Betsy Jolas ou le timbre de la voix
- Ginette Flora Amouma

- 30 juil.
- 4 min de lecture

© le monde.fr- Betsy Jolas compositrice
C’est une compositrice franco-américaine ; née en août 1926 à Paris. Elle est donc presque centenaire.
Cette exceptionnelle longévité lui assure une notoriété jamais démentie dans le monde musical qui l’honore de prix, récompenses et distinctions artistiques qui récompensent une vie dédiée très tôt à la musique.
Sa mère chanteuse exerçait sa voix et chantait si souvent tant et si bien que l’enfant très tôt identifie le son puis la voix puis le langage ; les trois éléments formant une seule entité complexe. Le son l’a marquée et elle n’aura de cesse que de l’étudier, s’interrogeant sur le mécanisme du son dans la voix, de sa portée dans la communication avec les autres.
« Une voix parle de la personne qui possède cette voix autant que la musique elle-même. »
En1940, la famille part s’établir aux Etats-Unis. Ses parents sont critiques littéraires, écrivains et travaillent tous deux dans une revue « Transition » qu’ils ont créée. Betsy grandit dans un milieu culturel américain tout en achevant sa scolarité au Lycée Français de New York.
Betsy fait ensuite des études musicales, harmonie, contrepoint, orgue, piano et obtient tous les diplômes en même temps qu’elle s’investit dans les activités musicales. Elle donne des concerts dans les chœurs Dessof. Elle découvre les œuvres de la renaissance, le baroque, la musique polyphonique.
Le temps de la recherche
En 1946, elle revient à Paris pour se perfectionner dans les écoles supérieures de musique.
De 1955 à 1970, elle s’occupe d’une antenne musicale de radio. Elle reçoit des commandes pour des compositions de cantates et de pièces orchestrales.
Le temps de l’enseignement
Elle enseigne dans les universités et choisit de s’affranchir de la ligne «sériel» en musique. La ligne sérielle est une technique de composition fondée sur l’utilisation d’une série d’éléments musicaux. C’est une construction préétablie de sons appelés « série ». Elle supplante l’harmonie tonale qui prévalait depuis le XVIIIème siècle. Cette technique apparaît avec Schönberg. C’est un mouvement musical du XXème siècle.
Elle s’en éloigne et enseigne une conception artistique qui s’insère dans une évolution stylistique continue. Tradition et invention. D’un point originel, elle montre la traversée de la ligne mélodique qui se réinvente en continu.
Elle met un point d’honneur à présenter la voix non seulement chantée mais aussi récitée comme la « sprechmelodie » inventée par Schoenberg dans son Pierrot Lunaire. Sa rencontre avec les poètes comme Pierre Reverdy dont elle met les poèmes en musique est une expérimentation de poèmes interprétés au piano sans être chantés par la voix !
L’œuvre de Betsy est un récitatif infini, une déclamation poétique dramatique.
Les principales œuvres
1 / Musique de chambre
Elle compose des œuvres pour clavecin, : pour piano, harpe ( tranche), orgue (musique de jour ), alto, violoncelle.
Des duos, des quatuors suivent ensuite.
Elle compose des pièces pour orchestre.
Une pièce à écouter pour sa surprenante interprétation : Le quatuor II pour soprano colorature. Un trio à cordes.
Elle traite la voix comme un instrument, sans texte.
Quatuor VII Afterthoughts
2/ Elle compose des pièces pour orchestre et ensemble
Stances
Ballade
Psaumes
L’ascension du Mont Ventoux ( motet IV et interludes )
3/ Les opéras
Le pavillon au bord de la rivière – 1975
Le cyclope sur le texte d’Euripide
Schliemann sur un livret de B.Bayen 1986
Iliade l'amour 2013
Pourquoi composer, peindre, écrire ? Pourquoi ce lien artistique avec soi ?
Betsy dit que l’humain a besoin de dire ce qu’il est et ce que les autres ne savent pas. Pour exister, il faut qu’il donne de la voix par le chant, par le pinceau car la couleur est le pays intérieur en chacun de nous, par l’écriture car la main rapporte la pensée.
Elle se livre sur les différents aspects de la communication entre les hommes et les femmes dans le monde de l’art.
Betsy dit que l’art musical est le dernier pilier à se résoudre à faire entrer le fait féminin dans son fortin.
La société a mis longtemps à admettre que « la femme puisse être créatrice autrement que par son ventre. »
Je n’étais pas douée en musique. Tout ce que j’ai obtenu, c’est par un travail acharné. Je suis une bosseuse. »
Son enfance, c’est la voix de sa mère qui chantait tout le temps. C’est un son, une voix qui l’a marquée d’où la réflexion qu’elle fait sur la voix autant que la musique elle-même.
Elle dit encore :
« J’ai conscience d’être une des dernières survivantes de la génération des Pierre Boulez et Karlheinz. »
Elle offre une composition dont la forme est fragmentaire, morcelée, que les instruments couronnent en continu.
C’est une musique sans couture, aux formes réinventées qui traduit la position indépendante, inventive et sans cesse préoccupante que Betsy adopte pour faire exister sa créativité. Pensons au Nouveau Roman en littérature, aux différentes figures de l’art abstrait en peinture.
En musique aussi, il y a de cela, des sentiers autres à emprunter.
Ginette Flora
Juillet 2025




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