Hildegarde de Bingen, la guérisseuse

Mais Hildegarde de Bingen n'était pas seulement une guérisseuse, c'est un aspect d'elle dont on parle après avoir parlé des nombreux autres centres d'intérêt où elle œuvre avec une passion et une énergie jamais démentie.

Mais de qui parle-t-on alors ?

Née en 1098 au 12ème siècle, en Allemagne, il s'agit d'une toute jeune fille très tôt visitée par la grâce divine et qui suite à des visions mystiques consacre sa vie à chanter les beautés de la vie terrestre, à insuffler et stimuler une force intérieure qui peut guérir bien des maux.

Elle laisse cet élan exulter en elle, en composant des symphonies, en écrivant un drame.

Elle le démontre en étudiant les plantes, le règne végétal, minéral et animal.

Elle le proclame en écrivant textes et traités de philosophie.

Elle a besoin de tous les arts, de tous les visiter, elle dessine, peint, illustre ses propres ouvrages.

D'une telle richesse, on se dit que la femme moniale, dans ses transports lyriques et prolifiques, dans ses prédications et ses exhortations, ne semble pas se satisfaire des moyens que la science et la culture mettent à sa portée.

Elle transgresse les usages, défiant les autorités figées, s'attirant les foudres de certains religieux et tournant le dos aux détenteurs des dogmes figés, elle se libère de toute entrave pour faire éclater sa propre vibration.

Elle met du coeur à l'ouvrage et déconcerte les plus intolérants de ses détracteurs mais elle est abbesse, puissante, à la tête d'un monastère à l'âge de 38 ans et dix ans plus tard, en 1165, elle fonde l'abbaye d'Eibingen.

Elle correspond avec le pape, avec Aliénor d'Aquitaine, avec l'empereur Barberousse, avec les penseurs de son temps.

Ainsi, portée et dotée d'une ardeur irrépressible, faisant claquer plusieurs cordes à son arc, elle survit à l'oubli, elle reste Hildegarde de Bingen que Benoît XVI canonise en 2012 et la proclame Docteur de l'Eglise.

On l'a compris, dans la posture innovante qu'elle adopte, elle est le reflet d'une flamme qui la propulse au devant de la scène.

Le sait-elle, quand elle rassemble ses bénédictines pour faire une chorale de chanteuses habillées de longues robes blanches, se révélant dans un concert où des instruments s'installent et s'imposent ?

D'aucuns disent qu'elle aime la mise en scène, d'autres réprouvent car la musique n'était pas considérée comme un moyen d'expression dans les codes de la morale religieuse de l'époque où le silence de la prière avait seul droit de cité. Hildegarde montre ce qu'est la réjouissance, donne à la voix un moyen d'expression du coeur, revendicatrice d'une vitalité à la mesure de ses "chants d'extase ".

C'est une esthétique authentique qui traverse tous les arts, qui va prendre à la peinture, à la poésie ce qui manque à la musique, elle crée la liberté de montrer que toutes les formes d'art aspirent à la même unité.

1/ Hildegarde, la compositrice pionnière

Elle compose 70 chants liturgiques qui font encore l'objet d'enregistrements par des ensembles de musique médiévale comme l'ensemble Sequentia. Sa musique est un voyage vers ce qui n'est pas codifié, par l'exemple donné par la pratique de l'époque qui utilise des modes puissants même quand il s'agit d'un chant à une seule voix. Son chant laisse place à une interprétation de la musique à partir des éléments connus, des usages de l'époque et de la liberté avec laquelle Hildegarde conduit son chant. La musique se remplit de résonances et c'est un défi pour les interprètes que de trouver le mode sur lequel ils posent leur voix car il n' y a pas de tempo ni d'indication d'intention et leur travail est de se conformer le plus près possible de l'œuvre originale et d'en être le plus fidèle interprète. Les chefs de chœurs expliquent qu'il y a un mystère dans cette musique, elle n'est pas chantée dans les églises, elle n'est pas rassembleuse de foules, elle instaure un tête à tête avec soi-même.

Pour Hildegarde, la musique soigne l'âme humaine.

"O quam mirabilis " ( ci-dessous) est une improvisation sur le chant de la musicienne.

https://youtu.be/7vfeCW6Xbvg

O quam mirabilis

https://youtu.be/ymz8jUzOws4

O Clarissima

https://youtu.be/UeoJ-XdmfCs

O virga ac diadema

Tous ses chants forment la collection " La symphonie de l'harmonie des révélations célestes"

Elle écrit un drame, le " Ordo virtutum", ensemble de 82 mélodies qui mettent en scène les tiraillements de l'âme entre le démon et la vertu .

2/ Hildegarde, la naturopathe guérisseuse

C'est la première naturaliste de l'Allemagne. Elle écrit un dictionnaire regroupant plus de 300 plantes, d 'oiseaux et d'animaux.

Elle accorde une grande place aux bienfaits des minéraux et de leur pouvoir magique, elle rejoint en cela le symbolisme de l'époque pour lequel le divin et la magie fusionnent. Ce lien quasi ésotérique est librement magnifié dans les ouvrages de l'écrivaine.

Ses ouvrages :

- le physica

- le causae et curae ( causes et remèdes )

3/ Hildegarde, l'auteure de traités

Elle écrit plusieurs ouvrages où elle fait part de ses visions telles qu'elles apparaissent :

- Le Scivias ( connais les voies du Seigneur)

- Le liber divinorum operum

Ses écrits sont réunis dans un livre : "le Riesencodex"

Dans les arts et la culture, on parle toujours d'elle :

Umberto Eco la mentionne dans " Le nom de la Rose ".

Plusieurs autres auteurs lui laissent une place dans leurs oeuvres. Oliver Sacks, Katherine Pancol, ..

En musique, chanteurs et groupes musicaux s'inspirent d'elle et lui consacrent des morceaux.

L'Astéroide (898) Hildegard, découvert en 1918 est nommé en son honneur.

Sa curiosité intellectuelle, son aisance à passer de l'une à l'autre des disciplines artistiques font d'elle une figure atypique, étonnante, qui force l'admiration.

Novembre 2023

Ginette Flora