La page de Colette Alice - Trois pionnières chinoises
- Ginette Flora Amouma

- 17 août
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 août

1/ QiuYufang (裘毓芳) (1871-1904)

Journaliste
Qiu Yufang, considérée comme la première journaliste et féministe chinoise, est née en 1871 au sein d'une famille de lettrés dans le Jiangsu, une région alors florissante et riche d'échanges avec le monde occidental. Ses parents refuse de lui infliger la coutume des pieds bandés (1) et sa grande intelligence lui permet d'étudier dès l'âge de onze ans aux côtés de son oncle Fiu Tingliang (1857-1943) qui lui enseigne la littérature et l’histoire de la Chine. Un oncle qui l'ouvre aussi au reste du monde en l'initiant à l’anglais, qu'elle étudiera par la suite dans une école à l'occidental, et aux relations entre les nations. En 1897, Qiu Yufang se fait remarquer par une traduction en chinois d'un ouvrage non classique, dont elle assure elle-même la publication et la vente À Shanghai le 11 mai 1898, elle fonde avec son oncle et avec quelques intellectuels progressistes locaux un journal en langue courante de Wusi, le Wusi baihua bao, dont elle devient la rédactrice en chef et chroniqueuse. La même année elle rejoint, toujours à Shanghai, le premier journal féminin en Chine, le Nubao, un journal radicalement réformiste qui cherche à introduire « l'apprentissage occidental, les affaires occidentales et la littérature occidentale » au sein de la société chinoise. La jeune journaliste y signe notamment de nombreux articles promouvant l'ouverture à l'international, l'étude des sciences ou encore la création d’écoles mixtes ; Par ailleurs, elle fonde avec trois autres personnes une institution d’étude du chinois qui acquiert rapidement une solide réputation. Toutes ces initiatives sont cependant stoppées net par l'abandon de la politique des Cent Jours, qui signe la disparition du Journal de Wuxi, du Journal des femmes et de l'institution de chinois compris par tous. En 1904, Qiu Yufang succombe au choléra à l'âge de 33 ans.
2/ Qiú Jǐn: (秋瑾) (1875-1907) Poétesse

Qiú Jǐn est née le 8 novembre 1875 de parents fonctionnaires sous la dynastie mandchoue à Xiamen dans le Fujian. À 21 ans, elle est mariée de force et suit son mari dans son travail à Pékin. En 1903 sa façon de penser évolue, notamment sous l'influence du de la révolte des Boxers (1899-1903) réprimé en 1900. Pour montrer son ressentiment envers le traitement réservé aux femmes sous la dynastie Qing et son gouvernement, elle s'habille en homme, apprend les arts martiaux et manie le sabre. Pour elle l'égalité des sexes passe par l'acquisition du savoir chez les femmes, ce qui lui faut le surnom d’« ennemie des hommes ». Elle quitte alors son mari et ses deux enfants pour poursuivre des études au Japon dont elle apprend la langue mais se révolte, en 1904, contre les autorités japonaises qui interdisent à tout étudiant d’agir à l'encontre de la politique du gouvernement.
À son retour en Chine, elle publie la revue Femmes de Chine (Zhongguo nubao) préconisant notamment aux femmes d’acquérir leur indépendance financière par les études et le travail. Elle les encourage à résister à l’oppression familiale et gouvernementale et s’élève contre des pratiques coutumières, comme celle des pieds bandés. En 1905, elle rejoint la Ligue révolutionnaire fondée par le révolutionnaire et homme d’état chinois Sun Yat-Sen (1866-1925) mais retourne en Chine en 1906 pour fuir la répression qui sévit alors.
Poétesse féministe, Qiú Jǐn est également une excellente oratrice qui parle en faveur des droits des femmes, de la liberté de se marier et d’avoir à l’accès à l’éducation.
En 1907, de retour à Shaoxing, elle devient directrice de la Datong School, officiellement une école pour enseignements sportifs mais officieusement un lieu d’entraînement pour les révolutionnaires. Elle tente alors d’organiser un coup d’État contre l’impératrice douairière Cixi au pouvoir depuis 47 ans pour renverser la dynastie des Qing et établir une république mais le complot est découvert. et elle sera arrêtée le 12 juillet 1907. Sous la torture, elle n’admet rien malgré des des preuves évidentes. Qiú Jǐn est condamnée à mort et exécutée le 15 juillet 1907.
Un monument est érigé en sa mémoire dans la ville de Hangzhou à l’est du pays. En Chine, Qiú Jǐn est une icône symbolique en particulier de la lutte pour les droits des femmes
Début 1907, elle fonde une société pour l'émancipation des femmes. Elle est aussi poétesse, journaliste et éditrice et fonde à ce titre plusieurs journaux féministes dont la revue Femmes chinoises (Zhongguo nubao) à Shanghai, qui parait en janvier et février 1907. Elle appelle les femmes à acquérir leur indépendance intellectuelle et financière par les études et le travail et ainsi obtenir la liberté à se marier. Plusieurs de ses publications sont cependant interdites ou censurées. Depuis la ville de Shaoxing, elle tente de provoquer un coup d'État contre l'impératrice douairière Cixi au pouvoir depuis 47 ans pour renverser la dynastie des Qing et établir une république, mais cette action se traduit par un échec.
Elle est arrêtée le 13 juillet 1907[avant d'avoir pu lancer sa rébellion armée. Elle est torturée, mais refuse de donner le nom de ses compagnons de lutte. Après un procès éclair, elle est condamnée à mort par ordre impérial le 15 juillet, avec pour preuve à charge ses poèmes.
Lors de sa dernière nuit, Qiú Jǐn aurait écrit son ultime poème : « Automne du vent, la pluie d'automne, je meurs de tristesse ». On raconte que l'officier qui l’avait arrêtée se serait suicidé 100 jours après sa mort car il aurait été impressionné par son charisme et aurait échoué à convaincre ses supérieurs de ne pas l'exécuter.
Cette martyre révolutionnaire est devenue une icône en Chine. De son œuvre littéraire, il ne reste que peu de traces aujourd'hui : seuls six des vingt chapitres inachevés de ses chants Pierre de l'oiseau ont été sont retrouvés . Qiú Jǐn y utilisait la forme traditionnelle du récit sentimental pour dénoncer le patriarcat et le racisme. Elle écrivait : « Tu es enfermée comme une prisonnière, tu ne peux raconter ce qui s’accumule dans ton cœur, humiliée, outragée… Personne pour prononcer un mot de compassion ou de justice ! »

