Almoïs de Chateauneuf, une trobairitz occitane

Elle est également appelée Almucs de Castelnou ou Almodie de Châteauneuf-Randon selon les écritures des auteurs  qui parlent d’elle sans avoir pu rassembler des documents autres que ceux dont ils disposent c’est à dire très peu. Rien n’a été conservé, rien n’a perduré.

Elle est issue de la région du Gévaudan  et de la famille Châteauneuf-Randon. Elle résidait aux abords de Langogne, sur la route qui mène vers Mende, dans un château rendu célèbre par la mort de Duguesclin.

Elle est née vers  1140 ( ?) et morte en 1184. Elle développe de 1180 à 1220 une poésie appelée la « tenson »  c’est à dire le dialogue poétique où elle écrit et compose avec son amie Iseut de Chapieu.

C’est une écrivaine, compositrice de musique médiévale dans la grande tradition des troubadours qui assemblent poésie et chanson dans leurs compositions. Elle est connue pour ses poésies en tant que trobairitz, c'est-à-dire une troubadour femme, flamme vacillante rare au milieu d’un parterre de troubadours, ses confrères plus nombreux.

 L’âge d’or de la poésie du genre trobar  

Les XIIème et XIIIème siècles se dotent d’une très forte littérature où la place des femmes trobairitz est particulièrement en pleine évolution. Aliénor d’Aquitaine en est l’émule en œuvrant pour une culture des arts et de la fin’amor.   Chaque région enfante ses troubadours et ses trobairitz et c’est en Occitanie que l’art de la trobar s’épanouit pour le plus grand bonheur des femmes qui ne trouvèrent en cette région aucune entrave à leur liberté d’agir.

L’Occitanie, terre du trobar

© Almucs de Castelnou

L’art du trobar ( la poésie des troubadours ) est  vivace encore en Lozère. Il semblerait que d’après les textes conservés dans les bibliothèques, il y aurait eu 460 troubadours et 2500 œuvres et une vingtaine de trobairitz.

Pour  la seule région de l’Occitanie, il y aurait eu 10 troubadours et 4 trobairitz.

C’est un courant ouvert par Guillaume IX d’Aquitaine qui voulut policer les mœurs et instaurer une finesse dans la manière de réinventer le bel esprit. Aliénor D’Aquitaine  développa l’usage des bons mots et de la beauté du vers poétique.  La place des femmes trobairitz est insignifiante au regard de leurs confrères mais elles apportèrent pour l’histoire de la littérature des régions, une grande contribution à la vie littéraire du Gévaudan.

C’est également un témoignage  de la place des femmes du Moyen-âge en Occitanie.

Elles étaient quatre trobairitz du Gévaudan à élever la voix de la poésie féminine occitane.

En effet, l’aspiration littéraire des femmes trobairitz ne connut aucune limite dans le Gévaudan. Elles étaient principalement issues de familles nobles et d’autre part, les femmes de l’Occitanie jouissaient d’un statut privilégié, hors du commun. Elles avaient des  droits particuliers comme celui d’hériter et d’écrire donc de diffuser ou du moins de faire part de leurs pensées.

Les trobairitz sont des femmes poétesses et musiciennes qui abordent les thèmes traditionnels inhérents à la littérature de l’amour : le fin’amor, la joie, la  jeunesse, l’amitié d’un lien courtois qui vient donner à leurs jours une soudaine beauté.  

Le Gévaudan accueille ainsi un quart des trobairitz répertoriées. Les deux plus connues sont les deux amies Almoïs de Châteauneuf ( ou Almucs de Castelnou) et Iseut de Chapieu ( ou Iseu de Captio). Les deux autres sont  Azalais d’Altier et Na Casteleoza.

 Almoïs et Iseut ont su traiter leurs thèmes favoris avec un vocabulaire toujours très soutenu jamais écorné. Le sujet spontané et confidentiel qu’elles étudient avec franchise et liberté d’esprit reste sans fioriture et disséqué avec lucidité. 

Mais rien n’a pu être retrouvé hormis une strophe d’une composition tronquée.

Elles témoignent d’une vie de châtelaine retirée dans leurs domaines, en proie à des vagues  d’espoir et d’amour parfait qu’elles évacuent par les vibrations de la poésie et de la musique.

