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Ferdinand Cheval , le facteur

Dernière mise à jour : 22 janv.


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Les ruines d'Angkor ? Les sculptures des temples hindous de Khajuraho ? Les grottes et les cascades des terres bibliques ? Des châteaux de la Loire ? Des cathédrales ? Les tombeaux d'Egypte ? Des mosquées s'y côtoient avec des inscriptions en arabe et des chalets suisse.

Mais que dit cet ensemble monumental et qui est l'homme qui l'a sorti de terre ?


Ferdinand Cheval


Il est né en 1836 dans un village à Charmes proche d'Hauterives dans la Drôme.

Issu d'une famille de petite extrace, il aide très tôt son père dans son travail, renonçant ainsi à suivre une scolarité normale. Il perd ses parents, est confié à ses oncle et tante.

Pour avoir des revenus réguliers, il passe le concours administratif du poste de facteur qui lui assure une vie stable. Il se marie et fonde une famille mais sa vie est jalonnée de drames.

Son fils aîné meurt puis sa femme. Il confie son deuxième fils à la marraine de l'enfant, il se met à voyager et à suivre les courants de pensée de son époque. Sa vie est tapissée de deuils, la faille restera en lui, se creusera et pour en éloigner le spectre, a-t-il voulu s'imposer une œuvre de démiurge et se convaincre qu'on pouvait refaire un destin ?

Il se remarie, perd sa fille et reprend son travail de facteur.

En Avril 1879, âgé de 43 ans, en distribuant ses lettres, il bute sur une pierre et c'est comme s'il a heurté une météorite car la pierre de forme étrange réveille en lui de vieux rêves enfouis. Il ramène le caillou magique alors que se met à germer en lui un jardin secret.

La pierre magique

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De ce jour et pendant 33 ans, il n'a de cesse de ramasser des pierres, de les poser, de les monter, de les voir se former en blocs de pensée qu'il assemble avec de la chaux, du mortier et du ciment, de cette technique dont il est le précurseur et qui s'appelle le béton armé.



Le Palais Idéal


Son âme d'enfant le sollicite, il suit la trajectoire de son imaginaire. La nature l'inspire lui qui a déjà un jardin potager.

Il entrevoit une œuvre gigantesque où toutes les voies de la vie, de la poésie et les instants de grâce collectionnés par l'histoire s'y retrouveraient. Il ramasse des pierres, sa brouette ne le quitte pas :

" Je suis la fidèle compagne/ Du travailleur intelligent/

Qui chaque jour dans la campagne/ Cherchait un petit contingent."

Pierres, bois, coquilles, tout est le bienvenu chez lui.

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C'est "le travail d'un seul homme", dit-il. C'est le loisir créatif d'un homme dont l'imaginaire fondé sur un tel amour est si grand que la place lui manque pour expliquer ce qu'il entreprend de faire. Il dit qu'il a suivi sa main sollicitrice, qu'il se sentait appelé pour manier, tourner, façonner comme si tout en lui l'interpellait, le secouait, lui faisait prendre la matière à bras le corps pour en faire jaillir le fruit de sa spiritualité.

Ferdinand n'avait rien d'un artiste. Il avait la passion, le feu, le tourment d'une âme habitée.

Qui était-il ? Il fallait qu'il le montre, en lui s'agitait une humanité. Il a voulu bâtir l'humanité de ses mains.

Il imagine, bâtit, sculpte, maçonne, crée l'impensable : un palais inhabitable, peuplé d'animaux, de plantes et d'un petit peuple sorti des légendes, des êtres fabuleux importés des différentes mythologies.

Plus étonnant encore : son palais ne se cantonne pas à la culture méditerranéenne. Il invite toutes les cultures du monde à orner les murs et les cavités de son palais, à vivre dans son jardin le plus grand voyage du monde, celui de la reconstitution d'un monde féerique.

- De la culture judéo-chrétienne, il creuse des grottes, il fait même des cascades et fait jaillir l'eau, "la source de vie" d'une fontaine .

- De la culture médiévale, il restitue les particularités de l'architecture des châteaux.

- Il dessine les arches, les colonnes, les voûtes de l'architecture dorique des Grecs.

- Il invite également la culture orientale, il s'inspire des sculptures des temples hindous de Khajurao. Il moule les divinités dans les cavités des murs. Les façades portent les griffes des ruines d' Angkor.

- De la culture égyptienne, il retrouve l'allée des tombeaux.

- De la culture islamiste, il dessine les jardins de Babylone.


Le Palais Idéal est terminé en 1912. Il mesure 12 m de largeur, 23 m de long et entre 6 m et 10 m de hauteur. Il est assemblé par des armatures métalliques couvertes de pierres soudées au béton armé.

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Son art ?


C'et un art hors normes.

Il ne fait partie d'aucun courant artistique quoiqu'il ait pris connaissance des courants artistiques de son époque. Il improvise avec de la chaux, un style particulier qui ne s'inspire que de ce que son regard a vu et transformé de ses doigts à la manière d'un travailleur de l'argile. Lui, il est le maître des cailloux, des roches.

