La page de Randolph La lune et les cieux dans la musique classique
- Ginette Flora Amouma

- 30 sept. 2023
- 4 min de lecture

En guise d’épigraphe, par le grand pianiste russe Arcadi Volodos, une brève pièce de Federico Mompou (1893-1987) intitulée Hoy la tierra y los cielos me sonrien (Aujourd’hui, la terre et le ciel me sourient)
La lune est une grande inspiratrice, aussi bien pour les poètes que pour les musiciens, pour tous les artistes, pour les personnes sensibles et éveillées, celles qui, quand le sage montre la lune, ne regardent pas le doigt.
Nous allons voyager dans le temps et dans l’espace, voguer d’une œuvre à l’autre, sans limites.
Commençons par un psaume, le 104, qui loue les bienfaits du Créateur, chanté en hébreu ancien (est-ce de l’araméen?). Mise en musique moderne.
- Psaume 104 en hébreu ancien ברכי נפשי את ה' - תהלים קד
«...Il a fait la lune pour fixer les fêtes, et le soleil qui sait l’heure de son coucher...»
Poursuivons, par la magie de ce voyage, avec la très grande Montserrat Caballé et le fameux "Cantique" dont je n’ai pu trouver les paroles. La traduction par un hispanophone serait bienvenue.
Revenons à nos classiques, avec Josef Haydn et son opéra bouffe Le monde de la lune, composé pour le mariage du fils de son protecteur, le prince Esterházy.
Écoutons l’ouverture, dirigée par Nikolaus Harnoncourt
Plus sérieusement, toujours de Josef Haydn, l’admirable oratorio La Création contient de multiples merveilles dont le fameux Fiat lux, dans le deuxième récitatif pour chœur, suivi par l’aria chantée par Elsa Dreisig (direction Sir Simon Rattle).
Arrive la fameuse sonate N°14 op. 27 n°2 appelée Sonate Clair de lune, composée en 1801, alors qu’avec la survenue des acouphènes et des prémisses de la surdité, une intolérable souffrance allait toucher Beethoven, sans jamais troubler sa créativité. C’est inimaginable. Quel pianiste allons-nous entendre ? Je pense à deux pianistes parmi mes préférés pour Beethoven, du milieu du XXe siècle, Claudio Arrau et Wilhelm Kempff, mais aussi à des plus récents, trop nombreux à citer. Pourquoi pas un interprète différent pour chacun des trois mouvements ?
- W. Kempff, humble et impérial. Inspiré. Un grand moment.
- Glenn Gould succède parfaitement à Kempff. Gould Sans les gimmicks.
- Murray Perahia, alors jeune, nous fait partager l’émotion du final.
Évidemment, la lune inspire particulièrement les romantiques, à commencer par Franz Schubert, dont la vie douloureuse et la mort précoce me touchent douloureusement. Son lied, d’après un poème de Höldelin Der Wanderer an der Mond, est une pure merveille qui mérite deux versions, la première par le ténor anglais Ian Bostridge, la seconde par la mezzo soprano Anna Lucia Richter allemande, deux références.
Felix Mendelssohn nous offre la belle et célèbre musique de scène Songe d’une nuit d’été, inspirée par l’œuvre de Shakespeare. Il s’agit bien-sûr d’une nuit de pleine lune. Nous écouterons le charmant Scherzo, interprété par le philharmonique de Vienne, puis le Nocturne par le philharmonique de Moscou
C’est au tour de Robert Schumann de nous émouvoir avec le chant Mondnacht tiré du cycle Liedrekreis op 39, sur des poèmes de Joseph von Eichendorff. Cycle éminemment représentatif du romantisme allemand. Nous l’entendrons interprété par une voix féminine, ce qui est relativement rare.
Même registre romantique avec Johannes Brahms, même poème, Mondnacht, moins connu que le lied de Schumann, bien que très beau, ici chanté par l’irremplaçable Dietrich Fischer-Dieskau
Changement de ton; bien que de la même époque, extrait de l’opéra-comique de Jacques Offenbach, Fantasio, d’après une pièce d’Alfred de Musset, la Ballade à la lune, remarquablement interprété par Anne Sofie von Otter.
