La page de Colette Alice Portrait de Julia Pirotte

Photographe et résistante :

Julia Pirotte (1908-2000)

Auto-portrait dans la glace -1943

Le Mémorial de la Shoah présente jusqu’au 19 novembre 2023 une exposition sur la photographe et résistante Julia Pirotte.

« Quand je ressens un battement de cœur, je sais que ce sera une bonne photo », disait Julia Pirotte dont la vie fut guidée par l’engagement.

Julia Pirotte, née Golda Perla Diament le 26 août 1907, grandit entre Koskowola et Lublin en Pologne, dans une famille juive pauvre dont le père est mineur. Arrêtée à 17 ans pour son engagement dans les jeunesses communistes polonaises, elle passe quatre ans en prison. En 1934, menacée une nouvelle fois d’arrestation, elle fuit la Pologne avec l’aide du Secours rouge international. Tombée malade, elle s’arrête en Belgique et, en 1935, épouse le syndicaliste Jean Pirotte. A Bruxelles elle suit les cours du soir à l’école de journalisme ainsi qu’une formation en photographie tout en faisant des ménages pour vivre.

Devenue citoyenne belge, elle travaille dans une usine métallique à Ixelles, où son charisme et sa détermination l’amènent à diriger des manifestations lors de grèves et meetings ouvriers, nombreux en 1936. En mai 1940, à la suite de l’invasion de la Belgique par l’Allemagne nazie, elle prend le chemin de l’exode et décide de s’installer à Marseille où l’on peut trouver du travail comme ouvriers.

A partir de 1942, Julia est engagée comme photojournaliste pour la presse locale : le Dimanche illustré, la Marseillaise, le Rouge Midi, entre autres. Ses reportages témoignent des conditions de vie précaires des habitants du Vieux-Port, de la situation des femmes et des enfants juifs internés au camp de Bompard qui seront déportés vers Drancy et Auschwitz et des opérations des maquis.

Comme sa sœur Mindla, elle rejoint très tôt la Résistance. Elle transporte notamment des tracts, des armes et fabrique des faux-papiers. Le 21 août 1944, elle participe à l’insurrection de Marseille et documente, par ses photographies, les différents moments de la journée.

Elle écrit :

« Les plus grands jours de ma vie furent ceux de l’insurrection à Marseille. Comme tant d’autres, j’avais des comptes à régler avec les nazis. Mes parents et toute ma famille étaient morts dans les camps en Pologne et dans les ghettos. Je me trouvais avec mon groupe de partisans à 15h, devant la préfecture. Les Allemands en fuite tiraient. Accroupie à l’abri d’une camionnette, j’ai réalisé ma première photo de liberté retrouvée. »

Insurrection de Marseille le 21 août 1944

Rentrée en Pologne en 1946, elle découvre un pays en ruine et n’y retrouve aucun membre de sa famille. Cette même année elle est l’un des rares photographes présents à Kielce juste après le pogrom du 4 juillet qui a coûté la vie à 42 personnes et fait 80 blessés. Son reportage est un témoignage puissant sur l’antisémitisme toujours virulent dans son pays.

Son reportage est publié dans le périodique militaire Zolnierz Polski (Le soldat polonais) mais les négatifs des trois films qu’elle réalisa sur cette tragédie seront ensuite confisqués par la police politique.

Pogrom de Kielce en 1946

Une petite fille dans une rue en ruine - Varsovie 1947

En 1948, elle couvre le Congrès mondial des intellectuels pour la paix de Wroclaw auquel participent, entre autres, Pablo Picasso, Irène Joliot-Curie, Aimé Césaire, dont elle prend des portraits empreints d’humanisme. Parallèlement, elle est cofondatrice et directrice de l’Agence de photographie militaire (WAF, 1946-1948).

En 1957, après un séjour en Israël pour expérimenter la vie collective des kibboutz, elle continue de réaliser des reportages pour la presse polonaise, mais son activité se réduit peu à peu…

Les années 1980 marquent le début d’une reconnaissance internationale. Ses photographies sont exposées dans de nombreuses villes : New York, Arles, Stockholm, Charleroi, Paris, Bratislava, entres autres.

Le 15 février 1996, la France lui décerne le titre de chevalier des Arts et des Lettres.

Julia Pirotte décède à Varsovie le 25 juillet 2000. Elle avait 92 ans.

Photographiées par Julia Pirotte, deux femmes au cœur de sa vie

Mindla Diament (1911-1944)

Portrait de Mindla par sa sœur Julia

Réfugiée en France avant-guerre, Mindla rejoint la résistance dont elle devient l’un des agents de liaison. Arrêtée à Chalon-sur-Saône le 3 décembre 1942, elle est déportée en Allemagne le 3 décembre 1942 et guillotinée le 24 août 1944.

Suzanne Spaak (1905-1944)

Portrait de Suzanne Spaak par Julia Pirotte. Bruxelles 1939

Née en 1905 dans une famille de la haute bourgeoisie catholique belge, Suzanne Spaak s’installe à Paris avec son mari, dramaturge à succès. Lorsque la guerre éclate, elle rejoint sans hésiter la Résistance et s’appuie sur sa fortune et son prestige social pour enrôler des complices dans la capitale occupée. Avec d’autres femmes venues de plusieurs groupes de résistants juifs et chrétiens, elle organise et coordonne des actions de sauvetages d’enfants juifs. Arrêtée par la Gestapo le 8 novembre 1943, elle est fusillée le 12 août à la prison de Fresnes.

Suzanne Spaak appréciait le talent de journaliste de Julia Pirotte. Elle a joué un rôle déterminant dans sa carrière en lui conseillant de suivre des cours de photographie et de journalisme.

Elle lui offrit un Leica Elmar 3, un cadeau qui ne quittera plus Julia Pirotte.

Septembre 2023

Colette Alice