Éditions des femmes -1976
3/ Lin Zongsu ( 1878-1944) Suffragiste et écrivaine

Lin Zongsu est née en 1878 dans la province du Fujian d’un père écrivain et d’une mère érudite. Elle est une enfant pleine de fougue et ses parents choisissent de ne pas lui bander les pieds. Elle est instruite par sa mère à domicile. Lorsque sa mère décède, Lin, qui est encore très jeune,vit avec un oncle et fréquente une école occidentale
Vers 1898, elle rejoint son frère aîné, qui est journaliste à Hangzhou. En 1902, elle poursuit ses études à l'école patriotique pour filles à Shanghai. L'école s'écarte radicalement des écoles chinoises traditionnelles mélangent l'étude de la chimie et de la physique avec l'histoire de la Révolution française et du mouvement nihiliste russe, tout en prônant l'engagement politique des femmes[. En 1903, elle part un an au Japon avec d'autres étudiants. À son retour à Shanghai elle collabore au journal de son frère, le Chinese Vernacular News, devenant ainsi l’une des premières femmes journalistes et rédactrices de journaux en Chine. En 1906, elle termine ses études à l’école normale et épouse un ami de son frère Tong Fu. En octobre 1911, la dynastie mandchoue Qing qui règne depuis 1644, tombe. Lin fonde alors la première organisation en Chine luttant pour le vote des femmes et crée un journal le Women’sTimes. Elle y publie de nombreux articles sur les droits des femmes tout en dirigeant plusieurs organisations. En 1912, Lin rencontre Sun Yat-sen (2), « le père de la Chine moderne », et obtient sa promesse que les femmes auraient le droit de vote lorsque l'Assemblée nationale serait établie. Mais ce dernier prend rapidement ses distances en déclarant que le suffrage est une question à décider par la majorité et lorsque la Constitution est promulguée elle ne contient aucune disposition relative au vote des femmes. Toujours en lutte, ces dernières qui continuent à faire pression sur le Sénat provisoire, envoient cinq pétitions demandant que leurs droits soient légalisés. Mais l'Assemblée nationale qui considère leurs actions menaçantes, refuse de les écouter.
En 1913 Lin et Tong divorcent. Lin quitte alors l'arène politique pour s’installer à Nankin. Invitée par la Chambre de commerce de Singapour à se rendre en Asie du Sud-Est elle accepte, déménage et devient enseignante. Elle épouse un marchand et le couple dirige une entreprise de navigation prospère qui permet à Lin d’aider son frère à financer son journal. En mars 1922, le couple retourne en Chine et s’installe dans la province du Henan, en raison des intérêts commerciaux de leur entreprise. Quand en 1925 l’unique enfant du couple meurt Lin, accablée de chagrin, rejoint à Pékin son frère qui sera assassiné l'année suivante. Lorsque la deuxième guerre sino-chinois (1937-1945) éclate, la famille déménage à Kunning, dans la province du Yunnan où Lin Zongsu décède en 1944.
NOTES
(1) Pieds bandés : le bandage commençait à l’âge de cinq ou six ans et nécessitait environ deux ans pour atteindre la taille jugée idéale de 7,5 centimètres appelée alors lotus d’or.
(2) Sun Yat-Sen (1866-1925) : Premier président de la république de Chine en 1912.
(3) Je n’ai trouvé aucune information concernant la vie de Lin Zongsu entre 1937 et 1944
Textes et images de Colette Alice

Août 2025




Trois portraits de femmes iconiques et rebelles aux destins malheureusement tragiques ! Merci pour ce partage. Tes articles sont toujours intéressants à découvrir et aussi bien rédigés ! Belle journée à toi, Alice ! ^^
Magnifique découverte, que de destins incroyables .. Merci mon Alice ... tu leur donnes tant à ces oubliées de la vie et c'est beau ! ♥️