Glenn Gould, le musicien qui parle au piano
- Ginette Flora Amouma

- 14 nov. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 janv.

C'est un musicien canadien, né à Toronto en 1932 et décédé en 1982 des suites d'un accident vasculaire cérébral. Il a 50 ans.
Né Gold, il devient Gould pour fuir les pogroms alors qu'il n'a aucune origine juive.
Il montre très tôt des prédispositions au piano. A trois ans, il a l'oreille absolue, un don pour mémoriser les partitions, les assembler, les reproduire. Fils d'un père violoniste et d'une mère pianiste qui lui donne ses premiers cours, il présente son premier concert d'organiste d'église à l'âge de 11 ans.
Sa présence atypique sur scène, son interprétation des oeuvres de J.S.Bach font de lui un musicien hors normes et le plus énigmatique du XXème siècle.
L'histoire du piano va à la rencontre d'un être absolument singulier.
Il a 24 ans, il se fait connaître en enregistrant la première version des "Variations Goldberg" de J.S. Bach en 1956. L'œuvre n'existe pas, est à peine enregistrée par quelques pianistes, elle est considérée comme une œuvre austère.
Or Glenn Gould arrive et approche cette œuvre austère avec une dextérité de la main, une rapidité dans le jeu, un sens tout nouveau d'un "moi" personnel qui apparaît dans la partition. Il la joue à sa manière, l'interprète avec une gestuelle qui absorbe son environnement, une abondance d'implications personnelles qui font exploser l'œuvre. On parle de la Révolution "Gouldberg" avec un répertoire baroque :
- Les Variations Goldberg
- Le clavier bien tempéré
- Partitions pour clavier
Il étreint l'instrument, lui donne sa démesure, le rend spectateur de son jeu. Il n'y a pas que la danse des doigts sur le piano, il y a le musicien, l'artiste transfiguré qui fait corps avec l'œuvre et c'est le cas de le dire.
Gould impressionne, dérange, étonne, "décoiffe " son auditoire par ses prestations scéniques
- Il chantonne, il murmure, il palabre, son "papappapam" devient notoire.
- Ses bras remuent le vide et du coup le remplit car on ne voit plus que ses mains qui gesticulent.
- Il ne se sépare pas de ses objets fétiches notamment la chaise sciée et pliable qui le suit partout. L'artiste penché sur le clavier susurre aux touches blanches et aux touches noires l'absolue connivence qu'il a instaurée avec son instrument.
- On parle d'excentricités mais l'artiste a besoin de ces passerelles pour arriver à parler aux humains. Son face à face avec les autres, Gould le résout par une visitation de son corps.
Gould ne parvenait pas à se socialiser, à parler aux autres alors même qu'il pouvait parler longtemps de son œuvre. Il a maintes phobies, il a des manies, des routines qui compartimentent son temps et une soif d'isolement qui peut le conduire à s'enfermer dans des espaces confinés pour faire de la musique. Il a des comportements qui peuvent surprendre et déconcerter quand il ne sait pas saluer, ne peut pas se plier aux sollicitations de la foule mais qui relèvent d'une certaine forme d'autisme léger, connu sous le nom de syndrome d'Asperger.
- Ses habitudes, une fois prises, il ne peut se résoudre à les abandonner : il met les mêmes vêtements, ceux qui lui sont familiers, il prend les mêmes repas, il s'habille avec plusieurs couches de vêtements car il craint le climat.
- Il se garde de tout sentiment, les affaires sentimentales l’indisposent, la musique romantique de Chopin, il ne la comprend pas et par une sentence irrévocable la juge " trop sensible ".
C'est de cet être si complexe dont on a pensé qu'il souffrait d'une maladie d'origine neurobiologique que s'installe progressivement le mythe Glenn Gould.
" Il s'impose comme un artiste moderne, qui donne de la modernité à une œuvre ancienne. "
(propos de Lionel Esparza, son producteur, extraits de Glenn Gould, Editions des Equateurs )



Sa carrière
La première partie de sa carrière est courte car pendant quatre ans, il joue, donne des concerts, fait des tournées mondiales pour revenir toujours plus épuisé d'avoir eu à affronter des foules, des vivats, des pressions médiatiques.
Il met fin à sa carrière de concertiste adulé en l'an 1964.
Et il passe au studio d'enregistrement.
Sa deuxième carrière se passe dans les studios où il se taille une place à sa mesure. Il enregistre en studio, il met en valeur le phénomène de l'enregistrement en salle de studio. Il dit :
" Je suis un homme du disque "
Gould, dès lors, valorise le disque pour faire des créations personnelles, un art qu'il parvient à imposer.
Puis s'enchaînent des documentaires, des articles, des films, des productions .. .
En juin 1982, il entame une nouvelle carrière de direction d'orchestre en enregistrant le Siegfried idyll de Richard Wagner.
Puis, victime d'un AVC, il meurt et est inhumé dans le cimetière de Toronto auprès de ses parents.
Il a beaucoup enregistré. Il laisse un héritage prolifique mais de lui, on ne peut effacer l'image de l'homme dégingandé, plié jusqu'à se coucher sur le clavier, courbant son échine, se rabaissant à être assis sur une chaise travaillée pour soutenir sa taille et ses gestes.
Peint par Brad Heckman ci-dessous



Novembre 2023
Ginette Flora




Un artiste étonnant qui fait corps avec la musique et son piano. Très beaux tableaux.
Un musicien habité par les oeuvres de Bach. Le voir jouer est pour moi presque douloureux le piano l'habite, lui se fait tout petit comme s'il voulait disparaitre J'ai surtout écouté des disques mais je ne l'avais pas vu jouer ! Merci Ginette
J.S. Bach a eu en Glen Gould son véritable admirateur et interprète. Quand on voit tes vidéos, on croirait qu'il sculpte son instrument, penché dessus, comme un ébéniste sur un bois précieux. Il semble fabriquer les notes elles mêmes, en les dirigeant parfois de sa main gauche, tel un chef d'orchestre. Il chantonne en les accueillant, et devient alors le chantre du compositeur.
Un être solitaire et créatif qu'il est bon de rencontrer.
Merci beaucoup Ginette pour cette présentation. 😊
un musicien étonnant, je ne connaissais pas tout de lui et c'est une jolie vibration musicale que tu nous laisses...Mercii encore !❤️