 Conférences et débats

 Des conférences et des débats donnés par les universités  sur les divers thèmes relatifs à la culture du Moyen-âge  rassemblent les amis de la littérature autour de sujets choisis dans l’histoire des cultures.

 Dans la maison de la culture, le sujet est souvent la poésie des femmes en pays d’oc.

 La conférencière  dit :

 « Au Moyen-âge, il ne restait que 4% d’auteurs femmes pour 96% d’auteurs hommes.

 Aujourd’hui au XXIème siècle, la lutte pour l’égalité continue car nous avons encore 4% de femmes écrivaines et 96% d’hommes écrivains. »

 De tout temps, il semble que la femme éprouve les mêmes aspirations que les hommes et qu’elles ne sont entendues que si on veut bien les entendre. Le poète Bernard de Ventadour disait :

 «  Je ne vois ma propre image que dans les yeux de la femme aimée. »

Les poèmes des troubadours n’ont pas été conservés jusqu’à nos jours d’où le peu de documents qui nous restent sur les troubadours et les trobairitz.

Un autre courant de pensée semble ne donner aux troubadours et aux trobairitz qu’un intérêt moindre et restrictif, contraignant à les figer à une place marginale,  considérant ce genre poétique  comme un phénomène de divertissement.

Or le rôle des poétesses est essentiel.

Si leurs textes n’ont pas survécu, elles ont laissé des traces de leur vécu, des empreintes aussi impérissables que les rochers granitiques de Sidobre, aussi imposantes que les sculptures façonnées par les érosions et les laves volcaniques.

Selon Henri Davenson, « Chez les troubadours, l’amour courtois est une sympathie amoureuse qui tend à l’identification de deux âmes nobles et à leur union. D’aucuns y ont vu une sorte de sublimation, de spiritualisation de l’élan élémentaire » (Devinson, 1961, p. 147)

Le trobar est l’art de composer, d’inventer dans l’instant présent le sentiment qui anime le sujet. Les troubadours et les trobairitz sont poètes, compositeurs et interprètes. Ils  peuvent demander aussi à des ménestrels d’interpréter leurs poésies. Cette littérature est la plus connue en langue occitane. Ils sont présents dans la mémoire collective.

Les trobairitz usent aussi d’une poésie lyrique et profane. Elles ont marqué le Sud de la France, celle des Cévennes, des monts d’Aigoual, des Causses, de l’Aubrac, de la Lozère.  

«  Si chanter la dame » constitue le principal argument de la lyrique occitane,  les femmes troubadours chantent l’art d’aimer et c’est dans ce domaine qu’elles créent leurs plus belles œuvres.

L’Occitanie, grâce à la situation très inusitée dont jouissent les femmes, porte en son giron les plus grandes  trobairitz.

En effet plusieurs femmes, outre leurs dons littéraires et artistiques,  étaient aussi maîtresses de leur fief lorsque leurs époux partaient en guerre ou décédaient. Une situation qui les laissaient seules et leur donnaient le contrôle absolu des terres reçues en héritage,  habituellement régies par les hommes.

Les trobairitz sont des femmes  de noble naissance, instruites et comme elles avaient la charge d’un fief, elles pouvaient cultiver les fleurs de l’amour avec raffinement.

Pour elles, la poésie est l’expression de leurs sentiments  qui se manifestent soit en monologues amoureux, des cansos, soit des sirventès, des chansons satiriques. Ce sont  aussi des dialogues poétiques  comme les tensons.

D’aucuns comparent leurs écritures à des journaux intimes où elles s’épanchent librement. On peut déplorer qu’il ne reste pas grand-chose d’elles d’autant que cette poésie ne dura que deux siècles.

La croisade albigeoise et de rudes guerres signèrent le déclin de la poésie des troubadours et des trobairitz.

Les ordres religieux changèrent les mœurs pour instaurer la poésie religieuse qui déclassa la poésie de cour.

Rachel Salter, une conteuse, chanteuse et musicienne, explore avec son luth les chants des trobairitz d'Occitanie. Son concert est donné dans la chapelle du château de Puivert, ancien château cathare du XIIème siècle, sise dans le département de l'Aude dans la région Occitanie.

https://youtu.be/fQXGICqbIj8

Ginette Flora

Février 2025