le salon littéraire et musical avec Chopin... pièce N° 6
- Ginette Flora Amouma

- 24 juil. 2022
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 janv.
Écoutons d'abord la ballade n°1 en sol mineur op 23
La première des 4 ballades de Chopin.
Chopin a composé quatre ballades en s'inspirant de la forme lyrique poétique du Moyen Age, dépoussiérée et régénérée par les poètes romantiques. C'est une musique très pure qui s'approprie toutes les gammes du sentiment humain. De la joie à la tristesse, le discours musical de Chopin s'égare dans le rubato, ajoutant ainsi une note de mélancolie dans son jeu musical.
Les deux âmes de Chopin s'y donnent libre cours, l'une qui maîtrise les variations du coeur et l'autre qui est l'expression de la solitude.
La ballade N°1 en sol mineur op 23 se développe autour de deux thèmes d'où le passage lent de certains mouvements alternant avec des rythmes passionnés. Chopin montre la dualité de son être, porteur de deux âmes quand il est à la fois classique et romantique, français et polonais, révolutionnaire et conservateur, social et renfermé, mondain et secret. C'est sur cette ambivalence de pensée que j'ai voulu marquer ce nouvel article du salon littéraire.
C'est ce qui se passe aussi chez Monet. En observant le tableau des nymphéas, un parmi des centaines d'autres, on peut apercevoir une autre dimension artistique.

Il faut s'approcher de plus près, encore plus près, pour s'apercevoir que chaque touche de peinture, chaque pointe révèle un autre couloir de nuances.
C'est ainsi qu'on dit de lui qu'il fait de l'abstraction dans ce qui semble être du figuratif, une peinture de la nature.
Mais derrière cette nature de nymphéas, d'eau troublée par la lumière, il y a la peinture humaine. Chaque touche renforce et révèle une ombre, un reflet, une lumière. C'est comme s'il répugnait à dévoiler les secrets de l'âme tout en les cachant dans le tremblement verdâtre ou bleuté de l'eau.
Il y a deux oeuvres dans l'œuvre des nymphéas, des détails abstraits et spirituels.
Ainsi, deux âmes tremblent sous le pinceau de Monet .

La thématique est riche et se prête avec aisance à nos plumes et pinceaux. Nous saurons contempler autrement les tableaux de notre amie Louisa. Elle nous parle des arbres pleureurs qui, échappées de la brume, se mirent dans l'eau trouble.
Elle nous présente des fleurs plumes et le voyage vers le fond du rêve commence sur la presqu’île. Laissons nous submerger par la beauté floutée des paysages que des couleurs à demi révélées nous font défaillir.
Des fleurs plumes
Arbres pleureurs dans la brume (Louisa, 2022) (Louisa, 2022)



Presqu'île dans le lac ( Louisa, juillet 2022)

et nous verrons combien les deux visages de l’île de Fred révèlent la profonde dualité de notre âme. Entre le temps d'hier et le temps d'aujourd'hui, il y a un rubato qui nous enchaîne et Fred nous en parle :
" La Sardaigne de mon enfance commence systématiquement par… une distribution générale de Dramamine à l’arrière de la voiture pour affronter les routes montagneuses en épingles à cheveux qui vous mettent le cœur au bord des lèvres. Léger désagrément en vérité qui s’oublie vite à la vue des premières maisons réparties à flanc de rocher de Lanuseï, toujours un étage en construction. Ah, Lanuseï ! Au fil de ses rues parfois abruptes, ses maisons aux balcons fleuris et ses terrasses aux aimables jardinets, l’odeur du laurier, du romarin, du citron… La Grand-Place et la cathédrale Sainte Marie-Madeleine…
Je me rappelle le littoral sauvage lorsque nous descendions à Tortoli en direction de la mer, comptant les secondes avant de l’apercevoir après les dunes de sable. Combien de fois nous sommes-nous arrêter sur le retour pour ramasser à l’aide de roseaux judicieusement travaillés, quelques figues de barbarie au sommet des raquettes des figuiers. Puis, le Bosco Selene, où perdues parmi les chênes verts et les chênes lièges, dorment encore les géants au fond de leurs tombes. Comment oublier l’agneau cuit à la broche que les adultes agrémentaient de quelques pommes de terre cuisinées dans les cendres et ce, au son de l’accordéon, des guimbardes et des polyphonies sardes. Puis, toujours et encore le maquis dense et boisé, les odeurs de genêt, de lavande, de thym, qu’un soleil au zénith venait sublimer, les oliveraies, les vignes, les arbousiers, la bruyère…
Ah ! quel rêve pour les enfants que nous étions de nous allonger sur nos serviettes de plage et sur le plus fin des sables avec déjà en bouche, la promesse d’un délicieux dîner fait de charcuterie, d’aubergines, de Culurgiones, de cordedda voire d’un cochon de lait entier parfumé au myrte et au laurier servi avec un fond de verre d’un vin de la province d’Oristano…le Vernaccia ! Inutile de nous parler à cette époque du célèbre Casu Marzu (fromage aux asticots) ! Nous lui préférions le Pecorino… moins rebutant ! Au sortir de table, le pistoccu légèrement humidifié qu’on saupoudrait de sucre, piochant au passage dans les paniers faits de fibres et de feuilles végétales entrelacées, quelques gâteaux aux amandes, au miel et aux épices avec une goutte de liqueur de Limoncello pour les plus téméraires.
La Sardaigne avec l’âme de ma jeunesse, avec les souvenirs que l’on veut inaltérables puisqu’ils sont doux et courent encore au fil des rues étroites et pavées, telle la Via Roma dans l’insouciance des Gelatti…"
Fredéric A. alias Fredoladouleur ( Juillet 2022)

