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Duvidha, un conte au pays des rois

Dernière mise à jour : 28 juil.


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Il y a une part de fantastique, une part de surnaturel, de la magie assurément.  Il s’agit d’un conte  de l’auteur Vijaydan Detha, originaire du Rajasthan, littéralement «  Le pays des rois ».


Vijaydan Detha 


 Né en 1926 et décédé en 2013 , il occupe une place importante dans la littérature de cette région du Rajasthan.

Ses contes et ses nouvelles remplis d’humanité, relatent sous forme d'histoires peuplées de fantasmagorie, les multiples formes que peut prendre la vie quand elle s’impose à nous de façon insolite.  Il a pour cela rassemblé les contes populaires de sa région, il a consigné les histoires qui circulent de génération en génération au point qu’on en perd les origines. En les racontant, il extrait les grands traits d’un esprit particulier à cette région. Il développe les thèmes folkloriques, devient ainsi celui qui est la mémoire culturelle d’un peuple. Son récit " Duvidha ou le dilemme" est inspiré d’un conte de sa région natale.   


 L’histoire s’appuie sur les codes sociaux qui régissent les rapports  des habitants d’un

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village.

Pour avoir voulu parler d’une femme et qui plus est, lui avoir donné une présence quasiment silencieuse mais remplie d’une forte charge émotionnelle, l’auteur en vient à parler de la place de la femme dans la société villageoise.

 Il donne à son récit l’allure d’une fresque onirique où le sentiment amoureux émerge dans une société où les liens entre hommes et femmes sont figés et statués.


 Duvidha en perçoit le cruel constat quand  elle va  se trouver devant un problème qui aurait pu lui échapper si elle n’avait décidé d’imposer son choix.   

 Duvidha et son époux rentrent en carriole chez eux après s’être mariés selon leurs usages.  La femme est toujours masquée par son voile.  Mais arrivés chez eux, le marié ne consomme pas son mariage et s’affaire à régler ses problèmes professionnels en annonçant à sa nouvelle épouse qu’il va devoir s’absenter pour surveiller ses affaires commerciales dans une  région éloignée de son domicile et qu’il sera absent pendant quelques années.

 

Pendant son absence, Duvidha est visitée par un fantôme, un esprit qui est tombé sous son charme. Il la couvre d’attentions et il lui donne cette présence et cet accompagnement dont elle ne connaissait pas  le doux repère,  le soin et le respect.  

Peu à peu, Duvidha s’habitue à la présence du fantôme qui prend le visage de son mari. Le fantôme lui avoue qu’il n’est qu’un avatar, un esprit volatil.

Duvidha ne peut se passer de lui et lui demande de rester auprès d’elle. Ils vécurent ainsi et eurent un enfant mais le véritable époux en revenant de ses voyages refusera de reconnaître l’enfant et l’homme qui lui ressemble.

Le  sage du village décide de départager le problème en leur faisant passer une épreuve.

Le fantôme perd l’épreuve et le mari reprend ses droits de  mari mais le fantôme  n’a pas dit son dernier mot et  reprend la place du mari en s’incrustant dans son esprit et en s’emparant de son corps.  

 

 Les  adaptations cinématographiques


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 1/   En 1973, le cinéaste Mani Kaul en fait un film qui  est projeté en janvier 2023 dans  les  salles de cinéma français.

Le cinéaste Mani Kaul, originaire du Rajasthan est peu connu en Occident. Il représente le nouveau cinéma indien. Il a enseigné et réalisé des fictions et des documentaires mais aucun de ses films n’a été distribué en France.

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Duvidha est un film d’auteur. On connait Satyajit Ray qui creuse les personnages et s’attarde sur leurs pensées. Mani Kaul laisse les images parler, il laisse le silence se charger de dire et de faire. Le film surprend par ses images qui souvent sont figées. La contemplation devient une posture pour le spectateur atteint par l’espace désertique des paysages, par les couleurs de sable et d’ocre que les costumes rouge et or superposent au dénuement des vastes champs de lumière.  Profusion de couleurs sur les costumes, les bijoux, richesse particulière dans un environnement qui reste mutique dans son traditionnel ballet de gestes immuables.

Il y a peu de dialogues, c’est une mise en scène picturale pour exprimer le caractère fantastique du lien  onirique du conte.

Poussière dorée, musique du Rajasthan, la flûte déverse sa tristesse. C’est un montage singulier qui laisse une part très large à la poésie qui confine à une spiritualité.

