bâtisse,  sorte de temple au dieu Wagner qui a cherché à faire passer un lien entre le spectateur et le spectacle.

Il faut monter la colline sacrée à pied car le palais est construit sur un terrain en hauteur.

Un signal en musique, la reprise d’un leitmotiv de l’oeuvre, rappelle le début des spectacles. Des critiques avisés disent qu’ « on entre dans l’univers wagnérien comme on entre en religion. »

Dans ce palais ne sont représentées que ses œuvres fastueuses, les 10 opéras principaux : les 4 volets du Ring, Parsifal, Tannhäuser, Lohengrin, Tristan et Isolde, les maîtres chanteurs de Nuremberg  et  le vaisseau fantôme.

Cet univers s’est créé autour de la personne de Wagner, de son art scénique, visuel, éclatant, et aussi autour de l’homme ambivalent, porté par des opinions tranchées. C’est aussi le reflet de l’homme en privé, les haines familiales, les fulgurances sentimentales, les interrogations sur le devenir humain. Les questions de la rédemption par l’amour hantent son œuvre. 

Wagner y a investi son Credo.

Très attaché aux légendes germaniques, son œuvre est traversé par les héros germaniques : Tannhäuser, Lohengrin, l’anneau du Nibelung. 

Chaque été, un inoubliable festival, quoiqu’itératif, est donné autour de ses œuvres. Les réservations  sont souvent prises si longtemps à l’avance qu’il faut attendre pas moins de cinq années avant qu’une place ne se libère ! Le Kartenbüro (bureau des billets) attribue les places selon un système de liste d'attente, avec toutefois une priorité pour les membres de certains cercles wagnériens et les mécènes. Le temps d'attente peut donc varier selon l'ancienneté de la production et selon l'opéra concerné.

 Pour les 150 ans de Palais  en 2026, la programmation anniversaire sera réduite. Seuls 7 opéras seront représentés au lieu de 10. Les 4 volets du Ring, Parsifal, le vaisseau fantôme et Rienzi, un opéra de jeunesse de Wagner qui n'a jamais figuré dans le programme annuel.

 Avec un intrus car l’événement s’ouvrira sur la Symphonie N° 9 de Beethoven que Wagner avait dirigé en mai 1872 au théâtre voisin du sien, l'opéra des Margraves.


Le festspielhaus au XXIème siècle 


Après la mort de Wagner en 1883, Cosima son épouse s’occupe de gérer le sanctuaire en établissant le rythme annuel des représentations d’été. Elle rétablit les comptes du Palais et jusqu’en 1920, la liturgie de Wagner a été respectée.

 A la fin de la seconde guerre mondiale, les deux tiers du village sont détruits alors que  le théâtre reste intact.

 L’opéra ne rouvre qu’en 1951 sous le patronage des successeurs, Wolfgang et Wieland, les fils de Winifred, la belle-fille de Wagner. Les descendants changent le décor romantique en un décor moderne.

En 1973, les querelles familiales conduisent les dirigeants à confier le théâtre à une « Fondation Richard Wagner ».

Le petit-fils survivant Wolfgang assure la direction jusqu’en 2008 et  ses filles Katherina  et  Eva Wagner-Pâsquier, (fille d’un premier mariage)  prendront conjointement le relais. Les deux femmes sont demi-sœurs et font de leur mieux pour maintenir l’éclat du festival.   


 Aujourd’hui, Bayreuth est le plus ancien festival de musique classique au monde. Chaque année, des milliers de mélomanes cherchent à obtenir un billet d’entrée pour assister à l’œuvre d’art totale. Pour la petite histoire, le festivalier s’installe soit à l’hôtel soit chez l’habitant. Il est convié à faire un pèlerinage qui va de la visite de la maison de Wagner, la Wahnfried puis il se prépare à revêtir le dress code, la tenue de soirée de rigueur et se rend en début d’après-midi à l’opéra car les représentations commencent à ce moment de la journée.  Il doit gravir à pied la colline puis attendre que la fanfare des cuivres joue les thèmes principaux de l’œuvre  et que les ouvreuses indiquent les places de chacun.


© images iStock

Bayreuth tourisme

stagings.com - le festspielhaus

Ginette Flora

Juin 2025

3 commentaires


Jean-Yves Duchemin
17 sept.

Tout est en bois à l'intérieur, et la fosse est invisible, sous la scène, à tel point que les musiciens jouent en short et chemise, puisque le festival a lieu au coeur de l'été. Un beau cadeau de Louis II de Bavière à son ami.

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viviane parseghian
30 juin

très beau .... merci Ginette ...j'apprends ♥️

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En réponse à

Cela m'a autant surprise que toi, qu'un tel temple puisse exister !

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