L'arbre de Judée

Un grand nombre de peintres l'ont fixé sur leurs toiles. Ils ne pouvaient pas ne pas s'arrêter un moment devant sa floraison de printemps quand des guirlandes roses se mettent à parader autour des oliviers et des sapins.

J'ai découvert Annie Rivière.

L'artiste peintre Annie Rivière est un peintre paysagiste provençal. Elle travaille avec des pinceaux chargés, la peinture de pigments liés avec de l'huile de lin selon une technique impressionniste.

Elle s'attache à poser un regard contemplatif sur les plaines, les collines et les Alpilles de l'arrière pays des terres du Sud.

Elle met en scène des moments bucoliques entre ciel et terre, des vivacités pastorales qui se jouent auprès des arbres et des fleurs.

On rentre ainsi en osmose avec les fleurs et les arbres. Leur présence se dore, se colore et paresse à nos côtés.

C'est une pièce de théâtre qui est rejouée à mesure que nous voyons les tableaux de l'artiste.

Dans les champs, elle lève la lavande et les fleurs jaunes, tournesols et coquelicots s'épanouissant en abondance auprès de mas et de mazets vibrant d'une quiétude sereine et c'est entouré d'arbres vigoureux, oliviers, arbres de Judée, amandiers, au pied des montagnes et des Alpilles, que nous aimons revoir la Provence.

C'est L'Acte 1

Dans les collines, l'artiste trouve les petits sentiers qu'elle emprunte pour arriver à des villages et des paysages où rochers, cabanons, chapelles et puits reflètent la beauté lénifiante de la Provence. Une douceur stimule nos sens et l'on cherche à savoir d'où vient la musique intime friselant au-dessus des toits. Et puis soudain, on se dit que des mots aussi peuvent décrire ce que l'on voit.

De cet alliage, de cette convergence des sens qui se répondent, l'artiste remplit ses pinceaux et les déploie, scène après scène. Annie Rivière semble reconstituer des pièces légendaires quand chaque trait de pinceau ramène au présent l'ancienne rasade mythologique qui donne un goût sucré aux rayons du soleil palpitant sur les frondaisons.

Son arbre de Judée posé auprès d'une floraison d'iris pétille de boucles rose mauve dans les prairies vertes où veillent depuis si longtemps les oliviers qu'eux-mêmes ne connaissent plus leur âge.

Au Deuxième Acte,

C'est le cabestan de St Paul qui rappelle à nos esprits étonnés qu'il fut un temps où les carrières de Lumière étaient en pleine activité. C'est un site archéologique qui regroupe d'anciens puits d'extraction de la pierre permettant de remonter les blocs à la surface à l'aide de treuils qui fonctionnent selon un principe mécanique particulier.

Les arbres de Judée ont la particularité de vivre plus d'un siècle. Ils ont le temps de laisser leur lumière se poser sur le vieux treuil. Quand l'ancien est pris sur le vif et que l'éternelle danse céleste lui donne son espace, la vie est pleine d'une texture chaude que nous révèlent les toiles impressionnistes d'Annie, riches en correspondances.

Des pensées s'échappent et se rejoignent dans une intense traversée d'ombres et de clarté, ouvrant ainsi des clairières d'herbe somnolente. Il semble qu'on entend même striduler les cigales !

Mais c'est que notre artiste est aussi membre d'une société d'auteurs et compositeurs de musique et qu'elle s'investit dans des concerts pour le renouveau et la permanence de la musique provençale.

Le peintre n'a pas dissocié sa peinture de la symbolique :

L'arbre de Judée est appelé ainsi car il pousse en terre du Moyen-Orient et porte en lui les racines de ses origines.

D'autres légendes parlent de Judas l'apôtre qui après avoir trahi Jésus se pend sur l'arbre de Judée, les fleurs rouges rappelant le sang versé par le Christ.

Une interprétation plus positive raconte que Dieu dans son immense clémence, a voulu que l'arbre donne des fleurs rouges symbolisant la joie et le renouveau.

Chaque élément du paysage porte une richesse tenace qui revient polliniser le paysage. L'arbre est au centre d'un environnement vaste et comme épris de liberté.

Acte 3

Les arbres, cyprès, pins, oliviers, arbres de Judée sont rassemblés au pied du Mont Gaussier .

Villages, sentiers où crisse le sable, cabanons, mas et montagnes Ste Victoire et du Ventoux, tout chante la Provence.

Les rochers des Baux de Provence, les chapelles, les petites maisons aux toits pentus que l'ombre qui s'allonge sur l'herbe ne parvient pas à défigurer, reposent tranquilles dans la paix des terres.

Fleurs jaunes abondantes, iris exubérants et arbres de Judée dont la particularité est d'être un arbre cauliflore c'est à dire que les fleurs n'attendent pas les bras des tiges, des rameaux ou d'autres branches : elle poussent directement sur le tronc.

Car c'est seulement sur le vieux bois, sur l'écorce et ses rugosités que ses fleurs s'épanouissent. C'est sur le tronc bas, l'écorce gerçurée, torsadée et noire que les fleurs roses et mauves de l'arbre de Judée se trouvent libres.

De ces contrastes, le peintre tire toute la subtilité des souffles de l'esprit provençal.

Peintures de l'artiste Annie Rivière ( Galerie Artmajeur)

Ginette Flora

Janvier 2024