Mani Kaul choisit de montrer la région restée sauvage où la beauté des costumes et des bijoux semble donner à l'austérité des paysages, les ors dont elle porte l’écrin.

Les images sont floutées par les voiles, les étoffes et les grelots d’une dot offerte au carat près.  Pendant un quart d’heure  que dure l’arrivée des époux dans leur domicile, l’action est dans le paysage, dans le regard de l’esprit qui vit dans un arbre, dans la distance qui sépare les époux que rien ne rapproche  hormis le sens marital que libère la couleur des poudres sur le visage de la femme, son silence en signe de l’attente de l’acte qui devait se  produire mais qui ne se produit pas. 


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En passant sous un arbre, ils n’aperçoivent pas l’esprit qui y est logé et qui a posé son regard sur la jeune épousée dont il semble percevoir les mouvements du cœur.

Le lyrisme, l’émotion, la poésie, les sentiments retenus sont dans les plans immobiles. La couleur des murs, le clair-obscur de l'intimité souligne la dualité des ressentis de la jeune femme. La faune et la flore participent à cet impressionnisme. Le cinéaste filme l’environnement et c’est l’étirement de l’image qui préfigure le temps qui est occulté, celui qui se passe derrière les voiles et les ombres.  

Et c’est donc aussi un regard sur la société, sur la femme, sur les conventions et sur l’absolue détresse des personnages qui ne s’accomplissent que dans une autre dimension  …. Qui n’est pas terrestre.

La jeune femme transmet son histoire et la caméra suit son itinéraire.

Elle accepte d’être accompagnée par le fantôme, l’esprit qui lui donne une existence, une réalité. La jeune femme prend vie et âme auprès de l’esprit qui lui donne le témoignage d’une identité  dans une société où la femme n’a de sens que  par ses obligations maritales  et génitrices. Réflexion grave autour des faits sociétaux que le réalisateur aborde sous forme de conte fantastique que  l’écrivain Vijaydan Detha avait posée dans sa nouvelle.

C’est donc un film très épuré, aux nombreux plans fixes et aux dialogues limités souvent servis par des voix off.

 Une sorte d’abstraction picturale flotte sur le film.    


2/ En 2005, une deuxième adaptation cinématographique est réalisée sous le titre de "Paheli" par le réalisateur Amol Palekar.

Deux grands acteurs emblématiques du Bollywood moderne, Shah Rukh Khan et Rani Mukherjee en assurent les rôles principaux dans une réalisation qui laisse une large place aux chorégraphies et aux mélodies envoûtantes avec une qualité d'image et de son qui restitue les paysages du Rajasthan dans des couleurs à couper le souffle.

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L'art du Rajasthan fait le délice des peintres qui trouvent dans les paysages du Rajasthan, des sujets de croquis à l'aquarelle ou des esquisses à l'acrylique .



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© Peintures Ana Mu Studio Art du Rajasthan

Ginette Flora

Octobre 2024

6 commentaires


Superbe voyage et découverte encore une fois ! Merci Ginette , j'ai adoré ...ta présentation est une invitation en grand !❤️

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Merci beaucoup, Viviane .

Ce conte m'a un peu chamboulée !

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Colette Kahn
Colette Kahn
06 oct. 2024

Magnifique découverte et je me dis que le cinéma indien a déserté nos écrans... heureusement qu'il y a parfois des concerts de musique indienne programmés par le Théâtre de la Ville (un lieu où je vais très souvent depuis pfffff. Quand on aime on ne compte pas !).


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Le festival Gange sur Seine , rue des écoles à Paris , programme des films de l'Asie .

C'est une filière pour redécouvrir le cinéma indien.

Bonne fin de journée, Alice .

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nicole.loth
nicole.loth
05 oct. 2024

Que voiçi un beau conte mis en lumière par les cinéastes du Rajasthan, que tu raconte si bien Ginette. J'aprècie beaucoup le cinéma de Bollywood et surtout les dialogue chantants en version originale, comme une musique qui me touche.

Les couleurs sont spendides et contrastent avec la pauveté de certaines castes.

Merci de mettre en lumière tous ces sujets qui nous font grandir. A bientôt pour d'autres aventures dont tu as le secret 😉

Bon week end ma chère Ginette.

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L'Inde est un pays de contrastes dans tous les sens du terme.

Rien n'est pareil d'une région à l'autre hormis cette musique, cette poésie dans les paroles chantées et cette gestuelle dans la chorégraphie.

Merci beaucoup. Cela me touche beaucoup ce que tu dis et de voir que tu apprécies me remplit de joie.

Bonne journée , chère NIcole.

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