Puis Randolph nous entraîne dans son espace musical et nous fait écouter Oblivion.
Le tango est une danse de salon. Il est associé à une littérature avec de nombreuses chansons dont l'Oblivion joué et chanté par Astor Piazzola.
Oblivion de Astor Piazzola
Article de Randolph , juillet 2022
Le si beau et célèbre tango du maître Piazzola a été interprété, arrangé tant de fois, qu’il est difficile de choisir telle ou telle version.
J’en propose quelques-unes :
- version accordéon par le célèbre Richard Galliano :
- version hautbois :
- version jazz, bien que je sois peu friand des musiques « fusion » :
- version violon, par l’incontournable chef letton* :
* Gidon Kremer a enregistré un album entier, « Hommage à Astor Piazzola » (1997, sous réserve)

Nous avons le plaisir, dans ce nouvel espace du salon littéraire, de présenter deux invitées, également auteures de Short Edition, que nous remercions vivement d'être venues parler de leur passion pour l'écriture.
Si l'une est tout entière nimbée par les nuances floutées suggérées par l’évocation des thèmes intemporels que sont la nostalgie des jours anciens, la terre ancestrale et le goût des choses simples et belles, l'autre est davantage ancrée dans les soubresauts de la vie, des codes issus des nouvelles perspectives de pensée.
Deux sensibilités, deux tableaux, deux âmes qui se bousculent sur le front pensif d'une même personne et qui illustrent la dualité de chacun de nous deux , deux pôles qui nous attirent et nous bousculent : " J'ai deux âmes en moi, me dit Chopin "
ALBANE CHARIEAU, poétesse et nouvelliste
La première fois que j'ai découvert sa page et son écriture, j'ai eu le sentiment d'entrer dans un univers construit tout en charmilles et en tonnelles.
Alors je me suis lancée sous les pergolas recouverts de glycines, j'ai écarté le rideau des feuilles qui perlaient pour partir vers ce temps perdu qu'Albane libère à travers sa poésie, dans le silence où la solitude trouve son langage.
Il m'a semblé aller à la rencontre de jeunes filles en fleurs, j'ai succombé au charme de ce côté de chez elle qu'elle sait si bien retrouver et comme je recherchais moi aussi ce temps fragile, auréolé de fleurs dont les couleurs suivent les mouvements de la lumière, j'ai pu contempler les subtiles harmonies de son écriture.
En visitant ses pages sur Facebook, on peut mettre une image, une photo, un tableau sur ses mots qui fleurent bon le rose ancien.
" Je m'en suis allée, dit elle et c'était du côté de chez elle, à l'ombre du réséda odorant, à la recherche du temps perdu.
" Enveloppée dans ma solitude, il me semble entendre les cloches des vaches du vieux paysan, son patois ..... sa main plissée sur sa canne .... ses yeux rieurs et emplis de tant de saisons . Voilà mon amie, au pays j'étais revenue. "
Cet extrait d'une de ses nouvelles rend avec justesse l'univers d'Albane, " là où l'on cueille des camomilles, la bruyère , la terre des bleuets ... "
" Il est un pays , dit-elle où mon âme fatiguée viendra prendre son ultime repos auprès de ses pairs ".

HÉLÈNE CUINIER , poétesse et nouvelliste
et romancière depuis la publication du premier volet de sa trilogie " Au temps pour nous".
L'écriture a toujours été son élément, elle a travaillé dans les métiers de l’enseignement après des études de lettres. Elle a toujours écrit chaque fois qu'elle en ressentait le besoin.
L’écriture se présente pour elle comme une source d'exigence personnelle, une joie de capter la beauté alentour et d'en parler avec la fougue de sa spontanéité.
Et puis le jour vient où tout se cristallise et c'est le cas pour Hélène qui aimant écrire et ayant toujours écrit, trouve enfin l'ultime joie d’écrire et de publier ses travaux.

Au temps pour nous
Par Hélène Montbrecq
Thème : Roman psychologique Date de publication : 17/12/2021
Et pour achever cette sixième page du salon, j'ai laissé mon âme répondre à l'âme de Chopin.
Fugue et prélude
J’ai deux âmes en moi, me dit Chopin
Quand l’une se souvient, l’autre voudrait s’enfuir
Entre la juste mesure et la folle touche
La clé de sol libère sur mes mains fébriles
Des bémols que le clavier capture à son aise
Ma blessure, pour trois notes, je l’improvise
La brèche découvre le refuge idéal
C’est là que couvent les braises de l’âme ancienne
Laisse-moi brûler entre l’usure et la révolte
Je vis du vibrato que tu berçais jadis
Je réveille souvent des accords qui s’attardent
Mes concerts s’égarent vers la croix que je porte
J’ai un silence qui m’appelle
J’ai un rubato qui m’obsède
Dans mon salon feutré, mon piano s’impatiente
Et décompose le soupir sans l’interrompre
Le secret des anges il est dans mon prélude
J’ai deux âmes en moi qui se bousculent
C’est la ballade que je sais nomade
Entre tes doigts elle vivra sa double empreinte
Comme le tourment prononcé d’une étude
Tu sauras parler de mes visions nocturnes
Des amis perdus des serments impromptus
J’ai une sonate qui glisse à mon âme
Le solitaire des noces infinies.
Ginette Flora ( juillet 2022)
Le salon littéraire et musical
Juillet 2022




Tout est beau sur ton blog Ginette Flora, merci