Camille Saint-Saëns nous convie au Lever de la lune, une mélodie d’après Ossian, un barde écossais du IIIe siècle, traduit en anglais au XVIIIe siècle. Nous l’écouterons chanté par le baryton-basse José van Dam, accompagné au piano par Jean-Philippe Collard.
Place à Anton Dvořák , avec son célèbre opéra Rusalka. Dans le premier acte s’élève la voix de Rusalka, une créature des eaux amoureuse d’un prince. Elle se confie à l’astre de la nuit. J’ai choisi sans hésiter l’interprétation de Renée Fleming pour ce fameux Chant à la lune.
Gabriel Fauré composa le cycle de mélodies La Bonne Chanson op. 61 sur le recueil homonyme de Verlaine, dont le troisième poème s’intitule La lune blanche luit dans les bois.
Un air magnifique pour lequel j’ai la faiblesse de vous proposer trois versions:
- la superbe interprétation de Barbara Hendricks, accompagnée au piano par Michel Dalberto, s’impose.
- celle de Jérôme Corréas, baryton-basse, accompagné par le Quatuor Parisii qu’il a créé et qu’il dirige. Ce musicien, au cœur d’une brillante carrière, est par ailleurs claveciniste.
- enfin, le baryton britannique Michael Lafferty, accompagné au piano par Bryan Evans.
Comme il faut bien s’arrêter à un moment, Claude Debussy nous fera l’honneur de clôturer ce petit voyage… qui pourrait se poursuivre jusqu’à nos jours, car il existe heureusement des compositeurs, encore faut-il se donner la peine d’en écouter certains, sans préjugés. Pour les curieux et les courageux, voici quelques noms, dans le désordre, du XXe et début du XXIe siècles : Alfred Schnittke, Arvo Pärt, Henryk Górecki, Peteris Vasks, Giya Kancheli, Philip Glass, Alberto Ginastera, Aaron Copland, György Ligeti, Vladimir Martynov.
Debussy nous offre donc Clair de lune, troisième moment de la Suite bergamasque L. 75, joué d’abord, dans une vidéo « cinématographique », par le désormais célébrissime Lang Lang, ensuite, filmé de façon plus traditionnelle et joué magistralement par Daniel Barenboim. Deux interprétations bien différentes.
Lang Lang et son jeu fastueux.
Ce lien où la suite bergamasque est joué par Daniel Barenboim de façon plus traditionnelle.
Randolph
Septembre 2023
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J'ai tant à apprendre dans ce domaine, Randolph. Alors j'y vais à petits pas pour ne pas perdre l'équilibre... mais je tiens bon !
Magnifiques, Randolph ... merci et quelle belle idée que la lune en symphonies , je ne connaissais pas tout mais j'ai adoré découvrir et ma préférence va vers Debussy...jai adoré Lang lang ... bref, tu m'apprends beaucoup et ce cadeau-là, je le savoure ! Merciiii et bises du lundi bleu ❤️
C'est un véritable tour du Monde en musique que tu nous offres-là, Cher Randolph ! Un voyage culturel entre musiques traditionnelles, symphoniques et modernes. Une pause gourmande où se mêlent force et douceur. Mais toujours dans l'infiniment beau ! Aussi, comment ne pas éprouver un sentiment extatique d'immersion totale sans se demander en un même temps s'il est assez d'une Vie pour goûter et apprécier à sa juste valeur tant de merveilles musicales. Est-il possible de se lasser un jour de s'émouvoir de tant de beauté ? Le néophyte que je suis, aura bien évidemment réécouté avec plaisir la Sonate au Clair de Lune de Ludwig van Beethoven dans cette interprétation de Wilhelm Kempff comme Clair de Lune de Claude…
Cher Randy, avec tes propositions musicales et celle de Ginette, nous aurons un mois d'octobre tout en merveilleuses sonorités, soyez encore remerciés tous les deux pour votre admirable travail de recherche et de synthèse... On a l'impression de devenir ( encore plus) mélomanes grâce à vous!