John Fernandes , artiste peintre
- Ginette Flora Amouma

- 19 oct. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 janv.

Il est né en 1951 à Belgaum dans le Karnataka ( Etat du sud-ouest de l'Inde ). Il grandit au milieu des fermes de son village, des collines ocellées, des cascades bouillonnantes d'une pureté de nacre. Des paysages paisibles de sa région. Il s'inspire de la vie simple des villageois. De nature introvertie, sa retenue exacerbe sa sensibilité.
Très jeune, il a toujours rêvé de peindre. Encouragé par sa famille, il étudie l'art, la philosophie et la psychologie à l'université du Karnataka tout en suivant les conseils de l'artiste Sri Kulkarni qui devint son mentor .
Il travaille ensuite à Bombay durant neuf ans dans une agence de publicité comme illustrateur.
Mais la peinture l'obsède et le tient éveillé des heures durant devant ses toiles. Les tableaux s'amassent dans son domicile et sur les conseils de son entourage, il travaille comme artiste indépendant en acceptant d'exposer ses toiles dans les galeries d'art. Sa timidité, sa discrétion, son attachement à la direction qu'il a choisie de donner à son travail, le tient éloigné des peintures modernes qui ne l'intéressent pas.


Il reste fidèle à son art réaliste baigné par une lumière se concentrant sur la révélation intime des êtres et des choses à travers leur enveloppe physique.
Ses toiles montrent un travail sur les effets qu'apportent le jeu d'ombres et de lumière.
Les paysages parlent d'un avant et d'un après.
Des ruines ? Il les écaille et montre les pierres intérieures comme si avant un effondrement imminent, il voulait laisser parler les trémolos d'une âme.
Des arbres ? Il montre l'avant feuillu et l'après qui est resté dans le dénuement, révélant un gisement de feuilles croustillant encore de leur joie perdue.




Des personnages ? Et là s'inscrit toute la sensibilité du peintre. Il s'arrête longtemps sur la posture du corps, sur les attitudes porteuses de signification. La peinture des femmes est sa plus grande étude. Il s'attache à révéler l'inquiétude pudique de leur âme.
Il expose régulièrement dans les galeries d'art de Bombay.
Il meurt en 2007 suite à une maladie rénale chronique qui l'avait contraint à supporter des dialyses durant quelques années.
Pour peindre ses natures mortes, ses paysages et ses personnages, il utilise aquarelles, huiles pastels et acryliques. Il se sert aussi de crayons, de fusains et de craies pour laisser s'exprimer un visage.
C'est l'un des meilleurs peintres réalistes de l'Inde.

Des colonnes perdent leur marbre bleui par des rafles de lumière.
Elles laissent voir les pierres qui les retiennent,
Soutenues encore par les mains qui les ont élevées.
Seules les fleurs connaissent la première histoire quand elles vivaient au bas des promesses entretenues.

Le soleil lui-même pâlissait au fur et à mesure que le temps passait.
Lumière des âges, passion contenue des couleurs, je vois que rien ne change dans le cœur
quand il se met à parler des terres anciennes .
On appelle cela les ruines.
Il y avait eu un prélude,
Il devait s'achever sur une fugue, la dernière avant que les violons se taisent.
Les racines sont visibles, venues affleurer la terre sous le regard angoissé d'une indicible vérité qui rampe entre les ombres, se demandant ce qu'est devenu le vert feuillage d'une enfance éclatée.
Et puis, c'est la série des femmes que le peintre approche dans l'enfermement de leurs secrets. C'est dans l'ébauche de la vision d'une intime palpitation qu'il leur rend une totale existence.


Dans l’alcôve, elles ont un geste las, celui qu’elles se permettent dans la pénombre de leur silence. Le peintre capte le pied que la main adoucit par une caresse discrète. Rien n’est avoué, tout est voilé.
Le buste est penché, se plie ; d’ elles, on voit passer sur le visage les deux mouvements de leur pensée, la face assombrie qui se soumet à leur condition et la face lumineuse où un rêve intérieur révèle la recherche de l'âme qui les comprendrait.
Le peintre, désarmé, tente de les peindre de dos car elles deviennent des silhouettes qui s'enferment dans une douleur personnelle, pudique quand la souffrance acceptée, ne peut se permettre d'être dite. Alors reste la contemplation de la nuque fragile, du dos dévoilé montrant désespérément les soubresauts d'un cœur qui lui, est caché par les plis d'un vêtement enveloppant.
Couleurs pastel, le vert mystique, le rouge qu'un mauve atténue, la passion n'a pas de place dans leurs yeux que le peintre ne veut pas croiser. Tout est dans la posture dessinée, la vie secrète n'a pas de visage, c'est un soleil ocre délavé.




Et puis cette dernière toile que j'aime, cette toile qui sort de l'ombre est un hymne à la joie qui monte lentement, surmonte les peurs et laisse balbutier les premiers désirs de l'espoir.
Un profil où se lit l'esquisse d'un sourire de contentement comme si au contact d'une nature compatissante, la jeune femme avait pu trouver comment remplir son attente.
Car l'attente est tout le thème intimiste qu'explore le peintre lui-même si timide qu'il sait franchir les rives de la timidité de son autre "moi".

Tableaux de John Fernandes,
série paysages et série personnages .
Ginette Flora
Octobre 2022




un artiste trop peu connu et pourtant bien talentueux... une belle découverte qui devrait rentrer au Louvre ( je vais le leur suggérer y allant dans quelques jours...) bravo pour ce panorama complet et qui j'espère pourra être découvert par d'autres.
Quelle découverte ! Je suis sincère, ces peintures ont "quelque chose" qui fait que ce sont plus que des peintures. Les regarder, même sur écran, suscite une émotion indicible, un appel à la contemplation.
Un profond remerciement, Ginette. De plus, tu écris si bien. (Oui, je sais, cela fait beaucoup de compliments, mais je ne peux pas mentir par omission !)