Henri Pourrat, une âme rustique
- Ginette Flora Amouma

- 24 mars 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 mars 2024
C'est un écrivain français, né en 1887 à Ambert, commune sise dans le Puy de Dôme. Il meurt à l'âge de 72 ans, il est inhumé dans ses terres ancestrales.
C'est un auteur prolifique, poète, conteur, chroniqueur, correspondancier, ami fidèle, dramaturge, nouvelliste, grand romancier, professeur de littérature, défenseur de la langue, il se dit bilingue français-occitan, berger du Mont-Dore, de la Bourboule, des stations climatiques dans les monts, il les aperçoit lors de ses balades devenues écologiques pour son bien-être, lui qui, sa vie durant, est en rémission, frappé très tôt par des crises de la tuberculose.
C'est parce qu'il dit qu'il veut préserver "une âme rustique" que j'ai voulu le suivre et comprendre l'attention qu'il porte "Au vent de Mars" . On ne peut lire tout ce qu'il a écrit. Je cherche le seul mot qui peut faire jaillir la pierre précieuse de l'homme.
Il grandit à Ambert puis à la fin de ses humanités au collège, il part étudier à Paris sur les bancs du lycée Henri IV. Ensuite il se destine à une carrière qui le rapproche des sciences agraires. Il intègre l'Institut National Agronomique de Paris.
De santé fragile, atteint de tuberculose, il rentre respirer l'air plus sain de sa région et vivre dans une ambiance plus calme. Il s'en trouve mieux et n'aura de cesse de suivre le mouvement cyclique des saisons, le sel de leurs bienfaits et le pas de leur rythme reposant.
C'est une vie auréolée de ciel et entourée de monts et vaux. C'est couronné des lauriers de nuages qu'il arpente les bois, les champs, les terres et les berges de la Dore, la rivière qui coule entre les monts Livradois du Puy de Dôme en Auvergne. C'est une vie choisie entre balades bucoliques, lectures et écritures.
Il le dit lui-même :
- Le matin, je le consacre à l'écriture et aux travaux de correspondance.
- L'après-midi, ce sont de grandes promenades dans les terres, les collines, les monts. C'est l'occasion de rencontrer ceux avec qui je dialogue longuement pour me constituer un missel de contes et de légendes.
- Le soir, c'est le moment de la lecture .
Il puise dans ses lectures une sagesse lumineuse. Ainsi grandit en lui une pensée formée par une glaise spirituelle vouée à la liberté qu'il éprouve d'aimer une terre résistante, endurante, increvable, tenace et solide. Il s'attache en cela à retrouver la littérature orale qui en est le lien invisible mais toujours présent qui relie les hommes à la terre. Il écrit les légendes de sa région, il s'approche de ceux qui conservent un legs inestimable, les cahiers du peuple et du petit peuple car Henri Pourrat ne dédaigne pas l'imaginaire collectif et féerique de ceux qui arpentent les bois.
Sous plusieurs pseudonymes, il décide d'écrire des poésies, des romans, des récits, des nouvelles et des contes. Combien d'articles et combien de chroniques naissent sous sa plume généreuse ! Les journaux régionaux ont publié moult de ses travaux d'écriture.
De ses premières oeuvres, on retiendra ses poèmes, ses chroniques littéraires, ses études basées sur l'histoire de sa région, ses pièces de théâtre et surtout des récits publiés en feuilletons comme pour aller sur les brisées d'Eugène Sue qui avait publié "Les Mystères de Paris" en épisodes dans les journaux. Henri Pourrat, lui, raconte les mystères de l'Auvergne.
A partir de 1912, il n'écrit plus que sous son seul nom. Il s'est trouvé une identité, son nom, le seul par lequel il restitue sa vision de la vie.
En 1921, il publie son œuvre maîtresse :
"Gaspard des montagnes" en quatre volumes. Œuvre monumentale qui raconte l'enfance de Gaspard "Le château des sept portes" jusqu'au dernier tome "La tour du levant" qui reçoit le grand prix du roman de l'Académie française en 1931.
En 1941, il publie " Vent de Mars" qui reçoit le Prix Goncourt .
La clé de voûte de sa pensée, il la pose dans la terre, il l'exalte :
On est paysan de race, de nature, on ne devient pas paysan,"
dit-il dans "L'homme à la bêche" .
En 1914, il donne des cours de littérature française au collège à Ambert, là où il a fait ses humanités.
Il se lie d'amitié avec nombre de gens de lettres et des arts, entretient une correspondance enrichissante avec Giono, Francis Jammes, Ramuz car dans les terres fleurissent aussi des plantes rares, des fleurs gracieuses et les roches si rudes soient-elles, n'en sont pas moins solides.
Il publie des ouvrages régionaux sur l'Auvergne. Il écrit sur la nature, sur la place de l'homme dans les arts et l'artisanat.
Il donne à la langue occitane ses lettres de noblesse en la revalorisant. Le parler auvergnat retrouve une place prépondérante dans la littérature régionale.
Il parvient ainsi à rassembler plus de mille contes où l'inconscient collectif rejoint l'unité universelle.
Outre l'époque de Gaspard des montagnes, le chantre du monde rural publie un livre de contes et une fresque illustrant l'histoire paysanne.
En deux volumes, "L'homme de bêche" et "Vent de Mars", il livre ses pensées sur la terre paysanne.
"Vent de Mars ", publié en 1941 est un livre sans intrigue. C'est un journal de la France paysanne durant les années 1938 à 1940. Il reprend une image :
" Le vent de Mars fait de lumière qui vient à grande haleine par sa bouche tiède" et durant deux cents pages, il creuse des sillons, bêche la terre, la retourne pour y semer le grain de l'espérance.
C'est un hommage à une société paysanne en déclin. Il lui tient à coeur de faire entendre cette voix, celle des habitants de l'Auvergne à travers d'innombrables récits, entre autres, en reprenant les contes traditionnels de la bête du Gévaudan.
Sa famille lègue un corpus important d'archives à la bibliothèque de Clermont-Ferrand en 1974, disponible également sur le Net depuis 2013.
Son œuvre a inspiré peintres, sculpteurs et cinéastes,
En 1965, " Gaspard des montagnes " un film de Claude Santelli
et en 1993, " Le chasseur de la nuit ", un film de Jacques Santamaria.
La société des amis d'Henri Pourrat organise études et conférences régulièrement pour reparler de " cette alliance de la loi terrienne avec une idée mystique de l'amour " .
Il fait du vent. Et dans ce vent, je veux partir, aller encore là-bas, où je retrouverai le grand matin d'herbe et d'oiseaux.
Trop d’hommes parmi ceux qui ont la tête la mieux meublée négligent ainsi trop d’amitiés avec les saisons, les arbres, les bêtes des champs, toute l’œuvre enfin des sept jours. C’est un monde qui s’éloigne, celui de la vieille civilisation terrienne.
(La Cité per- due, ).
Ginette Flora
Mars 2024












Cet écho d'un monde en pleine mutation est une découverte pour moi...
magnifique portrait de cet auteur un peu oublié ... merci, Ginette, c'est entrer dans un monde d'ailleurs et l'appendre sur tes mots ...❤️
Merci Ginette pour cette belle découverte, au moment où les paysans ont de plus en plus de mal. Cela est bon de découvrir celui qui parle de la terre nourricière avec amour...
Encore un homme perdu dans nos mémoire ! Grand merci chère Ginette de le rapprocher de nous !