La page de Colette Alice - Lessia Oukraïnka
- Ginette Flora Amouma

- 28 déc. 2024
- 3 min de lecture
Une poétesse ukrainienne sort de l'oubli
Laryssa Kossatch-Kvika
Nom de plume : Lessia Oukraïnka
(1871-1913)

Lessia Oukraïnka est née en 1871 en Novohrad-Volynsky, aujourd'hui Zviahel. Elle est la fille d'Olena Ptchilka, une écrivaine et éditrice, et de Petro Antonovytch Kossatch, un militant social.
Ses parents étaient liés à nombre de personnalités et son oncle maternel, Myklaïlo Drahomanov, un éminent scientifique et historien, est considéré comme son mentor spirituel.
Autodidacte car la tuberculose l'empêche de fréquenter l'école mais polyglotte, Lessia Oukraïnka parle anglais, français, allemand, italien, polonais, russe, bulgare et sa langue maternelle, l'ukrainien.
Elle est à la source même du sentiment poétique et national de tout un peuple qui s’est vu aujourd’hui projeté, bien malgré lui, au cœur de l’histoire européenne et mondiale. Sous le pseudonyme qu'elle s'est choisi, elle affirme que sa parole est inséparable du combat pour la liberté et l’indépendance de l’Ukraine, en dépit de la censure et de la surveillance policière exercée par le régime tsariste et de ses longues errances en pays étrangers, dues à la tuberculose osseuse qui la consume.
Et rien ne témoigne davantage du " pouvoir rédempteur de la poésie", auquel elle ne cesse de croire, que ces dix vers écrits à l'âge de neuf ans, en écho à la déportation de sa tante en Sibérie pour participation au mouvement de la libération de l'Ukraine. Ces vers que les milliers de gens qui arrachés à leurs foyers, à leur pays par une force cynique et brutale, répètent inlassablement :
" Je n'ai plus ni bonheur ni liberté
Une seule espérance m'est restée :
Revenir un jour dans ma belle Ukraine,
Revoir une fois ma terre lointaine,
Contempler encore le Dniepr si bleu
Y vivre ou mourir importe bien
Revoir une fois les tertres, les plaines,
Et brûler au feu des pensées anciennes...
Je n'ai plus ni bonheur, ni liberté,
Une seule espérance m'est resté."
Ce poème a été récité par Catherine Deneuve en ouverture du Festival de Cannes en mai 2022.
Son amour de la terre natale et son ouverture d'esprit aux cultures étrangères amènent Lessia Oukraïnka à concevoir une " Bibliothèque mondiale " destinée au lecteur ukrainien pour lui faire découvrir le patrimoine culturel de l'humanité.
Liée à Ivan Franko (1) par les idées révolutionnaires et une étroite amitié, elle lui dédie son poème Larmes ô perles en 1891 :
"Je voudrais être une chanson
En ce clair moment de fortune
Pour voler comme un papillon
Je volerais vers les étoiles,
Hantée de mélodies sonores,
Puis j’irais sur les flots sans voile
Moduler de nouveaux accords
Et l’on verrait comme s’exhalent
Mes rêves et mes joies secrètes,
Plus lumineux que les étoiles,
Plus puissants qu’une mer défaite
Comme le vent chassant la lune"
Elle publie ensuite le cycle des Chants des esclaves en 1897 :
"Lorsqu’il m’arrivait de chuter
Au temps lointain de mon enfance,
Bien qu’aiguillonnée de douleur
Je me levais sans doléance.
"Tu as mal ?" me demandait-on,
Mais moi je n’avouais jamais…
Étant une gosse très fière,
Pour ne pas pleurer je riais.
Maintenant qu’en farce cruelle
Va s’achever pour moi le drame,
Et que déjà pourraient jaillir
Les plus méchantes épigrammes,
Du rire, cette arme féroce,
Je redoute de me servir,
Et, bien enterrée ma fierté,
Je sanglote pour ne pas rire."
À partir de cette œuvre, son lyrisme social et politique ira jusqu'à l'audace et la protestation révolutionnaire, ce qui lui vaut d'être emprisonnée en 1907, puis laissée sous surveillance policière. Elle consacre alors trois cents roubles de sa dot à collecter des musiques et chants ukrainiens.
En 1908, elle rejoint le Club ukrainien qui regroupe des intellectuels de son pays.
En 1913, à 42 ans, Lessia Oukraïnka décède loin de sa patrie, au Caucase, mais sera enterrée dans son pays, à Kyïv. Un musée littéraire et mémorial qui présente ses manuscrits, livres et effets personnels est créé dans sa maison natale. En Ukraine, des avenues de Kyïv, d’Yalta, de Lviv et de beaucoup d’autres villes portent son nom et nombre de monuments lui sont dédiés.
Il existe aussi une statue de Lessia Oukraïnka dans le High Park de Toronto, au Canada.

Musée littéraire et historique dans la maison natale de Lessia Oukraïnka à Zviahel et son musée à Yalta

(1) Ivan Franko (1856-1916) : écrivain et poète ukrainien. Militant politique qui fut également critique littéraire, ethnographe, journaliste et économiste.
Décembre 2024





une magnifique découverte que tu signes une fois de plus si bien ..c'est beau, mon Alice ...merci en grand et bisous doux vers toi et belle fin d'année ... (je suis en retard de tout, je t'écris dès que je peux ...) ❤️
Une femme dont la plume sera devenue la hampe d'un drapeau qui se veut unificateur et ce bien au-delà de son pays ! Merci pour ce partage Chère Alice et un excellent week-end à toi ! ^^