Iris, un opéra de Pietro Mascagni
- Ginette Flora Amouma

- 3 août
- 5 min de lecture

©The New Yorker .com - Iris de Mascagni
Iris est un opéra en 3 actes, composé par Pietro Mascagni sur un livret de Luigi Illica. Il a été créé en 1898 au Théâtre Costenzi à Rome.
Le librettiste trouve son inspiration dans une légende appartenant au Livre de Jade. L’opéra s’inscrit dans une démarche vériste qui s’appuie sur des faits sociétaux réels et s’affranchit dès lors des récits mythologiques et des événements tirés de l’histoire du passé. Iris, c’est la Belle Epoque où l’Orient fascine l’Occident. Le Japon est présent à l’exposition universelle, avec dans son sillage les artistes des arts et des lettres de l’Orient.
C’est dans cet esprit que Puccini, emporté par l’engouement environnant a composé son Turandot et Madama Butterfly qui éclipsent totalement l’Iris de Pietro Mascagni qui présentait son opéra dont certains motifs seront repris par Puccini.
Pourquoi l’opéra Iris de Mascagni est-il tombé dans l’oubli ?
La Mme Butterfly de Puccini et l’Iris de Mascagni présentent des similitudes tant dans l’histoire que dans la musique. Avec des nuances cependant.
Mme Butterfly croit que l’américain ne la considère que comme une courtisane à qui elle s’est livrée sans arrière-pensée tandis qu’Iris résiste aux hommes qui l’enlèvent et la vendent.
Dans les deux cas, les deux femmes, bafouées dans leur honneur choisissent la mort pour mettre fin à leur destin et pour que la mort sot une transfiguration.
Dans les deux cas, ce sont de très jeunes femmes mais Mascagni en présentant une adolescente provoque un malaise dans le public. Les critiques le soulignent avec force en ajoutant que la violence et la brutalité sont insoutenables.
Le récit est mal reçu. On est au début du XXème siècle, soucieux de conserver la ligne de conduite classique sans y déroger par des détails peu crédibles.
Iris part ainsi aux oubliettes et même si la musique est sublime, l’opéra ne sera joué qu’en concert, ne pouvant être mis en scène du fait de la complexité de la représentation scénique d’une histoire sordide qui ne serait pas plébiscité par le public.
C’est la musique qui porte le destin tragique d’Iris.
Argument
Le chœur introduit le récit par un hymne au soleil :
Son io- son io, la vita
vidéo
ACTE 1
Le seigneur Osaka convoite l’amour d’une jeune adolescente Iris qui ne rêve que de pureté et d’absolu, son seul amour étant de veiller sur son père aveugle qu’elle accompagne dans la vie.
Osaka cherche par maints subterfuges d’éveiller l’attention et l’admiration d’Iris.
Lors d’un spectacle de marionnettes, il s’introduit dans la pièce déguisé en enfant du soleil, il chante une sérénade :
« Apri la tua finestra » mais Iris ne répond pas aux avances du jeune homme:
Ouvre ta fenêtre ! Je suis Jor
Qu'est-ce qui t'est arrivé, pauvre Dhia !
Ouvre ta fenêtre à mes rayons !
Ouvre ton cœur à ma magie brûlante !
Jor a entendu, ô Dhia, ta prière !
Ouvre ton âme, ma fille, au soleil !
Ouvre ton âme à mes paroles !
Ouvre-moi ton cœur, ma fille, et espère !
Souhaites-tu mourir ? Je t'aiderai à mourir.
Mais tu mourras du baiser du soleil,
Et puis je t'emmènerai au bord de l'éternité...
Où, oh ma fille, tu seras aimée.
Dépité, ne pouvant séduire Iris, il demande à Kyoto, le gérant d’une maison close de l’enlever.
Une lettre anonyme est glissée ensuite sous la demeure d’Iris qui informe son père qu’elle est allée rejoindre une maison close pour devenir une geisha.
Mort de honte, le père d’Iris répudie sa fille.
ACTE 2
Iris se recueille dans une maison close située au bord d’une falaise. Au regard de ses réticences, le gérant la traite comme une bête de foire en la livrant à la concupiscence des passants. Iris reconnait un jour son père aveugle, aidé de son serviteur, qui vient la maudire. Il croit toujours que sa fille s’adonne à la luxure.
Iris ne s’en remet pas.
ACTE 3
Abandonnée des siens, honnie, bannie, Iris se suicide en se jetant du haut de la falaise ( les versions diffèrent, tantôt il est dit qu’elle se jette dans un égout, tantôt du haut d’une falaise.) Toujours est-il qu’elle ne meurt pas sur le champ. Voyant sa dernière venue, elle chante son hymne à la mort, le son io- sonio, la vita, un air mystique où elle parle du soleil qui transfigure les choses et les êtres et leur donne la possibilité de s’élever vers la lumière. Iris meurt entourée de fleurs.
Que devient Iris ?
L’histoire n’a pas été bien accueillie par la critique. Le suicide est considéré comme un acte qui ne convient pas à l’opéra mais Puccini récupère l’idée et Mme Butterfly se suicide ainsi que la Tosca.
Pour Mascagni, Iris est le symbole de l’art qui se situe au-delà du Bien et du Mal. Iris est la 3ème composante de l’humanité, le 3ème art, l’immortalité.
Iris n’est programmée qu’en version concert. Enregistré plusieurs fois, il semble aux dires des critiques consultés que l’interprétation n’atteint pas le pic recherché. Les enregistrements de 1962 au concert d’Amsterdam ouvrent la voie à un opéra méconnu. Quelques représentations en 1996 et des concerts en 2016 rendent justice à la beauté émotionnelle de la musique. Le BardSummerScape Opera de New York en fait une représentation et en 2020, des concerts remettent l’opéra sur les rails.
La mélodie est harmonieuse, elle révèle des rythmes musicaux novateurs pour l’Italie de 1900. Une poésie lyrique non plus envoûtante mais mystique accompagne chaque mot.
L’hymne au soleil, la prière à la mort empreinte de mystère, du mal se transformant en paillettes d’or par une échappatoire vers les hauteurs, engendre une émotion incomparable pour une histoire venue d’ailleurs.
Mais pour tous les points équivoques du récit, pour la violence brutale exposée, pour le malaise sous-jacent qui demeure, l’opéra n’a pas été accepté dans un répertoire.
Rarement approché, l’opéra Iris souffre de diverses opinions mais écoutons toutefois ce que nous proposent les connaisseurs : la prestation de Giuseppe di Stefano dans le rôle du Sieur Osaka qu’Iris dans son extrême innocence et sa simplicité ignorera pour préférer la mort.
"Apri la tua finestra "
( Ouvre ta fenêtre, j’ai entendu ta prière. Ouvre ton âme au soleil. Je te conduirai vers la terre éternelle où tu seras aimée. )
video
Apparemment la sérénade de l’homme masqué à l’Acte 1 ne porte pas ses fruits. Iris préfère la paix.
Pour Mascagni, Iris est le symbole de la résistance aux choses dont on ignore la finalité.
L’opéra est singulier. Il vient de l’Orient mais le fuit, il s’immerge dans l’Occident mais s’en défie. Le suicide est l’envol vers une autre galaxie.
© Abe books.co.uk Iris de Mascagni

Ginette Flora
Août 2025




c'est beau, Ginette .. tu m'as emmenée Ailleurs et j'ai adoré