L'odeur du vent

C'est un film qui nous vient d'Iran. Il est sorti en France le 24 mai 2023.

Son réalisateur, Hadi Mohaghegh qui joue également le rôle du personnage principal, nous raconte une histoire si simple qu'elle va se mouiller aux sources de notre humanité.

C'est un drame qui prend à la modernité ce que la ruralité fait défaut, un récit qui trouve dans la rudesse des lieux éloignés sa solution improvisée.

Un tableau de couleurs et de notes cristallines qui montre un peu de l'invisible émotion de l'humain qui s'appuie sur l'épaule d'un ciel lumineux pour s'accepter.

Le transformateur qui assure l'électricité dans un village isolé de l'Iran, est tombé en panne et les villageois sont privés de courant au grand désarroi des deux hommes qui vivent retirés à la lisière des prairies : un homme atteint de cécité et son fils malade qui reste alité sur un matelas anti-escarres fonctionnant à l'énergie électrique.

L'agent 752, employé du service public d'électricité est dépêché pour réparer le réseau et vérifier les pylônes. Sa voiture brinquebalante roule dans les prairies que les montagnes sombres entourent de leur silhouette immuable. Il a un talkie-walkie pour le relier à la ville mais il entend une voix qui vient de l'immensité qui l'entoure.

Et le soleil en haut est chaud jusque dans tes pas

Il y a le ruisseau qui marche auprès de toi

Quelque chose s'approche et vient de rafraîchir l'air

Le diagnostic de l'électricien tombe comme un caillou dans l'herbe mangée par les chèvres et les mulets. On n'en voit qu'un de temps à autre mais les autres ne sont pas loin, là-bas quelque part. On devine des présences dans des espaces de silence où seules les paroles essentielles sont prononcées. Le transformateur est tombé en panne à cause d'une pièce défectueuse.

Le service public décrète qu'il faut une quinzaine de jours pour trouver la pièce manquante. Le réparateur décide d'aller demander de l'aide au village voisin.

Commence pour lui une longue marche pour chercher une pièce qui ne se laisse pas trouver sans que d'autres pièces se présentent sans aucun lien avec la pièce manquante mais déclenchant d'autres liens qui, de rencontre en rencontre, font circuler une senteur que le vent diffuse.

Et le soleil existe si chaud si confiant si présent

Le ruisseau te regarde passer et te parle un moment

Son voyage attendra, il glisse sa main sur la tienne

Des obstacles, des transactions financières, des gestes spontanés, des êtres qui se reconnaissent et donnent à la chaîne épique de la vie un maillon supplémentaire.

De ce qui est une action banale, d'une réparation d'un pylône, on entre dans une lente méditation poétique où la couleur féerique des grands espaces n'est coupée que par le tracé sinueux d'une piste poussiéreuse.

Des fleurs, on en veut un bouquet. Des narcisses jaunes ondoient sous un soleil sans taches. Des camomilles et des pavots se mêlent au labyrinthe des feuilles d'un vert adouci. Des plantes curatives, on en frotte sur un rocher, le temps ne court pas, il prend ce qui vient et qui fait partie de la continuité juxtaposée d'un élément naturel et d'un élément fabriqué. Là où intervient le surnaturel, c'est quand le film flambe d'une aura poétique.

Et le soleil rencontre le vent

Les prairies lèvent leurs doux yeux rêveurs

L'odeur du vent, l'odeur du vivant

Et la route vers le village devient une procession où d'invisibles signes lumineux restent dressés comme pour nous dire qu'un dieu est caché dans chaque humain rencontré qui n'est pas un étranger car l'étranger n'existe pas.

C'est avec pudeur et poésie que le film nous le murmure.

Ginette Flora

Mai 2023