La page de Colette Alice - Adélaïde Hautval
- Ginette Flora Amouma

- 11 mai
- 4 min de lecture
Résister jusqu’au bout
Adélaïde Hautval
(1906-1988)
À quelques jours des 80 ans de la libération du camp de concentration de Ravensbrück, des personnalités politiques et intellectuelles demandent, dans une initiative rendue publique le jeudi 24 avril, l’entrée au Panthéon de la résistante Adélaïde Hautval.

Adélaïde Hautval, surnommée Haïdi, est née en 1906 dans un village qui appartient alors à l’Empire allemand. Fille d’un pasteur, elle est la septième et dernière enfant de la famille. Après des études de médecine à Strasbourg, elle travaille en tant que psychiatre dans des hôpitaux et des instituts neuropsychiatriques locaux et en Suisse.
En 1942, elle apprend le décès de sa mère qui résidait à Paris, alors sous occupation allemande. Souhaitant assister à ses funérailles, Adélaïde demande aux autorités allemandes l’autorisation d'entrer en zone occupée. Suite à leur refus, elle décide de prendre le risque de traverser la ligne de démarcation mais sa tentative échoue.
Elle est arrêtée en avril 1942 par la police allemande et transférée dans une prison de Bourges. En juin 1942, des prisonniers juifs portant l’étoile jaune arrivent en très grand nombre et Adélaïde proteste vigoureusement contre la façon dont ils sont traités, en disant aux gardiens :
« Les Juifs sont des gens comme les autres. »
La riposte est immédiate et sans appel :
« Puisque vous défendez les juifs, vous partagerez leur sort. »
Refusant de se laisser impressionner, Adélaïde Hautval épingle alors sur ses vêtements un morceau de papier jaune portant la mention « Amie des Juifs ».

Transférée à Beaune-la-Rolande du 24 septembre au 5 novembre 1942, elle passe ensuite quelques jours à la prison d'Orléans avant d’arriver à celle de Romainville le 17 novembre de la même année. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943 avec deux cents prisonnières juives françaises, sous le matricule 31 802. Adélaïde, bien que protestante, est placée dans un bâtiment abritant 500 prisonnières juives.
Elle met alors en pratique ses connaissances médicales avec un dévouement sans bornes, soignant les prisonnières qui ont contracté le typhus et les isolant dans une partie distincte du bloc afin d’éviter la contagion.
Employée comme médecin par le commandant du camp, elle s’abstient de rendre compte de l’état de santé des prisonnières, leur évitant ainsi une mort immédiate. La douceur de ses mains et la chaleur de ses paroles ont une valeur inestimable dans l’enfer d’Auschwitz. Toutes l’appellent « La Sainte ».

Sa qualité de médecin étant reconnue, elle pratique également son métier dans un des reviers (1) de Birkenau où les conditions médicales sont plus que déplorables. D’abord affectée au bloc 22 pour s'occuper des détenues allemandes, elle est ensuite envoyée, en avril 1943, au bloc 10 du camp principal. Le médecin-chef y pratique des « expériences », notamment des stérilisations de femmes en brûlant leurs organes avec des produits caustiques. Adélaïde Hautval, qui refuse d'y participer, est alors chargée des soins post-opératoires. De même elle refusera de prendre part aux expérimentations de Josef Mengele (2) sur les jumeaux et sera renvoyée en août 1943 parmi les autres détenues du camp dans lequel elle se retrouve relativement isolée : les détenues qu'elle avait rencontrées en prison ou lors de son transfert sont mortes ou parties dans un autre bloc.
Le 16 août 1943, elle apprend qu’elle sera exécutée le lendemain si elle n'accepte pas de participer aux stérilisations. Encore une fois, elle refuse. Mais grâce à une aide providentielle qui lui sauve la vie, elle est de nouveau affectée comme médecin au camp, en tant que psychiatre. Volontaire pour « voir » dans le but de « témoigner après », elle assiste à plusieurs séries d'expériences des médecins nazis spécialisés dans la stérilisation et la castration, tout en essayant de soulager autant que possible ses camarades.
Elle disait : « Ici, nous avons tous été condamnés à mort. Comportons-nous en êtres humains aussi longtemps que nous serons en vie.» Ces paroles resteront gravées dans la mémoire des déportés.
Après avoir souffert du typhus de novembre 1943 à mars 1944, Adélaïde Hautval est à nouveau transférée à Ravensbrück le 2 août 1944.
Elle assiste à la libération du camp en avril 1945 mais reste sur place avec Marie-Claude Vaillant-Couturier (3) afin de s'occuper des malades qui ne peuvent être immédiatement transportés.
Le 25 juin 1945, elle quitte le camp pour la France, avec les derniers malades français.
En décembre 1945, Adélaïde est décorée de l'Ordre National de la Légion d'honneur pour son dévouement indéfectible auprès des déportés.
En 1946, elle écrit « Médecine et crimes contre l'humanité » qui ne sera édité qu’en 1991.