L'œuvre étonne et fait aussi grincer des dents. Certains détracteurs demandent la destruction du palais et déposent des plaintes à son endroit mais le Palais Idéal est sauvé lorsqu'en 1969, André Malraux, alors Ministre de la Culture, l'élève au rang de monument historique et le classe au titre de l'Art Naïf.

Si son inspiration est multiple, c'est qu'il vit dans une époque où les échanges commerciaux, culturels et scientifiques se sont développés à vive allure. On explore les contrées lointaines, on découvre la machinerie ... C'est l'ère des inventions à grande vitesse, il s'est donc inspiré des grands évènements de son époque.

Il reçoit des cartes postales, il lit les premiers magazines illustrés. Des informations sur l'état du monde, il en reçoit beaucoup et cette frénésie, cette appétence se fusionne avec son exubérance à vouloir tout recevoir et tout transformer à son idée.

Il part du modelage des origines du monde pour explorer le monde tel qu'il est devenu.

A-t-il voulu bâtir une œuvre qui reflète une condition humaine ? Ferdinand écrit car il est aussi un chantre de la poésie. Il inscrit sur son œuvre, sur les frontons, au dessus des murs, sous les plafonds, le long des colonnes, de courts poèmes ou des bribes de pensée.


" Amis de la nature

Mais de naissance obscure

Ce qui rend souvent la vie dure

Je l'ai subi sans murmure "


Une soixantaine de citations sont gravées dans la pierre. "En créant ce rocher, j'ai voulu prouver ce que peut la volonté. "

Ferdinand voulait être enterré dans son palais et comme son désir lui a été refusé, il met huit années pour bâtir son propre tombeau dans le cimetière de sa commune.

Le décès de sa fille Alice l'affecte. il construit une villa portant son nom : La villa Alicius. Infatigable, il malaxe et pétrit le sable et l'argile jusqu'à un âge avancé.

Tout est parti d'une pierre molasse travaillée par les eaux et représentant une sculpture. Ferdinand s'approprie l'idée qui l'atteint. Le sentiment d'être désigné pour accomplir quelque chose d'unique le maintient éveillé. Cette structure psychologique particulière fait apparaître le profil d'une personne ayant une forme d'autisme d'Asperger, dit-on de lui quand on veut essayer de comprendre son œuvre.


Ceux qui l'ont compris


Les surréalistes se sont inspirés de lui. Gaudi, Dali, Breton, Picasso, tous s'accordent à dire que le Palais Idéal crée une autre forme de l'art.

Des longs métrages relatent sa vie. Ainsi le film "L'incroyable histoire du facteur Cheval"

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La littérature, la peinture, la chanson et la sculpture lui rendent hommage :


Ton idéal, ton palais

C'est de l'art, c'est du rêve et c'est de l'énergie.

L'extase d'un beau songe et le prix de l'effort,

Dans la réalité tu gravas la magie,

Et tu montras comment seul on peut être fort.

Les siècles béniront ce temple de ta vie

Et ton geste vainqueur saura braver la mort,

Tu laisses bienheureux ta noble âme assouvie

Loin de la basse faim de la gloire et de l'or.

Lorsque nous reviendrons dans ce palais étrange

Bercés par le passé, nous lirons ta louange

Sur chacun des cailloux que cisela ta main

Et devant ton labeur à l'idéal superbe

Tous en te bénissant t'offriront une gerbe

Où vivra la beauté de ton riant chemin." (Emile Roux-Parassac, Le Barde Alpin)


Breton écrit un poème: "Facteur Cheval - Clair de terre d'André Breton

Michel Fugain écrit la chanson : "La casquette du facteur Cheval"


En peinture, Max Ernest peint "Le facteur Cheval " ainsi que Picasso et "son cheval- oiseau", messager des rêves par delà la mort

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et en sculpture, le chanteur Hugues Aufray sculpte en 2012 le buste en bronze de Ferdinand Cheval.


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Un destin mythique, un travail titanesque, tout chez cet homme unique suscite un émerveillement continu.


Décembre 2023

Ginette Flora

6 commentaires


Colette Kahn
Colette Kahn
16 déc. 2023

Je croyais connaître beaucoup de choses du facteur Cheval pour avoir visité plusieurs fois son palais, mais j'en ai apprises encore tant d'autres... merci Ginette !

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Quelle belle surprise ! Après Viviane qui l'a visité , voilà que tu me dis que tu connais ce palais !

J'ai été sensible à la découverte de cette œuvre ! Et encore plus heureuse de savoir que tu es ravie que je t'en parle .

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nicole.loth
nicole.loth
14 déc. 2023

Le facteur Cheval a consacré sa vie à son oeuvre avec acharnement. Merci de lui rendre hommage dans les Malles, Ginette. Amicalement à toi.

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Sa vie m'a vraiment interpellée . Il a conservé intact tout au long d'une vie pavée de tragédies, un sentiment qui ne se s'est jamais altéré, qui est resté beau, fort et brûlant comme la flamme d'une torche qui ne s'éteint pas.

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Fournier Viviane
Fournier Viviane
13 déc. 2023

merci Ginette ...tu m'as fait revivre mon enfance, j'ai visité, petite, cet étrange palais ... et j'ai trop aimé le redécouvrir ici ...❤️

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Incroyable mais vrai !

Je suis agréablement surprise , Viviane !

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