En 1964, elle témoigne en Angleterre au procès en diffamation de l’écrivain Leon Uris (4) contre Wladislaw Dering (5), un médecin polonais qui avait participé à des expérimentations médicales à Auschwitz et qui réfutait une note de bas de page du roman Exodus (6). Ce procès est le premier procès pour crimes de guerre organisé en Grande-Bretagne. Le magistrat anglais dépeint alors Adélaïde Hautval comme l’une des femmes les plus impressionnantes et courageuses ayant jamais témoigné devant un tribunal en Grande-Bretagne, une femme dotée d’un fort tempérament et d’une personnalité extraordinaire.
En 1963, n'appartenant à aucun réseau ou organisation de résistance, elle obtient, non sans difficulté, une carte de déportée résistante.
En 1965, elle est reconnue pat l’État d’Israël et reçoit la médaille de « Juste parmi les nations ».

Atteinte de la maladie de Parkinson, Adélaïde Hautval met fin à ses jours le 12 octobre 1988. Elle avait 82 ans.
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(1) Revier : baraquement destiné aux déportés malades.
(2) Josef Mengele (1911-1979) : médecin allemand eugéniste surnommé «L’Ange de la Mort ». Un des théoriciens majeurs des politiques racistes du Troisième Reich. Après la guerre, il s’enfuit en Amérique du Sud où il décède sans jamais avoir été jugé pour ses actes.
(3) Marie-Claude Vaillant-Couturier (1912-1996) : femme politique française, communiste et résistante.
(4) Leon Uris (1924-2003) : écrivain américain de romans historiques dont le plus connu, Exodus, est publié en 1958.
(5) Wladislaw Dering (1903-1965) : chirurgien et médecin polonais. Prisonnier du camp de concentration d’Auschwitz où il a soutenu les expériences de stérilisation sur les prisonnières.
(6) En page 155, ce passage disait : « Ici, dans le bloc X, le Dr Wisigoths a utilisé des femmes comme cobayes, le Dr Schumann les a stérilisées par castration et rayons X, le Dr Clauberg a retiré leurs ovaires et le Dr Dehring a réalisé 17 000 expériences chirurgicales sans anesthésie ».
Colette Alice

Mai 2025




Un grand merci Alice pour le portrait de cette femme extraordinaire qu'est Adélaïd Hauteval. Il est toujours bon de rappeler les atrocités qui se sont déroulés lors de la deuxième guerre mondiale et ces héroïnes qui ont lutées de toutes leurs forces.
Cet hommage est très émouvant. Merci encore !
Magnifique portrait, mon Alice et j'adore ... fort, touchant ...une leçon de vie .... ❤️
Dans ce climat de terreur et d'horreur qui régnait alors, le surnom de "La Sainte" à l'endroit d'Adélaïde Hautval était loin d'être galvaudé. Aujourd'hui que la Légion d'Honneur est devenue une véritable pantomime et se distribue plus facilement que l'on attribue le niveau "Flocon" en ski, voilà une véritable héroïne qui a de quoi en remontrer à de prétendus héros qui n'en sont pas ! Encore une fois, Alice, tu nous dresses le portrait d'une femme qui force le respect par son courage et son dévouement ! Merci pour ce partage. Beau dimanche à toi ! ^^